Le rite de passage de l’adolescence à l’âge adulte a longtemps consisté dans l’accomplissement de son service militaire. Pendant longtemps, jusqu’en 1905, le rituel du service militaire donnait lieu à une sélection par tirage au sort. Les rites de passage ont depuis évolué et, aujourd’hui, l’obtention du baccalauréat et l’entrée à l’université remplissent les fonctions naguère dévolues au service des armes.
Que certaines universités aient décidé de recourir au tirage au sort pour sélectionner leurs étudiants pourrait donc s’autoriser de précédents et d’une parenté d’ordre sociologique.
Dans le monde du droit, les jeux de hasard, sont cependant considérés avec suspicion.
Cette méfiance explique sans doute en partie que, dans un jugement du 16 juin 2016, le tribunal administratif de Bordeaux ait annulé la décision de refus d’inscription d’un bachelier à l’université de Bordeaux recalé au tirage au sort (1).
Bien que, théoriquement, le baccalauréat constitue le premier grade universitaire, en pratique, l’afflux des étudiants souhaitant poursuivre des études supérieures est tel, que les capacités d’accueil des établissements sont insuffisantes pour tous les accueillir.
Au cas particulier, l’étudiant concerné par la décision de rejet de sa candidature avait manifesté le désir de s’inscrire en première année de licence de sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS) : une filière que l’on sait particulièrement prisée par les étudiants.
Les capacités d’accueil de l’université de Bordeaux ne pouvant satisfaire toutes les demandes, l’administration a eu l’idée de sélectionner les candidats par tirage au sort sans se préoccuper du point de savoir si ce mode de sélection avait été prévu par les textes.
Le tribunal censure l’administration sur ce point.
Se rapportant aux dispositions de l’article L.612-3 du code de l’éducation, le tribunal indique que, dans l’hypothèse d’une insuffisance des capacités d’accueil, le texte législatif renvoie la responsabilité d’organiser les modalités d’inscription des étudiants au ministre de l’enseignement supérieur lequel doit prendre en considération, le domicile, la situation de famille du candidat et les préférences qu’il a pu exprimer.
Le tribunal constate ensuite, que le ministre de l’enseignement supérieur s’est pour l’instant abstenu d’édicter le texte d’application de la loi :
« il ne ressort d’aucune pièce du dossier qu’une telle réglementation permettant de fonder la procédure de tirage au sort mise en oeuvre en l’espèce existerait »
A titre préventif, le juge indique ensuite à l’administration que, dans l’hypothèse où un tel texte interviendrait, il ne pourrait être considéré comme légal, et le ministre compétent pour l’édicter, qu’à la condition de ne pas ajouter à la loi et de mettre en oeuvre les critères posés par le code de l’éducation :
« La compétence du ministre ne pouvait légalement s’exercer en l’espèce qu’en suivant les modalités prévues par cette disposition du code de l’éducation »
En filigrane, on peut également considérer ce jugement comme le révélateur des carences de la politique du gouvernement en matière d’enseignement supérieur, puisque, est de nouveau pointé le vide juridique ne permettant pas d’appliquer un texte législatif.
Une observation analogue avait été faite à propos de la sélection en masters : l’absence d’intervention du décret prévu par la loi, condamnant à l’illégalité toutes les formes de sélection inventées par les présidents d’université.
Jean-Yves TRENNEC.
1 TA de Bordeaux, 16 juin 2016 req. n°1504236.
2 Rappel à la loi pour les universités : Le Conseil d’Etat interdit la sélection dans les universités (village de la justice, 9 mars, 2016).