TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE LILLE
N°1508460
Mme A
- Degommier Juge des référés
Ordonnance du 5 novembre 2015
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le tribunal administratif de Lille Le juge des référés
Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 16 octobre 2015 et un mémoire enregistré le 29 octobre 2015, Mme A, représentée par Me Trennec, avocat, demande au Tribunal :
1°) d’ordonner, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution des décisions du jury de master 2 de l’Université de Lille III en date des 29 juin 2015, 2 juillet 2015 et 6 juillet 2015, rejetant ses demandes d’inscription en Master 2 « Psychologie et justice », « psychopathologie et psychologie de la santé », et « développement éducation handicap » option individu et société pour l’année universitaire 2015 / 2016 ;
2°) d’enjoindre à l’université de Lille III, en application des articles L.911-1 et L.911-2 du code de justice administrative, de procéder à son inscription dans l’un de ces Master 2 précités pour l’année universitaire 2015/2016 dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l’ordonnance et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
Elle soutient que :
- l’urgence est caractérisée par le fait que la rentrée universitaire 2015/2016 a déjà eu lieu et que les enseignements des masters 2 « Psychologie et justice », « psychopathologie et psychologie de la santé », et « développement éducation handicap » option individu et société ont commencé respectivement le 7, 9 et 14 septembre 2015;
- l’auteur de la décision était incompétent ;
- les décisions portant refus d’inscription en master 2 présentent un défaut de motivation ;
- elles méconnaissent l’article L 612-1 du code de l’éducation ;
- les décisions portant refus d’inscription en master 2 sont entachées d’illégalité pour erreur de droit, l’administration s’étant crue à tort liée par l’avis du jury ;
Par un mémoire en défense enregistré le 27 octobre 2015, l’université de Lille III conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la situation d’urgence est imputable à la requête du fait de la tardiveté de sa requête ;
- en tout état de cause la suspension des décisions contestées ne pourrait permettre qu’une intégration de la requérante dans la formation à compter du mois de novembre soit 2 mois après la rentrée, ce qui compromettrait ses chances de réussite universitaire ;
- les moyens invoqués par Mme A ne sont pas de nature à susciter un doute
sérieux.
La présidente du tribunal, par décision du 1er septembre 2015, a désigné
- Degommier, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé.
Vu les autres pièces du dossier. Vu :
- le code de l’éducation ;
- la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités ;
- l’arrêté du 25 avril 2002 relatif au diplôme national de master ;
- l’arrêté du 22 janvier 2014 fixant le cadre national des formations conduisant à la délivrance des diplômes nationaux de licence, de licence professionnelle et de master ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique :
- le rapport de M. Degommier, juge des référés ;
- Me Trennec, représentant Mme A.
L'université Lille III sciences humaines lettres & arts n’était pas représentée.
- Considérant que Mme A a accompli et validé en 2013-2014 une première année de master (master 1) SHS mention psychologie, au sein de l’université de Lille III ; que pour l’année 2015-2016, elle a présenté sa candidature en deuxième année de master (master 2) dans les formations « Psychologie et justice », « psychopathologie et psychologie de la santé », et
« développement éducation handicap » à l’Université de Lille III ; que, par décisions en date du 29 juin 2015, 2 juillet 2015 et 6 juillet 2015, le jury desdites formations a considéré que son dossier de candidature ne pouvait être retenu ; que Mme A demande la suspension de l’exécution de ces décisions ;
Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :
- Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
« Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) » et qu'aux termes de l'article L. 522-1 dudit code : « Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique (...) » ; qu’enfin aux termes du premier alinéa de l’article R. 522-1 dudit code : « La requête visant au prononcé de mesures d’urgence doit (...) justifier de l’urgence de l’affaire » ;
- Considérant, d’une part, qu’il est établi que la rentrée universitaire 2015/2016 a déjà eu lieu et que les enseignements des master 2 dans lesquels l’intéressée a postulé ont débuté les 7, 9 et 14 septembre 2015 ; que les décisions attaquées font obstacle à la poursuite des études de Mme A ; que s’il est regrettable que l’intéressée ait attendu le 16 octobre 2015 pour saisir le juge des référés, il n’en demeure pas moins que les décisions litigieuses en date du 29 juin 2015, 2 juillet 2015 et 6 juillet 2015 étaient dépourvues de toute motivation et n’ont pas été notifiées avec la mention des voies et délais de recours, ce qui pouvait laisser Mme A dans l’ignorance des possibilités de recours existantes ; que par ailleurs, Mme A a présenté une demande d’aide juridictionnelle le 1er octobre 2015 ; qu’eu égard à ces circonstances et à la portée de la décision attaquée, la condition d’urgence posée par l’article L. 521-1 précité du code de justice administrative doit être regardée comme remplie ;
- Considérant, d’autre part, que Mme A fait notamment valoir que le refus d’inscription qui lui a été opposé est dépourvu de base légale, dès lors qu’en l’absence de publication du décret prévu à l’article L. 612-6 du code de l’éducation, l’admission en master ne peut être subordonnée aux capacités d’accueil de l’établissement, au succès à un concours ou à l’examen du dossier du candidat ; qu’un tel moyen est de nature, en l’état de l’instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité des décisions attaquées ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’ordonner la suspension de l’exécution des décisions en date du 29 juin 2015, 2 juillet 2015 et 6 juillet 2015 et confirmées le 2 novembre 2015, des jury de master 2 « Psychologie et justice », « psychopathologie et psychologie de la santé », et « développement éducation handicap » option individu et société, de l’université de Lille 3 ;
Sur les conclusions à fin d’injonction :
- Considérant qu’aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative :
«Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution.» ;
- Considérant que la suspension de l'exécution des décisions attaquées, ordonnée par la présente ordonnance, implique que l’université de Lille III, en l’absence de tout autre motif y faisant obstacle, procède, à titre provisoire, à l’inscription de Mme A dans l’un des masters 2 auxquels elle avait postulé au titre de l’année 2015-2016, en attendant qu’il soit statué au fond sur la légalité ces décisions, dans un délai de quinze jours ; qu’il n’y a pas lieu dans les circonstances de l’espèce d’assortir cette injonction d’une astreinte ;
O R D O N N E:
Article 1er: L’exécution des décisions en date du 29 juin 2015, 2 juillet 2015 et 6 juillet 2015 des jury de master 2 « Psychologie et justice », « psychopathologie et psychologie de la santé », et « développement éducation handicap » option individu et société, de l’université de Lille III est suspendue.
Article 2 : Il est enjoint à l’université de Lille III de procéder, à titre provisoire, à l’inscription de Mme A en master 2 « Psychologie et justice », « psychopathologie et psychologie de la santé », ou « développement éducation handicap » au titre de l’année 2015-2016, en attendant qu’il soit statué au fond sur la légalité desdites décisions, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance.
Article 3 : Le surplus des conclusions est rejeté.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme Alicia A et à l’université Lille III sciences humaines lettres & arts.
Lille, le 5 novembre 2015.
Le juge des référés,
signé
S. DEGOMMIER
La République mande et ordonne au ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.
Pour expédition conforme, Le greffier,