Dans le cadre de l’intensification de la lutte contre le terrorisme le ministère de l’intérieur avait annoncé des renforts de policiers dans certaines villes françaises souffrant d’un déficit de fonctionnaires.
Monsieur Bernard Cazeneuve avait ainsi indiqué publiquement que des affectations exceptionnelles bénéficieraient au commissariat de Rennes.
Un gardien de la paix en poste au commissariat de police du Vésinet et désirant depuis longtemps retourner en Bretagne eut vent de la bonne nouvelle et présenta au ministère de l’intérieur sa candidature spontanée pour tout poste susceptible d’être ouvert dans le département d’Ille-et- Villaine.
Sa candidature fut implicitement rejetée alors que, dans le même temps, plusieurs fonctionnaires étaient affectés par télex sur les postes convoités.
Le gardien de la paix évincé décida de porter son affaire devant le tribunal administratif de Paris (1).
La juridiction administrative lui donne raison en annulant à la fois le refus de mutation qui lui a été opposé et les décisions de mutation des fonctionnaires appelés en renfort.
Sur le premier point, le tribunal considère tout d’abord que les délais prescrits pour présenter ses vœux au mouvement polyvalent ne peuvent être opposés dans le cas d’un mouvement exceptionnel annoncé par voie de presse.
Dans cette hypothèse particulière, tout fonctionnaire de police est en effet en droit de présenter une candidature spontanée puisque les renforts annoncés viennent compléter les affectations résultant des mutations opérées dans le cadre du mouvement général.
Dans ces conditions, le tribunal censure le refus de l’administration d’instruire la candidature du policier en relevant que cette candidature n’a pas fait l’objet d’un examen individuel et qu’elle n’a pas été soumise à l’avis de la commission administrative paritaire nationale laquelle doit émettre un avis sur toute demande de mutation.
Les mutations des policiers affectés en renfort sont également annulées par le tribunal qui critique le raisonnement adopté par le ministère de l’intérieur pour les avaliser.
Les personnels affectés en renfort ayant été puisés dans les candidats du mouvement polyvalent général, le ministère de l’intérieur justifiait cette procédure en se référant à la circulaire n°1833 du 18 avril 2016 (2), qui permet désormais aux fonctionnaires de police de présenter leurs vœux non seulement sur les postes vacants mais encore sur les postes susceptibles d’être vacants.
Cette ligne de défense est enfoncée par le tribunal qui fait observer, à juste titre, que l’annonce des postes en renfort ayant été faite après la date de clôture de la période pour postuler au mouvement polyvalent, les fonctionnaires ayant présenté leur candidature dans le cadre de ce mouvement s’étaient trouvés dans l’impossibilité de présenter utilement une candidature dans le cadre du mouvement exceptionnel des renforts.
Par conséquent, et pour respecter le principe d’égalité entre les fonctionnaires candidats à une mutation, le tribunal considère qu’il appartenait au ministère de l’intérieur de procéder à la publication des postes ouverts dans le cadre des renforts. Cette publication préalable des postes est une obligation posée par l’article 61 de la loi du 11 janvier 1984 en matière de mutations.
Les postes ouverts exceptionnellement au commissariat de Rennes n’ayant fait l’objet d’aucun avis de publication préalable, les décisions d’affectation des dix fonctionnaires qui étaient contestées sont annulées.
Le ministre de l’intérieur ayant recouru à la procédure des renforts exceptionnels dans plusieurs métropoles, il est à craindre que ces affectations précipitées soient entachées des mêmes vices que ceux révélés dans la présente affaire.
Jean-Yves TRENNEC.
Notes :
- Jugement du tribunal administratif de Paris en date du 14 juin 2017 http://www.scp-arents-trennec.com/?p=1442.
- Circulaire NOR : INTC1607895J n°1833 du 12 avril 2016.