Une ordonnance de référé bien motivée

Publié le 30/01/2015 Vu 2 551 fois 0
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Analyse d'une ordonnance de référé rejetant une demande de suspension

Analyse d'une ordonnance de référé rejetant une demande de suspension

Une ordonnance de référé bien motivée

L'ordonnance commentée en date 10 mars 2014 est intervenue en matière de fonction publique, dans le cadre d'une demande de suspension au titre de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.

Elle présente l'intérêt d'être particulièrement motivée par le juge qui rejette les moyens présentés par le requérant pour justifier du sérieux de sa demande de suspension.

Le requérant mettait tout d'abord en cause, de façon inédite, la compétence de l'autorité ayant signé l'acte de convocation au conseil de discipline. Le magistrat rejette ce moyen en le considérant comme inopérant, c'est-à-dire comme ne pouvant être présenté dans le cadre d'une contestation de la sanction.

Le requérant soulevait ensuite un moyen tiré de l'irrégularité de la procédure au motif que des personnes étrangères au conseil de discipline avaient assisté à cette séance. Sur ce moyen, le magistrat fait preuve de pragmatisme et examine si ces personnes avaient pu, concrètement, influencer l'avis émis. Un constat négatif conduit à rejeter le moyen.

L'agent public contestait le fait que l'arrêté du maire ne visait pas le Code Général des Collectivités Publiques. Il lui est répondu que ce moyen n'est pas pertinent, qu'il est inopérant dans la mesure où quelles que soient les erreurs entachant les visas d'un arrêté, celles-ci n'ont pas d'influence sur la légalité de la décision critiquée.

Au titre de la légalité interne, les moyens présentés par le requérant tendaient à critiquer la matérialité des faits, la qualification juridique de ces derniers, enfin la proportionnalité de la sanction infligée.

Sur ces trois points le juge du référé, prend soin d'apporter une réponse juridique élaborée.

Il examine tout d'abord la teneur des reproches faits à l'agent en se fondant sur une preuve matérielle pour indiquer que la réalité des faits ne peut être contestée. Il analyse ensuite ces faits pour se livrer à l'opération de qualification juridique qui permettra d'apprécier s'ils  peuvent être considérés comme fautifs et donc, justifier une sanction.

Enfin, faisant application de l'évolution jurisprudentielle autorisant désormais le juge à renforcer son contrôle sur la nature de la sanction (CE Ass. 13 novembre 2013, req. n°347704), le juge des référés écarte le moyen présenté par le fonctionnaire sur ce terrain, en estimant que l'exclusion temporaire de trois mois est une sanction proportionnée aux fautes reprochées. 

N1401345113

5

Après avoir convoqué à une audience publique: - M. ;

- le maire de la commune de C;

Après avoir, au cours de l"audience publique du 5 mars 2014, présenté son rapport et entendu:

- les observations orales de M. qui reprend le contenu de ses écritures et conteste la matérialité des faits;

- les observations orales de Me , représentant la commune de C qui reprend le contenu de ses écritures;

Après avoir prononcé, à l"issue de l"audience à Il heures 35, la clôture de l"instruction;

Sur les conclusions présentées au titre de l"article L. 521-1 du code de justice administrative:

1. Considérant qu"aux termes de l"article L. 521-1 du code de justice administrative: « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d"une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d"une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d"un moyen propre à créer, en l’état de l"instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision» et qu"aux termes de l"article L. 522-1 dudit code: « Le juge des référés statue au terme d’une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu’il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d’y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l’heure de l’audience publique (..) » ; qu’enfin aux termes du premier alinéa de l"article R. 522-1 du même code: «La requête visant au prononcé de mesures d’urgence doit (..) justifier de l’urgence de l’affaire» ;

2. Considérant que M.  demande la suspension de la décision du 20 janvier 2014 par laquelle le maire de la commune de C a prononcé à son encontre une exclusion temporaire de fonctions pour une période de 3 mois;

3. Considérant qu’aux termes de l"article 89 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée: «Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes: / quatrième groupe: la mise à la retraite d’office, la révocation (. . .) Le pouvoir disciplinaire appartient à lautorité territoriale après avis de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline. (. . .) » ; qu’aux termes de l"article 18 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : « Le dossier du fonctionnaire doit comporter toutes les pièces intéressant la situation administrative de l’intéressé, enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité. (. .. ) », que l"article 19 de la même loi dispose « Le pouvoir disciplinaire appartient à l"autorité investie du pouvoir de nomination. / Le fonctionnaire à l"encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l’intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l’assistance de défenseurs de son choix. L’administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l’Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d’un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. / L’avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés. »; qu’aux termes de l"article 29 de la même loi:


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« Toute faute commise par un fonctionnaire dans l’exercice ou à l"occasion de l’exercice de ses fonctions l"expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale» ; qu’aux termes de l’article 4 du décret susvisé du 18 septembre 1989 : « L’autorité investie du pouvoir -disciplinaire informe par écrit l’intéressé de la procédure disciplinaire engagée contre lui, lui précise les faits qui lui sont reprochés et lui indique qu’il a le droit d’obtenir la communication intégrale de son dossier individuel au siège de l’autorité territoriale et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix. L’intéressé doit disposer d"un délai suffisant pour prendre connaissance de ce dossier et organiser sa défense. Les pièces du dossier et les doçuments annexés doivent être numérotés. » et qu"aux termes de l"article 5 du même décret: « Lorsquil y a lieu de saisir le conseil de discipline, le fonctionnaire poursuivi est invité à prendre connaissance, dans les mêmes conditions, du rapport mentionné au septième alinéa de l’article 90 de la loi du 26 janvier 1984 précitée et des pièces annexées à ce rapport. » et quaux termes de cet article: « Le conseil de discipline est saisi par un rapport de l’autorité territoriale. Ce rapport précise les faits reprochés et les circonstances dans lesquelles ils ont été commis. » ;

4. Considérant qu’à supposer que la convocation du conseil, de discipline ait été signée par une personne n’ayant pas qualité pour ce faire, un tel moyen est en tout état de cause inopérant à l"encontre de la décision contestée;

5. Considérant qu’en vertu de l’application combinée des articles 18 et 19 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 et de l"article 67 de la loi susvisée du Il janvier 1984, lorsqu"une procédure disciplinaire est engagée à leur encontre, les agents publics doivent pouvoir consulter le dossier administratif constitué à leur sujet et comportant toutes les pièces intéressant leur situation administrative; que le droit pour les agents publics d’être en mesure de présenter utilement leur défense avant de faire l’objet d’une sanction disciplinaire est l’une des principales garanties dont ils bénéficient; que la communication de leur dossier administratif doit être intégrale et non partielle;

6. Considérant que M.  a pu consulter son dossier préalablement à la réunion du conseil de discipline et a pu se faire assister des défenseurs de son choix devant ledit conseil; que la circonstance qu’aient pu assister à cette réunion des personnes qui n"étaient pas membres du conseil de discipline est sans influence sur l’avis émis par cette instance dès lors qu’il n’est pas établi que ces personnes ont pris part à la discussion et influé sur le sens de la décision prise; que l’avis du conseil discipline est suffisamment motivé; que, par suite, les moyens tirés de l’irrégularité de la procédure au regard du respect du contradictoire et des droits de la défense doivent être écartés;

7. Considérant que les omissions ou erreurs entachant les visas d’un acte administrative sont sans influence sur sa légalité; que, par suite, le moyen tiré de ce que l’arrêté prononçant la sanction d"exclusion temporaire de 3 mois ne viserait pas le code général des collectivités territoriales et la loi du 27 décembre 1994 doit être écarté comme inopérant ;

8. Considérant que l’arrêté litigieux s’il détermine la durée de l’éviction du service de M.  fixe le début de la période au cours de laquelle s’appliquera l’exclusion temporaire à la fin de l’arrêt de travail de l’intéressé; que le moyen tiré de ce que la décision litigieuse aurait commencé à s’appliquer pendant une période au cours de laquelle le requérant était en congé de maladie ne peut qu’être écarté ;

9. Considérant que la décision litigieuse énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde; qu’elle est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences de la loi susvisée du Il juillet 1979 ;

10. Considérant qu’il appartient au juge de l'excès de pouvoir de rechercher si les faits reprochés à un agent public faisant l’objet d’une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes;

Il. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, et notamment d’un courriel de la société X, que M.  a sciemment fait facturer plus cher que son prix reel le montant d"une friteuse-et d"un chariot achetés par la commune à cette société en y ajoutant le prix d"un barbecue qui n’avait pas été commandé par les services communaux; que cette surfacturation était destinée à lui procurer un avantage personnel; que la commune établit ainsi la matérialité des faits sur lesquels elle se fonde; que ces faits étaient de nature à justifier une sanction; que l’autorité disciplinaire n’a pas, en l’espèce, pris une sanction disproportionnée en décidant une exclusiosn temporaire de 3 mois de M. ;

12. Considérant que le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi ;

13. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin de suspension de la décision litigieuse doivent être rejetées sans qu’il soit besoin de statuer sur la condition d’urgence;

ORDONNE

Article 1 er" : La requête de M. est rejetée

Fait à Melun, le 10 mars 2014.

Le juge des référés,

Le greffier,

Signé: B. Godbillon

Signé: M. Sener-Gulpinar

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