Le refus d’un avancement est une décision grave pour un fonctionnaire qui subit cette situation dans la mesure où ses concurrents vont occuper des postes auxquels il lui sera difficile d’accéder ultérieurement (CE,22 mars 1918 Rascol, Rec. p.318).
Le refus d’avancement est d’autant plus frustrant à supporter lorsqu’il apparaît que l’administration a refusé d’appliquer les critères utilisés par les statuts et la jurisprudence en la matière pour apprécier le droit d’être promu.
Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 17 décembre 2020 (1) qui annule le tableau d’avancement au grade de commandant de police au titre de l’année 2018 présente l’intérêt de rappeler ces règles en faisant une rare application d’un critère habituellement écarté : celui de l’ancienneté.
I Le 1° de l’article 58 de la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 indique que l’avancement au choix par voie d’inscription à un tableau d’avancement annuel est établi par appréciation de la valeur professionnelle et les acquis d’expérience professionnelle des agents.
Autrement dit, le critère qui détermine le droit à avancement n’est normalement pas l’ancienneté acquise dans le grade mais les mérites professionnels de l’agent qui sont comparés à ceux de ses collègues.
Dans le monde policier, la valeur professionnelle se fonde essentiellement sur les notations des trois dernières années.
La notation est en effet le critère le plus objectif pour mesurer la qualité professionnelle dans la mesure où il reflète normalement la manière de servir de l’agent et constitue un référent pratique pour procéder à des comparaisons qualitatives.
Au cas particulier, le tribunal administratif de Paris rappelle les règles normales d’appréciation de la valeur des candidats à la promotion au point 4 du jugement en indiquant que l’office du juge en matière de tableau d’avancement à un grade supérieur consiste à « analyser les mérites comparés de cet agent et de ceux des autres agents candidats à ce même grade »
Ce ne sont cependant pas les règles relatives aux mérites comparatifs que le tribunal va mettre en œuvre pour annuler le tableau d’avancement des commandants de police 2018.
II En effet, dans l’incapacité de départager les mérites des candidats, le tribunal va recourir à un critère subsidiaire : l’ancienneté.
L’ancienneté, comme il a été montré plus haut, ne peut jamais constituer le critère à privilégier pour décider d’un avancement, seuls les mérites de l’agent doivent être pris en considération.
Il reste que, dans de rares hypothèses où la comparaison de la valeur professionnelle des candidats ne permet pas de les distinguer, il est permis de recourir à l’ancienneté pour établir une hiérarchie entre les candidats à une promotion.
Le critère de l’ancienneté est directement mentionné dans certains statuts. C’est le cas par exemple pour les membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel avec l’article 15 du décret n°59-308 du 14 février 1959 (2).
Il en est de même pour certains personnels hospitaliers où l’ancienneté est mentionnée comme critère complémentaire sous l’article L.822 du code de la santé publique.
C’est le cas également pour les fonctionnaires actifs des services de la police nationale comme le fait observer le jugement commenté au point 3 en rappelant les dispositions de l’article 17 du décret du 9 mai 1995 qui font état de l’ancienneté.
Au reste, sans même se référer aux textes, la jurisprudence rappelle si nécessaire la subsidiarité du critère de l’ancienneté lorsque le juge est conduit à trancher un litige se rapportant à une promotion (3).
Dans l’affaire jugée le 17 décembre 2020, les évaluations des candidats et les responsabilités qui leur étaient confiées étaient similaires. En revanche, l’ancienneté du requérant était supérieure à celle de ses collègues.
Dans une telle configuration, il appartenait donc à l’administration de faire prévaloir le critère de l’ancienneté pour déterminer l’ordre d’inscription au tableau d’avancement.
Faute d’avoir appliqué ces règles, le tribunal censure le tableau d’avancement et annule, par voie de conséquence, l’ensemble des arrêtés de nomination attaqués.
Notes :
1. TA de Paris, 17 déc 2020 req. n°1813949.
https://urlz.fr/eV2u
2. CE, 10 mars 2004, Amslem req. n°298233.
3. CAA Paris, 23 juin 2020 req. n° 19PA01243.