Depuis 2016, les exploitants agricoles bénéficiaires de la Politique Agricole Commune (PAC) subissent d’importants retards de paiement des aides qui leur sont dues. Sont notamment impactées trois catégories de versement : l’indemnité compensatoire de handicaps naturels, les mesures agro environnementales et climatiques et les aides à l’agriculture biologique. La complexité des règles relatives au calcul de ces aides est en partie responsable de ces atermoiements.
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La non disponibilité des logiciels pour effectuer les calculs explique également ce retard. L’Agence de Services et de Paiement, l’organisme de l’Etat en charge d’assurer le paiement des aides, se déclare ainsi dans l’incapacité de verser des sommes qu’elle ne peut vérifier.
Si pour aider les exploitants, le gouvernement a mis en place des palliatifs temporaires sous forme d’aides de trésorerie remboursables, celles-ci ne sont pas toutes de nature à remédier aux difficultés financières des exploitations. Faute de percevoir les versements prévus au titre de la Politique Agricole Commune certains agriculteurs se trouvent désormais en situation de grande détresse financière et familiale.
Dans l’attente du versement effectif des aides publiques, il peut être intéressant de se tourner vers les solutions contentieuses qui seraient susceptibles d’obliger l’Etat à payer rapidement l’essentiel des sommes dont il est redevable.
Or, il existe un mécanisme contentieux devant le juge administratif dont la raison d’être consiste précisément à résoudre ce type de difficultés : le référé provision.
Les délais d’instruction d’un recours en responsabilité classique devant le tribunal administratif pouvant être relativement longs, il a été introduit en 1988 dans le Code de Justice Administrative, une procédure particulière permettant au requérant d’obtenir en référé une provision sur les sommes qui lui sont dues.
Le référé provision est la procédure qui permet d’obtenir une grande partie de la somme d’argent demandée avant que la procédure sur le fond ne soit jugée ou même engagée.
Les conditions de mise en œuvre de cette procédure sont relativement simples.
L’article R.541-1 du code de justice administrative conditionne le paiement par avance d’une partie de la somme demandée au fait que l’obligation de payer ne soit pas sérieusement contestable.
Le référé provision permet ainsi à un créancier d’obtenir du juge administratif les sommes que son débiteur refuse de lui payer.
Pour engager la procédure, le créancier n’est pas tenu de justifier au juge qu’il a introduit par ailleurs une action au fond et il n’est pas non plus contraint de justifier que son action est commandée par l’urgence.
Cette procédure présente, en outre l’avantage d’interrompre la prescription. L’interruption de la prescription présente un intérêt pratique non négligeable puisqu’elle permet, en cas d’échec de la procédure de référé provision, de reprendre les mêmes demandes dans une procédure au fond avec la tranquillité d’esprit nécessaire pour compléter éventuellement un dossier qui n’aura pas convaincu le juge du référé.
Cette procédure semble particulièrement adaptée aux retards de versement des aides de la Politique Agricole Commune et notamment à ceux qui concernent l’indemnité compensatoire de handicaps naturels, les mesures agro environnementales et climatiques et les aides à l’agriculture biologique. En effet, le versement des aides dans ces catégories de la PAC est conditionné par des cahiers des charges précis, voire méticuleux, en sorte que les dossiers qui sont adressés par les exploitants agricoles ont généralement fait l’objet en amont d’une instruction consciencieuse.
L’obligation de payer ne peut, par suite, être sérieusement contestée par
l’Etat compte tenu de la certitude des créances détenues par les exploitants agricoles.
Dans ces conditions, le recours à la procédure du référé pour obtenir une provision a toutes les chances de se révéler une stratégie gagnante (1).
Bien loin d’être circonscrit aux retards des aides financières de la Politique Agricole Commune, le référé-provision devant le juge administratif est une arme contentieuse qui, trop peu utilisée, peut pourtant s’avérer efficace dans d’autres champs d’intervention de l’Etat comme celui du retard de paiement des traitements des fonctionnaires (2), ou les atteintes à la dignité des conditions de détention des détenus par l’administration pénitentiaire (3) ou encore des factures non payées (4). Le caractère non sérieusement contestable de la créance est le seul point sur lequel il faut toujours porter son attention.
Jean-Yves TRENNEC.
Notes :
1.CE sect 6 déc 2013 req.n°363290.
2. CAA Bordeaux 8 mars 1990 req.n°89BX01307.
3. CAA de Douai, 12 nov 2009, Garde des Sceaux, ministre de la justice, req. n°09DA00982.
4. CE, 2 avril 2004, req n° 256504 Sté Alstom Power Turbomachines.