Aux termes d’une ordonnance en date du 12 octobre 2015,(TA de Paris, 12 octobre 2015 req. n°1516221/9), le Président du tribunal administratif a estimé qu’une étudiante de l’université Paris Diderot devait pouvoir s’inscrire dans l’un des deux Masters 2 auxquels elle avait postulé. Cette décision a été prise dans le cadre d’une procédure d’urgence en référé, en considération du fait que l’étudiante ne devait pas voir compromise l’année universitaire 2015-2016 qui venait de débuter.
Pour statuer en ce sens, le juge de l’urgence a examiné l’argumentation de l’université qui justifiait son droit à sélectionner les étudiants souhaitant accéder au Master 2 en s’appuyant sur les dispositions d’un arrêté du 25 avril 2002 relatif au diplôme national de master.
Un motif tiré de la violation de la loi (I) et un motif tiré de l’erreur de droit (II) ont permis à l’étudiante d’intégrer le Master qu’elle convoitait.
I Si l’application de cet arrêté a été écartée par le juge c’est d’abord en considération de ce que les Masters d’aujourd’hui n’entrent plus dans le champ d’application de l’arrêté du 25 avril 2002.
En effet, à l’époque de l’arrêté de 2002, les Masters faisaient partie intégrante du troisième cycle des études supérieures et étaient soumis au régime des études doctorales pour lesquelles la sélection est de droit.
Cependant, l’article L.612-1 du code de l’éducation issu de la loi n°2007-1199 du10 août 2007 qui dispose : « (...) Les grades de licence, de master et de doctorat sont conférés respectivement dans le cadre du premier, du deuxième et du troisième cycle (...) » a eu pour effet de rattacher définitivement le master au deuxième cycle des études supérieures.
Il s’ensuit que les étudiants de masters ne peuvent plus être soumis à un processus de sélection imaginé pour les seuls étudiants de troisième cycle.
Les étudiants de Masters relèvent pour leur passage de licence en Master 1 puis de Master 1 en Master 2 des dispositions de l’article L612-6 du code de l’Education.
Le premier alinéa de cet article ne prévoit aucune modalité particulière de sélection : « L’admission dans les formations du deuxième cycle est ouverte à tous les titulaires des diplômes sanctionnant les études de premier cycle (...) »
Le deuxième alinéa de l’article L612-6 prévoit, quant à lui, pour certaines formations faisant l’objet d’une « liste limitative », une sélection qui peut prendre la forme soit d’un concours, soit d’un examen du dossier du candidat.
La mise en œuvre de ces dernières dispositions reste toutefois subordonnée à l’entrée en vigueur d’un décret pris après avis du conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Or, ce décret qui conditionne la mise en place d’une sélection dans certaines formations n’est jamais intervenu (CE, 27 juin 1994, Université Claude Bernard req. n°100111 ; TA de Bordeaux, 5 décembre 2013, req.12025000).
Ainsi, l’absence de texte réglementaire interdit les présidents d’université de sélectionner leurs étudiants de Masters.
II L’arrêté du 25 avril 2002 a également été écarté par le juge de l’urgence car le président de l’université Paris Diderot invoquait des dispositions de cet arrêté qui avaient été abrogées.
L’article 11 de l’arrêté du 25 avril 2002 relatif au diplôme national de master dans sa version modifiée issue de l’arrêté du 22 janvier 2014 comporte les dispositions suivantes : « (...) l’admission ultérieure dans un parcours type de formation débouchant sur le master recherche s’effectue dans les conditions prévues à l’article 16 de l’arrêté du 25 avril 2002 susvisé (...) »
L’arrêté organisant les études de master ayant maintenu dans sa version de 2014 une référence à l’arrêté du 25 avril 2002 relatif aux études doctorales, le Président de l’université entendait se prévaloir de la référence aux études doctorales pour légitimer sa sélection des candidats au Master 2.
Il s’avère cependant que les rédacteurs de l’arrêté relatif au diplôme national de master ont été victimes d’un trou de mémoire et ne se sont pas avisés de ce que l’arrêté relatif aux études doctrinales avait été abrogé par un arrêté en date du 7 août 2006. On est donc en présence d’un arrêté qui renvoie à un règlement qui ne fait plus partie de l’ordonnancement juridique et ne peut donc être appliqué.
En tout état de cause, la loi n°2007-1199 du 10 août 2007 n’ayant prévu aucune modalité de sélection pour les étudiants ayant réussi leur Master 1, les dispositions d’un arrêté organisant une telle sélection pourraient être facilement contestées par la voie de l’exception d’illégalité : un acte règlementaire subordonné ne pouvant contrevenir aux dispositions adoptées par le législateur.
La conférence des présidents d’université a bien compris l’impasse dans laquelle elle s’était engagée en continuant à sélectionner les étudiants sans base juridique pour le faire (cf communiqué du jeudi 5 mars 2015).
Elle a appelé les responsables politiques à prendre les textes nécessaires pour combler le vide juridique existant, sans pour autant avoir été entendue pour le moment.