Dans un jugement en date du 17 septembre 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé, outre le tableau d’avancement au grade de major au titre de l’année 2018, les nominations de trois syndicalistes à ce grade (1). Cette décision juridictionnelle met en lumière une pratique trop répandue dans l’administration policière qui consiste à avantager indûment, pour l’avancement, les policiers bénéficiant d’un mandat syndical.
En droit, le régime d’avancement des syndicalistes est dérogatoire aux règles du droit commun.
L’article 23 bis de la loi du 13 juillet 1983 détermine les règles particulières de l’avancement des policiers syndicalistes.
Ce régime est caractérisé par le fait que, contrairement aux autres policiers, la notation n’entre pas en ligne de compte dans l’appréciation de leurs mérites : le fonctionnaire de police syndicaliste est en effet inscrit de plein droit au tableau d’avancement dès lors qu’il satisfait aux prescriptions fixées par le statut particulier de son corps.
Le syndicaliste doit seulement satisfaire à une seule condition pour être promu : avoir atteint l’ancienneté dans son grade lequel doit correspondre à l’ancienneté moyenne des fonctionnaires titulaires du même grade ayant accédé au tableau d’avancement l’année précédente.
Les règles du jeu de l’avancement sont donc assez simples pour cette catégorie de policiers. Il suffit pour l’administration qui détient l’ensemble des données relatives à ses personnels de ne permette l’inscription au tableau d’avancement que des seuls syndicalistes qui respectent l’ancienneté requise par les statistiques relatives au tableau d’avancement de l’année précédente.
Le fait que cette règle simple ne soit pas respectée par l’administration ne peut donc être mise sur le compte de la difficulté de la mise en œuvre du critère imposé par la loi.
Il y a lieu, par suite, de considérer que le non-respect des dispositions législatives procède d’une volonté assumée par l’administration d’avantager illégalement les policiers syndicalistes.
Cet avancement irrégulier est particulièrement préjudiciable en ce que non seulement il est illégal mais, plus encore, il crée chez les policiers un sentiment d’amertume en laissant entendre qu’une classe de fonctionnaires privilégiés est susceptible de bénéficier d’un déroulement de carrière fulgurant en s’affranchissant des règles de droit.
Ce jugement est également intéressant en ce qu’il attire l’attention sur la place occupée par le médiateur interne de la police nationale. Le médiateur peut être saisi par tout policier pour être éclairé sur une décision de sa hiérarchie. Dans l’affaire commentée, en l’absence de réaction de l’administration sur le point de contestation relatif à l’ancienneté moyenne de la promotion précédente, le juge n’hésite pas à s’appuyer sur le rapport particulier du médiateur pour forger sa conviction.
De façon plus classique, on relèvera que si la nature du contrôle exercé sur les mérites respectifs des fonctionnaires pour être inscrits sur un tableau d’avancement est celui de l’erreur manifeste d’appréciation, celui-ci peut se révéler néanmoins relativement approfondi.
Ici, le juge n’hésite pas à s’appesantir sur les notations chiffrées, les appréciations littérales, les observations des supérieurs hiérarchiques du requérant pour les comparer avec celles d’un de ses concurrents.
Les mérites inférieurs du fonctionnaire inscrit au tableau sont alors suffisants pour entraîner inéluctablement l’annulation de l’arrêté portant tableau d’avancement ainsi que l’annulation de l’ensemble des arrêtés de nomination contestés.
Jean-Yves TRENNEC
1. Jugement du tribunal administratif de Paris en date du 17 septembre 2020. https://urlz.fr/dWVu