Un jugement du tribunal administratif de Melun en date du 3 novembre 2015 vient rappeler les strictes conditions posées par la loi à la mise à disposition des véhicules de fonction (1).
La mise à disposition de véhicules de fonction au profit des agents des collectivités territoriales et de leurs établissements publics est sévèrement encadrée par la loi.
Ainsi, aux termes de l’article 21 de la loi du 28 novembre 1990 « Les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics fixent la liste des emplois pour lesquels un logement de fonction peut être attribué gratuitement en raison notamment des contraintes liées à l’exercice de ces emplois (...) / Pour l'application des dispositions précédentes, un logement de fonction et un véhicule peuvent être attribués par nécessité absolue de service aux agents occupant l'un des emplois fonctionnels d'un département ou d'une région ou de directeur général des services d'une commune de plus de 5 000 habitants ou de directeur général d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 20 000 habitants, ainsi que de directeur général adjoint des services d'une commune ou d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 80 000 habitants (...) » ;
Il résulte de ce texte que deux restrictions sont apportées à la mise à disposition d’un véhicule de fonction. Il convient tout d’abord que cette mise à disposition puisse être justifiée par une nécessité absolue de service. Il convient ensuite que les personnels bénéficiaires figurent au nombre limité des agents énoncés par le texte.
La notion de nécessité absolue de service n’est pas aisée à cerner. Intuitivement elle suggère que le service exige une disponibilité quasi permanente des personnels en relation avec l’urgence ou l’importance de leurs missions. Les jugements des Chambres Régionales des Comptes relèvent cependant que des véhicules de fonction sont mis à disposition de personnels dont les missions ne répondent pas à ce critère de nécessité absolue. Ces abus sont coûteux pour le contribuable départemental dont les impôts financent ainsi indûment des usages et des dépenses privés (2), (3), (4).
La liste limitative des agents pouvant bénéficier d’un véhicule de fonction par nécessité absolue de service devrait contribuer à restreindre davantage encore le recours à cet avantage en nature.
Pourtant, de nombreux SDIS contreviennent à la réglementation en attribuant indûment des véhicules de fonction à des personnels ne figurant pas dans les dispositions de l’article 21 de la loi du 28 novembre 1990 (5), (6).
C’est ce qu’illustre le jugement du tribunal administratif de Melun en date du 3 novembre 2015 en relevant que les bénéficiaires d’un véhicule de fonction ne relevait d’aucun emploi fonctionnel au sens de la loi du 28 novembre 1990 .
Le jugement critique également les conditions dans lesquelles ces véhicules de fonction étaient mis à disposition par le SDIS en relevant que la possibilité d’utiliser le véhicule à des fins personnelles s’analyse en un complément de rémunération non prévu par les dispositions relatives au régime indemnitaire des sapeurs pompiers professionnels.
L’attribution de véhicules de fonction par le SDIS est également censurée par le tribunal au regard des dispositions de l’article 88 de la loi 84-53 du 26 janvier 1984 qui imposent que le régime indemnitaire des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ne soient pas plus avantageux que celui dont bénéficient les agents de l’Etat.
Or, le tribunal constate que les agents de l’Etat exerçant des fonctions équivalentes à celles des sapeurs-pompiers professionnels concernés ne disposent pas d’un avantage en nature les autorisant à utiliser leurs véhicules à des fins personnelles.
Sous ce rapport, le régime des véhicules de fonction du SDIS est considéré aussi comme illégal par la juridiction administrative.
Afin de contourner l’interdiction des véhicules de fonction, on indiquera qu’il est fréquent pour les SDIS d’attribuer à leurs personnels non plus des véhicules de fonction mais des véhicules de service assortis du droit de remisage à domicile.
La souplesse qu’on prête à ce régime de mise à disposition de véhicules est toutefois très relative.
L’usage des véhicules de service dans les collectivités locales et leurs établissements publics ne fait l’objet d’aucun texte en sorte que, force est de se référer en la matière à une circulaire destinée aux services de l’Etat : la circulaire DAGEMO.BCG n°97- 4 du 5 mai 1997.
Les conditions de mise à disposition des véhicules devant être identiques dans les services de l’Etat et les services des collectivités locales, les prescriptions de la circulaire constituent un bon référentiel.
Selon les termes de cette circulaire, le véhicule de service n’est mis à la disposition de l’agent que pour les nécessités du service.
Il doit par conséquent se garder d’en faire un usage personnel en allant par exemple faire ses courses ou chercher un enfant à l’école.
Pour contrôler l’usage du véhicule de fonction l’administration doit également limiter la durée de l’autorisation à une année qui peut être renouvelée.
Enfin, pour prévenir les abus auxquels peuvent conduire l’usage de véhicules de service remisés à domicile, l’administration doit se doter d’outils de vérification tel qu’un carnet de bord retraçant l’utilisation du véhicule, son kilométrage, et ses consommations de carburant.
Ces moyens de contrôle sont cependant rarement mis en œuvre comme en témoignent les jugements des Chambres Régionales des Comptes précités.
Jean-Yves TRENNEC Avocat.
Notes
- Jugement du tribunal administratif de Melun en date du 3 novembre 2015. http://urlz.fr/7Apt
- CRC Hauts de France 27 juin 2017 p. 32.
- CRC Occitanie 7 mars 2018 p.22.
- CRC Bretagne 6 juillet 2018 p. 46.
- CRC Occitanie 7 mars 2018 p.41.
- CRC Bretagne 5 juillet 2018 p. 49.