I. LIQUIDATION DE LA SUCCESSION
1.1. Définition
La liquidation est l’ensemble des opérations qui ont pour objet la détermination d’une part, des personnes qui doivent venir à l’hérédité, de la consistance de l’actif et du passif, et d’autre part, des droits des héritiers dont la liste est établie par le liquidateur.
La loi du 1er août 1987 organise l’administration et la liquidation des successions. Elle contient des dispositions concernant la désignation du liquidateur, le rôle du conseil de famille et celui du bureau des successions que nous traiterons dans cet avis.
1.2. Désignation du liquidateur de la succession
1.2.1. Principe
Le principe de la désignation du liquidateur de la succession est posé par l’article 795 du code de la famille. Il trouve son origine dans la tradition.
Les rédacteurs du code de la famille ont maintenu et amélioré cette tradition lorsqu’ils décident que le liquidateur est désigné soit, par la coutume ; soit, par le testament ; soit encore, par le tribunal.
1.2.2. Liquidateur coutumier
L’article 795 al.1 du CF dispose que, « en cas de succession ab intestat, le plus âgé des héritiers sera chargé de la liquidation de la succession, ou en cas de désistement, celui qui sera désigné par les héritiers ».
Cet article reproduit la règle traditionnelle qui investit l’aîné de la famille des fonctions de liquidateur. S’il se désiste, les héritiers désigneront son remplaçant selon la même règle qui met l’accent sur l’ordre de primogéniture.
Notons que le plus âgé des enfants est généralement apte à gérer, avec compétence, les intérêts de la famille et donc à exercer les prérogatives de liquidateur. Il ne peut être objectivement écarté qu’en application du critère de sagesse et d’efficacité qui peut, lui-même, être fixé par testament.
1.2.3. Liquidateur testamentaire
La loi permet à toute personne de désigner par testament, un ou plusieurs liquidateurs, légataires universels ou exécuteurs testamentaires, pour assurer la liquidation de sa succession. Cette liquidation dans ce cas, sera attribuée au plus âgé d’entre eux. (art 778, 795 al.1 et 2).
Si les héritiers légaux et testamentaires mineurs ou interdits, sont présents à la succession, dit l’article 795 al.2, le liquidateur de la succession devra être confirmé, selon le cas, par le tribunal de paix ou le tribunal de grande instance.
1.2.4. Liquidateur judiciaire
Le tribunal de paix ou de grande instance n’intervient dans la désignation du liquidateur de la succession que si l’une des trois conditions ci-après est réalisée :
- il faut que les héritiers soient inconnus ou trop éloignés (art. 795 al.3 CF) ;
- il faut que les héritiers aient tous renoncé à la succession (art. 795 al. 3 CF) ;
- il faut que la liquidation ait fait l’objet d’une grave contestation (art. 795 al.3 CF).
Dans ce cas, le tribunal compètent désigne, d’office ou à la requête du Ministère Public ou d’un des héritiers, un liquidateur judiciaire, parent ou étranger a la famille.
Par décision motivée, susceptible de recours, et sur requête en homologation de la désignation d’un liquidateur, il peut, soit faire droit à cette requête ; soit désigner un autre liquidateur parmi les héritiers (art. 795 al. 2CF).
1.3. L’option du liquidateur
L’article 796 du code de la famille édicte que « Nul n’est tenu d’accepter les fonctions de liquidateur ».
Cet article laisse une marge de liberté à toute personne d’accepter ses fonctions ou d’y renoncer. Mais à cette liberté, il y a deux limitations : d’abord s’il accepte ses fonctions, le liquidateur désigné ne peut s’en démettre que pour des juste motifs ; ensuite, son désistement ne devient effectif que lorsqu’un nouveau liquidateur a été désigné par celui-ci.
1.4. Pouvoirs du liquidateur
1.4.1. Pouvoirs d’administration et de liquidation
Le liquidateur exerce deux catégories de pouvoirs : d’une part les pouvoirs d’administration et d’autre part les pouvoirs de liquidation (art. 797 CF).
- Administration de la succession
Sous le contrôle du Conseil de Famille et avec l’accord unanime des héritiers, le liquidateur administre la succession.
A cet effet, il accomplit tous les actes nécessaires à la fructification et à la conservation des biens successoraux. Il peut, de la main à la main, réaliser immédiatement ceux de ces biens qui sont susceptibles soit, de dépérissement ; soit, d’une conservation coûteuse ; disposer de certains autres pour satisfaire aux besoins journaliers des héritiers, en application de la règle traditionnelle de la jouissance collective.
- Limitation au pouvoir d’administration
Le liquidateur ne jouit pas de liberté dans l’administration de la succession.
D’abord, il doit obtenir, pour tout acte à accomplir, l’accord des héritiers et l’avis du conseil de famille qui le contrôle. Le consentement de celui-ci n’est cependant pas requis au moment de l’acte.
- Reddition de compte
Le liquidateur doit rendre compte final de sa gestion aux héritiers ou au tribunal compétent, dans l’hypothèse d’un liquidateur judiciaire (art. 797 Cf. CF).
- Pouvoirs de liquidation
Le code de la famille organise la liquidation de la succession. Il confère au liquidateur des pouvoirs étendus qui se traduisent par, d’une part par les actes classiques de gestion et d’autre part par les actes spéciaux de procédure.
- Actes classiques de gestion
Dans cette catégorie d’actes, entrent la détermination des héritiers et de leurs parts héréditaires (a), le règlement du passif (b) et l’exécution des dispositions testamentaires (c) (art. 797 et 798 CF), dont nous verrons sous peu.
a. Détermination des héritiers et de leurs parts héréditaires
Le liquidateur établit définitivement la liste des personnes qui doivent venir à l’hérédité et détermine leurs parts héréditaires. Il soumet cette liste et ses propositions de partage aux héritiers et au conseil de famille. Si elles sont approuvées, elles auront la valeur de décision successorale à l’exécution de laquelle il veillera personnellement. [Articles 792, 797 a et c du CF]
Si, à l’inverse, elles sont rejetées, il sera obligé de revoir son dossier conformément aux directives des intéressés. Si la contestation se révèle grave, elle sera, par la partie la plus diligente, soumise au tribunal qui tranchera dans l’intérêt de la succession.
b. Règlement du passif héréditaire
Le passif héréditaire a sa source soit, dans un contrat analysé comme « une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent, envers une ou plusieurs autres à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose » ; soit, dans un délit, c’est-à-dire une faute commise par le défunt et qui a causé un dommage à autrui. Mais il prend sa source synthétique dans la mort qui suspend l’exécution des obligations du de cujus pour les transmettre à ses héritiers.
- Composition du passif héréditaire
Il comprend (art. 797 et 798 CF) :
- toutes les dettes contractées par le de cujus et laissées par lui au jour du décès ;
- toutes les charges ou obligations qui incombent aux héritiers et légataires par le fait du décès.
Au sens large, le mot « charges » se confond avec le passif héréditaire. Mais au sens strict, il désigne uniquement les obligations nées depuis le décès et dont l’exécution se poursuit après celui. C’est le cas des frais funéraires, des frais de liquidation, des charges fiscales (droits de mutation et taxe rémunératoire), des legs à titre particulier etc.
- Ordre de règlement
Après avoir déterminé la composition du passif héréditaire, le liquidateur pour le compte de la succession, procède à son règlement dans l’ordre prévu à l’article 798 et qui présente comme suit :
- les frais de funérailles du défunt ;
- les salaires et traitements dus par le de cujus ;
- les frais d’administration et de liquidation de la succession y compris les taxes et les droits de mutation payables à l’Etat ;
- les dettes du de cujus. Le liquidateur paye les dettes exigibles de la succession. Il règles celles qui ne le sont pas après recherches et avis publics ;
- les legs particuliers faits par le de cujus.
- Moment du paiement
Le code de la famille n’offre aucune précision à ce sujet. Mais l’énumération des tâches du liquidateur faite à l’article 797, nous incline à penser que le règlement du passif héréditaire précède le partage de l’actif ou précisément du solde de celui-ci. Pour s’en convaincre, il suffit de constater d’abord que le paiement des dettes vient au point « C » alors que la mention des propositions de partage est placée au point « e », au sein de l’article qui nous intéresse. Ensuite, la liquidation de la succession étant collective, il apparaît difficile pour les héritiers de payer le passif après le partage de l’actif, et pour les créanciers de récupérer leurs créances auprès du liquidateur qui les représente.
- Règlement du passif en cas d’héritier unique
L’héritier unique qui accepte la succession, se confond avec le liquidateur et l’exécution testamentaire. Il est tenu au passif « ultra vires » ou « intra vires » en vertu du principe mis en application, et qui peut être celui de la continuation de la personne du défunt ou de la succession aux biens.
- Règlement du passif en cas des successions vacantes.
En droit traditionnel, le paiement du passif héréditaire incombait au chef du clan qui recueillait la succession vacante. Mais une difficulté pouvait surgir en ce qui concerne l’identification des créanciers. Elle était aggravée par le caractère oral du droit envisagé.
Sous l’empire du code de la famille, l’article 763 affirme que les successions vacantes sont dévolues à l’Etat. C’est donc l’Etat qui supporte le passif héréditaire dans la limite de l’actif recueilli par lui.
c. Exécution des dispositions testamentaires
La loi confère aussi au liquidateur, les attributions de l’exécuteur testamentaire. A ce titre, ce dernier joue un triple rôle (art. 797 d, 798 in fine) :
- il paie les legs particuliers faits par le de cujus ;
- il exécute les dispositions testamentaires relatives à la tutelle des mineurs. A cet effet, il informe l’héritier désigné par le défunt de ses obligations de tuteur, de ses responsabilités dans la nouvelle vie familiale etc. ;
- il exécute les dispositions relatives aux funérailles en signifiant aux héritiers réunis devant le Conseil de la famille notamment la nature, la durée et le déroulement du deuil, les mesures à prendre pour sauvegarder la mémoire du défunt etc.
- Actes spéciaux de procédure
Les actes spéciaux de procédure apparaissent comme le prolongement de l’exercice des pouvoirs de liquidation conférés au liquidateur. Il se traduit par quatre interventions :
- l’introduction d’une requête en investiture ;
- la demande du maintien en indivision de certains biens héréditaires ;
- l’avis pour l’homologation du droit de reprise ;
- la contestation du projet de liquidation établi par le bureau des successions.
- Introduction d’une requête en investiture
L’article 807 du code de la famille permet au liquidateur d’introduire devant le tribunal de paix, pour les héritages ne dépassant pas 100.000 zaïres et le tribunal de grande instance, pour ceux d’une valeur supérieure à 100.000 zaïres, une requête en investiture, en vue d’opérer la mutation par décès des biens fonciers et immobiliers de la succession. Le liquidateur indiquera dans la requête, la situation des fonds, des meubles, leur composition, et les personnes qui viennent à cette succession.
- Demande du maintien en indivision
Le liquidateur peut, si certains héritiers sont mineurs, et à défaut des personnes pouvant exercer le droit de reprise, demander au tribunal compétent de maintenir tout ou partie des biens en indivision. Sa demande sera déclarée irrecevable si elle est introduite après la majorité de l’héritier le moins âgé.
Le tribunal statue sur cette demande après avis du conseil de famille. Sa décision peut toujours être révisée, sur requête motivée du liquidateur, le conseil de famille entendu (art. 810 CF).
- Avis pour homologation du droit de reprise
Lorsque certains héritiers sont mineurs ou interdits, le liquidateur donne obligatoirement son avis sur l’homologation du droit de reprise. Le tribunal de paix saisi devra, conformément à l’article 789, fixer les charges qui incombent à l’héritier qui exerce le droit de reprise vis-à-vis des héritiers mineurs ou interdits (art. 811 CF).
- Contestation du projet de liquidateur
Le liquidateur peut contester, devant le tribunal de paix, ou le tribunal de grande instance selon le cas, le projet de liquidation établi par le bureau des successions, dans les trois mois de sa notification (art. 815 CF).
- Rémunération du liquidateur
Le liquidateur pourra avoir droit à une rémunération si le travail qu’il a accompli justifie celle-ci. Elle est fixée soit par les héritiers, soit par le de cujus lui-même, soit encore par le tribunal (art. 799 CF). S’il est héritier, sa rémunération va accroitre la part héréditaire qu’il recueille.