1. Liminaires
La Déclaration Africaine sur l’Intelligence Artificielle (IA), adoptée le 4 avril 2025 à Kigali, Rwanda, marque une étape significative pour le développement de l’Intelligence Artificielle (IA), sur le continent africain. Signée par 52 pays africains, l’Union Africaine et Smart Africa[1], cette déclaration incarne une vision collective pour l’intégration de l’IA dans les économies et les sociétés africaines. Cependant, la République Démocratique du Congo (RDC) et la Tanzanie, n’ont pas encore adhéré à cet engagement continental.
Cette déclaration est un texte fondateur qui établit les principes, engagements et ambitions du continent en matière d’IA et marque un tournant stratégique. Elle vise à positionner l’Afrique comme un acteur central de l’IA mondiale, en promouvant une gouvernance éthique, inclusive et souveraine de cette technologie. La signature de la RDC constituerait une opportunité stratégique pour aligner ses politiques numériques ambitieuses avec une initiative continentale de transformation technologique. Actuellement absente parmi les signataires, la RDC, riche en ressources naturelles et en capital humain, pourrait jouer un rôle clé dans le développement éthique et inclusif de l’IA en Afrique.
2. Les engagements clés de la Déclaration Africaine sur l’Intelligence Artificielle [IA]
La Déclaration Africaine sur l’IA met l’accent sur des principes fondamentaux visant à garantir que l’IA contribue positivement à la société africaine. Parmi ces principes figurent la mise en place de garanties solides pour prévenir les préjudices tout en respectant la vie privée, l’éthique, la transparence et l’explicabilité ; la promotion de la dignité humaine, des droits et des libertés tout en intégrant la durabilité environnementale et ; l’encouragement de la souveraineté africaine, de l’inclusivité et de la diversité dans le développement des technologies de l’IA, en tenant compte des contextes culturels variés du continent.
Cette déclaration a des objectifs ambitieux car vise à positionner l’Afrique comme un leader mondial dans l’adoption d’une IA éthique, fiable et inclusive. Elle ambitionne d’exploiter l’IA pour stimuler l’innovation et la compétitivité dans des secteurs clés tels que la santé, l’éducation, l’agriculture et la résilience climatique. En favorisant une collaboration régionale et mondiale, la déclaration cherche à aligner les progrès de l’IA avec les priorités stratégiques de l’Agenda 2063 de l’Union Africaine[2]. Ainsi, les engagements clés sont :
A. Dans le cadre du développement des talents, l’Afrique s’engage à former une nouvelle génération de praticiens de l’IA grâce à des initiatives éducatives continentales. La création d’un Panel Scientifique Africain sur l’IA garantira une recherche pertinente et adaptée aux besoins locaux.
- Concernant la gouvernance des données, il est pris engament d’établir des ensembles de données ouvertes et des modèles d’IA accessibles, tout en respectant les cadres de protection des données de l’Union Africaine et les meilleures pratiques mondiales. Les mécanismes de gouvernance incluront des normes strictes en matière de formats de données et de sécurité.
- S’agissant des infrastructures, l’Afrique prévoit de déployer une infrastructure de calcul souveraine et régionale pour soutenir la recherche et les innovations en IA. Cela inclut des centres de données connectés à un réseau continental à haute vitesse.
- Dans le cadre du marché et de l’innovation, il est prévu la création des pôles d’incubation régionaux pour soutenir l’innovation dirigée par l’Afrique et utiliser la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf) pour le développement transfrontalier des projets et services. Des initiatives incluent un pool d’innovation en IA, un pool réglementaire ZLECAf, et des centres de recherche.
- Concernant l’investissement, un Fonds Africain pour l’IA de 60 milliards de dollars sera mis en place pour catalyser les investissements et développer les capacités locales. Cela permettra de développer l’infrastructure, soutenir les entreprises, et renforcer les capacités de recherche locales.
- Quant à la coopération institutionnelle, il est appelé la création d’un Conseil Africain de l’IA pour piloter les efforts de transformation numérique du continent tout en renforçant la coopération intergouvernementale.
3. Impact et perspectives de l’adhésion pour la RDC à la Déclaration Africaine sur l’IA
Comme relevé supra, la Déclaration Africaine sur l’IA pose les bases d’une révolution technologique qui pourrait transformer les économies et les sociétés africaines y compris celles de la RDC. En misant sur une adoption inclusive et éthique de l’IA, l’Afrique aspire à devenir un acteur clé sur la scène mondiale tout en répondant aux besoins spécifiques de ses populations. Ce document constitue une opportunité unique de positionner le continent à l'avant-garde de l’innovation technologique, avec des bénéfices équitables et durables pour tous.
Cela est d’autant vrai car la RDC s’est déjà engagée dans des réformes pour moderniser son secteur numérique, notamment à travers son Code Numérique adopté en 2023[3], qui met en avant des principes tels que la protection des données, la cybersécurité, et l’innovation technologique. Ces éléments trouvent un écho dans les engagements de la Déclaration Africaine sur l’IA tels que la protection des données lorsque la déclaration prévoit des mécanismes robustes pour la gouvernance des données, respectant les cadres nationaux et continentaux. Cela renforce la conformité de la RDC avec son code numérique et l’Union Africaine. Sur le plan des infrastructures technologiques, la déclaration vise à déployer des centres de calcul régionaux connectés par des réseaux à haute vitesse. Ces infrastructures peuvent accélérer la numérisation en RDC, qui est un pilier de sa stratégie de développement numérique. Bien plus, l’établissement de pôles d’incubation régionaux en IA pourrait permettre aux talents et entreprises congolaises d’accéder à des plateformes d’innovation continentales et de bénéficier du financement des projets à travers le Fonds Africain pour l’IA de 60 milliards de dollars.
Ainsi, en intégrant l’écosystème africain de l’IA, la RDC pourrait promouvoir ses propres innovations technologiques tout en bénéficiant des meilleures pratiques en matière de gouvernance et de développement. Bien plus, l’accès à des ensembles de données ouvertes et à des modèles d’IA pourrait catalyser des avancées dans des secteurs vitaux comme la santé, l’agriculture, et l’éducation. En devenant signataire, la RDC pourrait se positionner comme un acteur clé dans les discussions internationales sur l’IA et attirer des investissements pour le développement technologique. La RDC, en adhérant à la Déclaration, montrerait son engagement à travailler main dans la main avec les autres pays africains pour relever les défis technologiques et socio-économiques de demain. Ce geste renforcerait non seulement sa position régionale, mais aussi son impact global dans l’économie numérique.
En conclusion, l’intégration de la RDC dans la Déclaration Africaine sur l’IA est une étape essentielle pour garantir une transition numérique durable et inclusive, en phase avec ses objectifs nationaux et continentaux. C’est une occasion que le gouvernement congolais ne devrait pas manquer pour consolider sa place dans la révolution technologique africaine.
Prof. Joseph YAV KATSHUNG
[1] Une alliance et une initiative visant à transformer l'Afrique en un marché numérique unique en s'appuyant sur les technologies de l'information et de la communication (TIC). Lancée lors du Sommet Transform Africa à Kigali, Rwanda, en octobre 2013, Smart Africa repose sur le Manifeste adopté initialement par sept chefs d’État africains. Ce manifeste a ensuite été approuvé par tous les États membres de l'Union Africaine en janvier 2014.
[2] L’AGENDA 2063 est le schéma et le plan directeur de l'Afrique visant à transformer l'Afrique en puissance mondiale de l'avenir. C’est le cadre stratégique du continent qui vise à atteindre son objectif de développement inclusif et durable. Il s’agit d’une manifestation concrète de la volonté panafricaine d’union, d’autodétermination, de liberté, de progrès et de prospérité collective poursuivie dans le cadre du panafricanisme et de la renaissance africaine.
[3] En RDC, l’ordonnance-loi n°23/010 portant sur le Code du numérique a été promulguée le 13 mars 2023, marquant ainsi une étape importante dans le développement du secteur numérique dans le pays.