- LIMINAIRES
Depuis quelques semaines, tout habitant de l’ex Province du Katanga perçoit un malaise planer sur la Gécamines, cette société qui a fait rêver nos parents et certains de nos congénères. En effet, nous apprenons que la GECAMINES procède à l’opération de vente de certains de ses actifs immobiliers dans les Provinces du Haut Katanga et Lualaba et qu’une liste est même disponible dans les médias et réseaux sociaux.
Ce qui semblait être une folle rumeur, vient d’être confirmée par la Gécamines elle-même dans un communiqué de presse intitulé « Patrimoine Immobilier de Gécamines » du 22 juin 2018 dans lequel elle confirme la véracité desdites aliénations projetées mais se défend quant à leurs motivations.
Cette situation ne peut me laisser indiffèrent à plusieurs égards : Non pas comme un cheveu dans la soupe, mais en mes qualités de Congolais épris de justice, d’ancien fils « Gécaminars », d’analyste, et de partisan de la décentralisation, cette réforme initiée pour rapprocher les gouvernants des gouvernés et un mode d’organisation et de gestion par lequel l’Etat transfère une partie des pouvoirs, des compétences, des responsabilités et des ressources aux Provinces et aux Entités Territoriales Décentralisées, dotées de la personnalité juridique distincte de la sienne et gérées par les organes élus.
II. LA RESPONSABILITE SOCIETALE DES ENTREPRISES EXTRACTIVES, AUSSI UNE
OBLIGATION POUR LA GECAMINES ?
L’activité minière reste, à ce jour, la locomotive de la vie socioéconomique de notre pays la République Démocratique du Congo [RDC] et précisément dans l’ex Province du Katanga. De l’Union Minière du Haut-Katanga (UMHK, 1906-1967) à la libéralisation du secteur minier en 2002, en passant par la Générale des Carrières et des Mines (GCM, 1967 à nos jours), le secteur minier reste encore l’un des principaux pôles d’attraction pour les chercheurs d’emplois et les investisseurs.
Par contre, cette intense activité minière contraste avec le niveau de vie des populations locales. Quel est alors le rôle des entreprises extractives comme la Gécamines car nous savons que les défis qui interpellent les communautés ne sont plus de la seule responsabilité des États.
Face à ces nombreux enjeux, l’entreprise se voit contrainte de repenser son regard sur le monde du fait de la pression de plusieurs de ses parties prenantes comme l’Etat, les citoyens et les organisations de la société civile qui exigent respectivement de l’entreprise, l’élargissement de l’intervention de l’entreprise au-delà de son périmètre afin d’appuyer les politiques gouvernementales en matière de développement ; qu’elle trouve des solutions à ses externalités négatives et résolve également des problèmes qui relèvent de la compétence de l’État ; et qu’elle soit transparente, agisse et promeuve une bonne gouvernance et dans la pratique des affaires. Dans un tel contexte, la RSE émerge à la fois pour répondre aux défis contemporains aussi bien globaux que locaux.
Ainsi, le terme « Responsabilité sociétale des entreprises » [RSE] ne se limite pas à une approche sociale, mais tente de concilier les dimensions économique, sociale et environnementale. Il s’agit de la contribution des entreprises au développement durable. La Gécamines peut-elle prétendre être un bon élève ? Le cas des ventes du patrimoine immobilier semble donner les signaux contraires !
III. ALIENATION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE LA GECAMINES, UNE
NECESSITE ?
La Gécamines dans son Communiqué de presse précité affirme que son Actionnaire-unique, l’Etat congolais, réuni en Assemblée, lui avait recommandé de se concentrer sur son cœur de métier, à savoir l’extraction des minerais, leur transportation et la vente des métaux. Elle poursuit que sur décision du Conseil d’Administration, la Direction Générale, en parfaite coordination avec sa délégation syndicale au sein d’une commission mixte, a donc engagé un inventaire et une valorisation de tous ses actifs immobiliers, dont certains quasiment à l’abandon, en vue de leur cession. Sur base des résultats de cet audit, le Conseil a décidé entre autres de se défaire des éléments devenus inutiles de son parc immobilier avec l’argent des ventes, la réhabilitation des immeubles nécessaires à sa stratégie de modernisation…
Cet argument de la Gécamines, ne tient pas la route car elle avait déjà en son temps évoqué la même raison de vouloir se concentrer sur son objet social initial pour justifier la création de la Société Immobilière du Congo (SIMCO), sa filiale. Ainsi, depuis le 1er janvier 2009, la Gécamines est censée avoir cédé à SIMCO la gestion de tous ses biens immobiliers. En conséquence, toute aliénation dudit patrimoine par la Gécamines devenait donc irrélevant sinon, c’est un aveu d’échec managérial de la chose publique et qu’il sied de corriger sans délai.
Bien plus, vu sous l’angle politico -administratif, la République Démocratique du Congo étant actionnaire unique de la Gécamines, ne peut pas cautionner ce manque de vertus républicaines dans ce dossier qui concerne, en effet, une société d’État, mais dont les actifs immobiliers feraient l’objet de cessions ou ventes occultes aux penitus extranei [tiers entièrement tiers] à la Gécamines] alors que les administrations provinciales manquent d’infrastructures de base pour rendre effective la gouvernance dans son contexte nouveau, celui de la décentralisation, renforcée par le démembrement territorial.
IV. PLAIDOYER POUR LA CESSION DES BIENS IMMOBILIERS GECAMINES
AUX NOUVELLES PROVINCES QUI ABRITENT CE PATRIMOINE
Notons que l’histoire des provinces issues de l’ex Katanga est liée à l’existence de la Gécamines mais a toujours révélé cependant des faiblesses quant à l’impact réel des activités minières sur la vie des communautés comme rappelé précédemment, mettant en évidence le criant paradoxe entre l’importance des richesses et la précarité dans la cité.
La Responsabilité sociétale des entreprises n’est pas l’affaire des autres sociétés extractives mais également celle de la Gécamines qui doit du reste montrer l’exemple afin que l’on sente effectivement et positivement sa présence. Voilà l’occasion pour qu’elle se rachète en offrant à titre gratuit ou même à titre onéreux mais négocié ledit patrimoine immobilier en priorité aux nouvelles provinces. Cela ne fera que justice à ces nouvelles provinces qui abritent depuis des lustres, le patrimoine immobilier de la Gécamines, afin qu’elles casent enfin leurs administrations qui en manquent. C’est de la sorte que la politique de rapprochement du gouvernant des gouvernés tant souhaitée par tous aura un sens comme meilleure approche au développement intégré de notre beau pays.
Ainsi, considérant la nécessité et l’urgence de surmonter, un minimum des défis relevés dans les rapports des Commissions d’installation de nouvelles provinces, en termes d’infrastructures, de logistiques et d’administration, il est impérieux que l’Actionnaire unique de la Gécamines qui est en même temps le tuteur de ces entités démembrées, assume sa responsabilité de leur doter des infrastructures de base. Voici l’occasion et il faut le faire !
V. QUE CONCLURE ?
Sauf demander au Gouvernement de la République d'instruire la Gécamines de suspendre sans délai l’opération de vente de certains de ses actifs immobiliers aux tiers et que ledit patrimoine soit cédé - aux conditions à convenir avec l’Etat - au profit des provinces qui sont en train de s’installer et qui abritent lesdits biens depuis des décennies.
C’est aussi l’occasion pour les Assemblées Provinciales du Haut-Katanga et du Lualaba, pour ne citer que celles-là du fait de la situation du patrimoine ciblé, se saisissent de ce cas en se réunissant dans les meilleurs délais afin de prendre des décisions et/ou résolutions idoines. La Gécamines et l’Etat sont donc mis au pilori et doivent éviter de donner l’impression que l’objectif premier est la spoliation de ce patrimoine à tout prix !
Prof. YAV KATSHUNG JOSEPH