I. LIMINAIRES
L’on ne le dira jamais assez : tout récemment ce fut le cas du recouvrement de la nationalité congolaise par le Premier Ministre honoraire issu de l’opposition, Sammy BADIBANGA avec tout le cortège des analyses politiques alors que la question fut purement juridique. La « nationalité » encore elle, a récemment encore fait parler d’elle cette fois concernant un prétendu « forcing » que la loi sur la nationalité en RDC faisait en accordant la nationalité d’acquisition par le fait de la résidence en RDC. Des faux arguments furent débités ce qui n’était que normal tant que les prémisses elles-mêmes étaient biaisées. En effet, aucune nouvelle loi ne régit la nationalité si ce n’est la loi n° 04/024 du 12 novembre 2004 relative à la nationalité congolaise de 2004 et donc bien avant la Constitution de 2006 telle que modifiée à ce jour. Il s’agissait donc d’un des cas de nationalité congolaise acquise appelée aussi « nationalité adventice » « qui résultant d’un acte ou d’un fait survenu après la naissance, opère un changement de nationalité dans la personne de l’intéressé sans rétroactivité à sa naissance ». Elle provient du fait que, généralement, des Etats insèrent dans leurs législations sur la nationalité des dispositions permettant aux étrangers d’acquérir leur nationalité, et de devenir des nationaux de ces Etats. On comprend dès lors que l’individu ne conserve pas toujours la nationalité d’origine durant toute son existence ; il peut la perdre, volontairement ou involontairement, et acquérir volontairement ou involontairement une autre nationalité.
Tout comme dans les législations précédentes, les étrangers peuvent acquérir la nationalité congolaise par la voie de la naturalisation, de l’option et de l’adoption. La loi sur la nationalité de 2004 [actuelle] a introduit l’acquisition par l’effet du mariage et par l’effet de la naissance et de la résidence en République Démocratique du Congo (articles 10 à 23). Chacun des modes d’acquisition de la nationalité congolaise est soumis à des conditions qui lui sont propres, d’ordre positif ou d’ordre négatif. Concernant l’acquisition de la nationalité congolaise par l’effet de la naissance et de la résidence en RDC, il est stipulé que « Tout enfant né en RDC de parents étrangers peut, à partir de l’âge de 18 ans accomplis, acquérir la nationalité congolaise à condition qu’il en manifeste par écrit la volonté et qu’à cette date il justifie d’une résidence permanente en RDC. (Article 21)
Il doit au regard de l’Arrêté ministériel n° 261/CAB/MIN/J/2006 du 4 juillet 2006 portant certaines mesures d'exécution de la loi n° 04/024 du 12 novembre 2004 relative à la nationalité congolaise produire à l'appui d'une demande d'acquisition de la nationalité congolaise par l'effet de la résidence en RDC certains documents.
Toujours elle, la nationalité, revient en force avec la question du Gouverneur Honoraire de l’Ex Province du Katanga. La présente brève analyse entend cogiter sur la légalité de sa situation au regard purement du droit international privé congolais.
II. LA NATIONALITE: DROITS ET CONTOURS
2.1. DROITS
Comme nous l’avons déjà souligné dans nos précédentes cogitations et disponible sur notre blog : www.legavox.fr/blog/yav-associates/ , la nationalité est indissociable des modes de participation à la vie de la cité (le vote, les manifestations, les pétitions, le militantisme, etc.). Elle entraîne aussi des obligations spécifiques : devoir de voter, le devoir fiscal, le devoir de solidarité, etc. La question centrale est celle de l’identité nationale, et la représentation sociale qui sous-tend les débats est l’opposition dedans/dehors; nous/eux; nationaux/ étrangers. Toute organisation et toute organisation politique, par définition, inclut les uns et exclut les autres. Ce qui différencient les modes d’organisation politique, c’est le principe et les modes de l’inclusion et de l’exclusion. A cet effet, tout Etat démocratique est fondé sur un principe d’inclusion politique des citoyens et d’exclusion politique des non-citoyens (qui sont citoyens d’un autre pays, puisque juridiquement tout homme a droit à une nationalité), mais en leur garantissant l’égalité des droits civils, économiques et sociaux avec les nationaux. Il inclut les citoyens en assurant leur égale participation à la vie politique, il exclut les seconds des pratiques directement liées à la citoyenneté.
2.2. CONTOURS
Une confusion à éviter concerne le vocable « nationalité » et la notion de « citoyenneté », confondues pour des raisons historiques.
La nationalité est une notion de droit international ; par contre la citoyenneté relève du droit public interne. Le national d’un Etat n’est pas nécessairement citoyen ; il peut être simplement sujet de cet Etat, ce qui ne lui assure normalement pas les droits politiques. La citoyenneté est une notion plus étroite que la nationalité. C’est la qualité juridique qui garantit à son titulaire la jouissance des droits politiques. Mais notons qu’une personne peut avoir plusieurs nationalités (conflits positifs) ou n’en avoir aucune (conflits négatifs).
III. SITUATION DU GOUVERNEUR HONORAIRE DE L’EX PROVINCE DU KATANGA : CONFLIT ET SOLUTIONNEMENT POSSIBLE !
3.1. CONFLIT POSITIF DE NATIONALITE ?
L’on a pu suivre la conférence de presse du Ministre d’Etat et Ministre de la Justice de la RDC tenue à Genève sur la question de la nationalité de Monsieur Moise KATUMBI et depuis, les boucliers se sont levés de partout condamnant les tactiques politiques d’écarter un potentiel candidat à la Présidentielle. Aussi, sur les réseaux sociaux, une lettre circule au sujet de la renonciation par Monsieur KATUMBI de sa nationalité italienne acquise en date du 19 mai 2001 et transcrite à la Commune de San Vito Dei Normani au No 2 du Registre des Nationalités en date du 25 janvier 2002, tout en exprimant aussi sa volonté de réacquérir le nom de KATUMBI Moise Chapwe reçu à la naissance [sic].
Sous réserve de l’authenticité de la dite renonciation, l’on se trouve bel et bien dans le cas d’un conflit positif de nationalité. En effet, il s’agit des cas de pluralité de nationalités dans le chef d’un même individu qui possède plusieurs nationalités, celle du for et une ou plusieurs nationalités étrangères. Le cumul de nationalités peut faire apparaître des avantages et des inconvénients. En RDC, la loi est claire, la nationalité congolaise est une et exclusive et l’on ne peut l’acquérir en concurrence avec une autre. Il est certes vrai que des cas des binationalités sont fréquents dans la sphère politique congolaise mais cela ne doit aucunement justifier cette violation de la loi car, la fraude corrompt tout dit-on !
3.2. PERTE ET/OU RECOUVREMENT DE LA NATIONALITE CONGOLAISE PAR MOISE KATUMBI
3.2.1 Perte de la nationalité Congolaise
Par le fait qu’au moins un des parents de Monsieur KATUMBI est de nationalité Congolaise, il est donc né Congolais par filiation. Mais, si il est prouvé qu’il a acquit une autre nationalité [Italienne soit-elle], il a automatiquement perdu celle congolaise. En effet, tout congolais d’origine perd sa nationalité dès l’instant où il acquiert une nationalité étrangère. En effet, la nationalité congolaise est une et exclusive. Elle ne peut être détenue concurremment avec une autre nationalité. (Article 1 et 26 de la loi). Ainsi, en acquérant une autre nationalité, le Congolais d’origine [KATUMBI] perdra celle Congolaise. Un simple renoncement de la nationalité étrangère acquise ne donne pas droit au recouvrement de la nationalité congolaise.
3.2.2 Recouvrement de la nationalité Congolaise par KATUMBI : Que faire ?
Il y a deux modes de recouvrement selon que l’on fut congolais d’origine ou congolais par acquisition de la nationalité. Ici c’est le premier cas qui nous intéresse car Monsieur KATUMBI était depuis sa naissance, un Congolais d’origine.
Ayant perdu la nationalité d’origine par l’acquisition d’une autre, il doit la recouvrer par déclaration. A-t-il eu l’occasion de le faire ? C’est cela la question !
Il peut recouvrer la nationalité Congolaise par déclaration conformément aux dispositions de l’article 34 de la loi qui prévoient que « Toute déclaration en vue d’acquérir la nationalité congolaise, d’y renoncer ou de la recouvrer dans les cas prévus par la présente loi doit satisfaire aux conditions suivantes :
1. être présentée en double exemplaire ;
2. comporter élection de domicile en RDC de la part de l’intéressé ;
3. comporter la signature légalisée de l’impétrant ;
4. être accompagnée des documents qui sont déterminés par Arrêté du Ministre de la Justice et Garde des Sceaux délibéré en Conseil des Ministres ;
5. être adressée au Ministre de la Justice et Garde des Sceaux par lettre recommandée avec accusé de réception ou par porteur contre récépissé après remise des pièces requises.
En plus, il doit avoir conservé ou acquis avec la RDC des liens manifestes, notamment d’ordre culturel, professionnel, économique, sentimental ou familial.
La déclaration n’a d’effet qu’à compter du jour de son enregistrement. » (Article 32, al. 2 et 3). Notons que le Gouvernement peut s’opposer au recouvrement de la nationalité congolaise de l’impétrant pour indignité. (Article 33)
En outre, il doit au regard de l’Arrêté ministériel n° 261/CAB/MIN/J/2006 du 4 juillet 2006 portant certaines mesures d'exécution de la loi n° 04/024 du 12 novembre 2004 relative à la nationalité congolaise produire à l'appui d'une déclaration de recouvrement de la nationalité congolaise les documents suivants :
1. Un extrait d'acte de naissance dûment légalisé établi par les autorités congolaises ou à défaut d'acte de naissance, un acte administratif ou judiciaire supplétif à l'acte de naissance établi soit par les autorités congolaises compétentes, attestant son âge et son identité;
2. Un acte établi par les autorités compétentes certifiant qu'il avait la nationalité congolaise d'origine;
3. Un certificat de nationalité établi par les autorités compétentes du pays auquel il appartient;
4. Un certificat de législation établissant que, d'après la Loi du pays auquel il appartient, les ressortissants de ce pays perdent leur nationalité dans le cas où ils acquièrent volontairement une nationalité étrangère;
5. Une ou plusieurs attestations établies par les autorités compétentes de nature à établir qu'à la date de sa déclaration, il a eu sa résidence habituelle en RDC;
6. Un certificat de bonnes vie, conduite et mœurs, établi depuis moins de trois mois par les autorités compétentes du ou des pays où il a résidé;
7. Un certificat de bonnes vie, conduite et mœurs, établi depuis moins de trois mois par les autorités compétentes congolais;
8. Un extrait de casier judiciaire établi depuis moins trois mois, homologué par le Parquet Général de la République ;
9. La traduction en langue française des documents rédigés en une autre langue, légalisée par les autorités compétentes du pays de l'impétrant ;
10. Un curriculum vitae
Notons que le Ministre de la Justice peut, par décision motivée, dispenser une personne de la production d'un ou plusieurs documents prévus par le présent Arrêté, le cas échéant, lui prescrire la production d'autres documents destinés à les remplacer. La publicité de la demande de l'impétrant, est assurée par les soins du Directeur de l'administration du Ministère de la justice ayant la nationalité dans ses attributions par avis affiché devant le bureau du territoire, de la Commune, de la mission diplomatique ou consulaire congolaise à l'étranger, selon le cas, du lieu où réside l'impétrant. Le même avis sera publié dans les organes de la presse paraissant tant à Kinshasa qu'en Province où l'intéressé a sa résidence au moment de la demande.
Lorsque l’impétrant réside à l'étranger, l'avis est inséré par les soins de la mission diplomatique ou consulaire dans les journaux paraissant dans le pays où réside l'intéressé et affiché devant le bureau de la mission diplomatique ou consulaire du représentant de l'autorité congolaise à l'étranger. Toute personne ayant des observations à formuler les faits parvenir aux autorités judiciaires ou administratives de sa résidence, endéans les trois mois qui suivent la publication de l'avis.
IV. FAUT-IL CONCLURE ?
Sinon dire qu’en matière de nationalité congolaise, le passeport, la carte d’électeur ou la carte d’identité ainsi que tous autres documents officiels ne sont que de simples écrits, qui présument simplement de la nationalité du titulaire et sont susceptibles de preuve contraire. Ils ne constituent, le cas échéant qu’un commencement de preuve. Le seul bénéficiaire que ces documents produisent à l’égard de leurs détenteurs est de les décharger du fardeau de la preuve.
Le siège de la matière se trouve aux articles 46 à 50 de la loi organique sur la nationalité congolaise. Une nette distinction y est établie entre la preuve de la nationalité et celle de l’extranéité. La nationalité congolaise étant déterminée par une loi, l’objet de la preuve consistera à établir que l’intéressé se trouve dans l’un des cas définis par la loi. Quant aux modes de preuve, ils varieront suivant qu’il s’agit d’établir une nationalité ou de prouver une déclaration d’acquisition, de renonciation ou de recouvrement ; ou encore de prouver une déchéance.
Pour le cas de Monsieur KATUMBI, aux termes de l’article 46, sa nationalité congolaise s’établira en produisant un certificat de nationalité délivré par le Ministère de la Justice. Ce certificat fait foi jusqu’à preuve du contraire. Tout titulaire du certificat de la nationalité congolaise est investi de la qualité de congolais et il appartient à celui qui conteste cette qualité d’apporter la preuve contraire. Cela signifie que la loi organique réserve au titulaire du certificat de nationalité la position de défendeur en cas de contestation au sujet de sa nationalité, et le fardeau de la preuve revient à son adversaire. En dehors de l’hypothèse où la qualité de congolais est contestée à celui qui possède un certificat de nationalité, la charge de la preuve incombe à l’individu dont la nationalité est mise en cause, car il est mieux placé pour réunir les éléments de preuve.
En ce qui concerne la preuve d’une déclaration de recouvrer la Nationalité, elle se fait par la production d’une attestation délivrée par le Ministre de la Justice, à la demande de tout requérant et constatant que la déclaration a été établie et enregistrée. Quelle est alors la vraie situation de Monsieur KATUMBI ? Le Ministre de la Justice aurait-il oublié qu’il avait établi au profit de ce sieur, un certificat de nationalité soit une attestation de déclaration ? Les éléments objectifs nous édifieront davantage car l’intéressé jouira surement des voies de recours prévues dans le contentieux de Nationalité qui peut être administratif ou judiciaire.