1. Liminaires
En République Démocratique du Congo [RDC], en Belgique, tout comme en France ; du droit romain au code de la famille en passant par le code Napoléon, les droits successoraux des enfants ont fait un long parcours en dents de scie, leurs gestations ont été laborieuses.
Le code de la famille de la RDC en ses articles 758 et 852, énonce que les enfants du défunt - « de cujus »- constituent la première catégorie d’héritiers et qu’ils sont par conséquent, héritiers réservataires. Mais, la situation de ces mêmes enfants, que l`on prétend protéger, demeure un sujet de contradictions fréquentes.
En effet, dans les temps anciens, à la mort d`une personne, l`attention des membres de la famille du défunt (oncles et tantes, frères et sœurs, cousins et cousines, neveux et nièces), était tournée vers la protection des femmes et enfants respectivement par le lévirat et la tutelle[1]. Aujourd`hui, tel n`est plus le cas.
Le relent d’individualisme semble avoir conquis tous les Congolais. En effet, ils (Congolais) ont beaucoup de biens que les membres de famille convoitent et vont jusqu`à prendre tous les biens ou la grande partie des biens, au détriment des enfants et du conjoint survivant.
2. La protection des enfants, héritiers réservataires : entre théorie et pratique ?
Pour éviter ce désordre que créent souvent les membres de la famille du défunt ou les héritiers eux-mêmes, de venir à la fois et indistinctement à la succession, le législateur du code de la famille a défini les différentes catégories d`héritiers suivant leur ordre d`importance en privilégiant les enfants et le conjoint survivant et en décourageant ou écartant tout simplement toute personne n`ayant pas qualité pour venir à la succession.
Certes, le vœu du législateur est de protéger les enfants et le conjoint survivant. Mais, sur terrain, ces droits des enfants et surtout ceux du conjoint survivant sont contestés par les membres de la famille du défunt. Ils confisquent tout, au mépris de la loi et marchent même sur les testaments.
P., VAN DEN WIELE justifie pareilles attitudes par le fait que dans la plupart des coutumes congolaises, les oncles et les tantes jouent un grand rôle dans l`éducation, le mariage, l`épanouissement, bref dans la vie de leurs neveux et nièces. Fort de cela, ils se considèrent comme ayant droit à la succession de leurs neveux et nièces prédécédés[2]. Notons que cette position de P., VAN DEN WIELE ne fait pas l’unanimité entre chercheurs. En effet, KAMPETENGA LUSENGU pense quant à lui que : « …C’est donner à croire que la succession n’était pas organisée dans les sociétés africaines. Si oncles et tantes pouvaient hériter de leurs neveux et nièces prédécédés, cela tenait en l’occurrence dans le système matrilinéaire, d’une disposition juridique établie plutôt que parce que ceux-ci jouaient un grand rôle dans l’éducation… Dans ce système, en effet, l’oncle est juridiquement l’ayant droit. Et à ce titre il pouvait hériter. »[3]
Pour notre part, nous estimons que les raisons avancées par monsieur P., VAN DEN WIELE et KAMPETENGA se recoupent car elles traduisent la même réalité : l’oncle fut et/ou est héritier privilégié. Toutefois, relevons que le code de la famille ne considère plus l’oncle comme un ayant droit privilégié. Il est héritier de la troisième catégorie et vient à la succession en l’absence des héritiers de la première et de la deuxième catégorie. Ce qui n’arrange pas les membres de la famille du de cujus.
Un autre frein est constitué de l’ignorance des dispositions du code de la famille. En effet, dans la pratique, en dépit de leur existence, il se dégage que les règles en matière des successions voire tout le code de la famille, sont essentiellement mal connues ou même inconnues des enfants, conjoints survivants, membres de la famille, le commun de mortel et même les hommes de l`art (praticiens du droit); ce qui fait que leur compréhension et même leur application et revendication sont incertaines.
Aussi, la crainte de la sorcellerie dont sont victimes les enfants et le conjoint survivant de la part des membres de la famille constitue un autre frein. En effet, de plus en plus nous entendons dans nos cités, certains membres de famille dire: « comme vous voulez avoir l`héritage, prenez et nous verrons». Entendant cela, c`est la panique et par crainte d`être ensorcelés, les enfants et le conjoint survivant laissent faire les autres membres, qui s`accaparent de tous les biens.
3. Que conclure ?
Au demeurant, que conclure ? Il est bien clair que le législateur du code de la famille dans le souci de protéger les enfants, a institué la notion d’ « héritiers réservataires » avec comme conséquence que tous sont égaux devant la loi. Dans cette perspective, il a institué les mécanismes du rapport à la succession et de réduction des libéralités pour éviter que l’équilibre ne soit rompu entre les différents enfants. Mais au-delà de tout, l’on constate que certaines dispositions semblent contredire le vœu du législateur en ne protégeant que certains enfants, pouvant bénéficier de la réserve successorale. Tel est le cas des enfants nés dans le mariage, les enfants nés hors mariage et affiliés du vivant de leur géniteur et les enfants adoptés.
Il est devenu presque normal de voir des conflits survenir entre les enfants eux-mêmes. Il sied donc que la loi soit connue par les différents enfants et aussi que certaines dispositions puissent se conformer aux principes d’égalité et de non discrimination entre enfants. Cela est d’autant vrai car, la succession implique des intérêts liés à l`ordre public, souvent troublé par la belligérance des héritiers ou des légataires autour de l`héritage convoité par les successibles ne bénéficiant pas de la réserve successorale. Il sied donc que le ministère public puisse chaque fois intervenir pour défendre les intérêts des uns et des autres comme le lui reconnaît la loi et non rester passif.
[1] BOMPAKA NKEYI : « Le problème des successions au Zaïre, état de la question et examen du projet de loi relatif au code de la famille », in Lettre de l’IRES n° 9-10, Kinshasa, UNIKIN, 1986 ; pp.10-20
[2] VAN DEN WIELE, P. : Le droit coutumier et son évolution au sein des sociétés Negro-africaines, tome I (Des personnes), Léopoldville, ed. ENDA, 1961, p.59 et s.
[3] Propos recueillis lors de notre entretien avec le professeur KAMPTENGA LUSENGU.