Le principe pénal de légalité des délits et des peines suppose que les infractions pénales soient définies de façon claire et précise pour que chaque citoyen puisse en saisir la portée.
Dans sa rédaction résultant de la loi n° 92-684 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions du code pénal relatives à la répression des crimes et délits contre les personnes, le harcèlement sexuel, prévu et réprimé par l'article 222-33 du code pénal, était défini comme « Le fait de harceler autrui en usant d'ordres, de menaces ou de contraintes, dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ».
L'article 11 de la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs a donné une nouvelle définition de ce délit en substituant aux mots : « en usant d'ordres, de menaces ou de contraintes » les mots : « en donnant des ordres, proférant des menaces, imposant des contraintes ou exerçant des pressions graves ».
L'article 179 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale a de nouveau modifié la définition du délit de harcèlement sexuel en conférant à l'article 222-33 du code pénal la rédaction suivante :
« Le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende ».
Les contours trop larges de ce délit ont conduit la cour de cassation a annulé des arrêts d’appel qui avaient condamné des personnes pour harcèlement sexuel alors qu’il s’agissait de délit d’atteinte sexuelle (Cass. Crim., 10 novembre 2004, N° de pourvoi 03-87986).
En l’espèce, Monsieur X a fait l’objet d’une plainte pénale de la part de l’une de ses collaboratrices qui lui reprochait son harcèlement sexuel.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 29 février 2012 par la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 222-33 du code pénal.
En effet, selon le requérant, en punissant « le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle » sans définir précisément les éléments constitutifs de ce délit, l'article 222-33 du code pénal méconnaît le principe de légalité des délits et des peines ainsi que les principes de clarté et de précision de la loi, de prévisibilité juridique et de sécurité juridique.
Pour mémoire, le législateur tient de l'article 34 de la Constitution, ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis.
Pour le conseil constitutionnel :
« l'article 222-33 du code pénal permet que le délit de harcèlement sexuel soit punissable sans que les éléments constitutifs de l'infraction soient suffisamment définis ; qu'ainsi ces dispositions méconnaissent le principe de légalité des délits et des peines et doivent être déclarées contraires à la Constitution ».
Conformément au deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution, une disposition déclarée inconstitutionnelle est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision.
Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause et a jugé que l'abrogation de l'article 222-33 du code pénal prend effet à compter de la publication de la décision et qu'elle est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date.
Ainsi, l'abrogation du délit pénal entraîne, faute de fondement aux poursuites, l’annulation de toutes les procédures pénales en cours et éteint l'ensemble des affaires en instance d'être jugées ou rejugées, en cause d’appel ou par la cour de cassation.
Il faudra attendre l’entrée en vigueur du nouveau texte pour que les faits de harcèlement sexuel commis à compter de cette date puissent être poursuivis.
Les faits commis antérieurement au texte à venir ne pourront donc pas être jugés sur le fondement de ce texte en vertu du principe de non rétroactivité de la loi pénale.
Toutefois, les articles L.1152-1, L.1153-1 et L.1155-2 du Code du travail, qui interdisent et sanctionnent les harcèlements sexuels dans le cadre du travail, entre collègues ou salariés et employeur, en CDD, CDI, contrat d’apprentissage ou contrat de stage, ne sont pas concernés par l’abrogation du texte pénal du 4 mai 2012.
Enfin, si le délit pénal a disparu, le harcèlement sexuel demeure une faute civile susceptible d’engager la responsabilité civile de son auteur sur le fondement l’article 1382 du code civil.
Je suis à votre disposition pour toute information ou action.
PS : Pour une recherche facile et rapide des articles rédigés sur ces thèmes, vous pouvez taper vos "mots clés" dans la barre de recherche du blog en haut à droite, au dessus de la photographie.
Anthony Bem
Avocat à la Cour
27 bd Malesherbes - 75008 Paris
Tel : 01 40 26 25 01
Email : abem@cabinetbem.com