Parmi les conditions devant être remplies par un signe pour constituer une marque, la loi exige le caractère distinctif du signe, c’est-à-dire que celui-ci doit permettre de distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale de ceux de ses concurrents.
Si la loi impose ainsi qu’un signe ait un caractère distinctif pour bénéficier de la protection par le droit des marques, c’est dans un premier temps pour permettre aux consommateurs d’identifier et de distinguer les produits ou services identiques proposés par différents concurrents.
Mais c’est aussi pour ne pas que celui qui s’approprie un signe prive ses concurrents de la possibilité d’utiliser un signe usuel et nécessaire pour présenter leurs produits ou services aux consommateurs.
A cet effet, l’article L711-2 du code de propriété intellectuelle dispose le caractère distinctif d’une marque s’apprécie au regard des produits et services désignés et que n’ont pas ce caractère distinctif :
« a) les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ;
b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service ; (…) »
Ainsi, selon la jurisprudence, un terme employé par une « notable partie du public » pour désigner un produit ou un service n’est pas de nature à constituer une marque.
A titre d’exemple, la cour d’appel de Paris a annulé la marque « Texto » de SFR pour défaut de distinctivité au motif qu’avant le dépôt de cette marque « le terme Texto était connu du public pour désigner un petit message écrit, convivial, envoyé par téléphone mobile. » (C.A Paris, 1ère chambre, 23 septembre 2009)
De même, comme vient de le juger le Tribunal de grande instance de Paris, l’expression vente-privée.com ne saurait valablement constituer une marque en raison de son absence de distinctivité. (TGI Paris, 28 novembre 2013, n° RG : 12/12856).
En l’espèce, la société Showroomprivé.com a assigné en justice la société Vente-privée.com pour obtenir l’annulation de la marque verbale française ‘’vente-privée.com’’ pour défaut de caractère distinctif.
A l’appui de sa demande, la société Showroomprivé.com soutenait notamment que l’expression vente-privée appartient au langage courant et constitue la désignation usuelle et nécessaire du service éponyme.
Ces arguments ont séduit les juges qui ont accueilli la demande en jugeant que la marque « vente-privée.com » est dépourvue de caractère distinctif : « au vu des services désignés au sein de cette marque verbale, les termes venteprivée.com étaient au jour du dépôt entièrement descriptifs de l’activité pour tout consommateur intéressé c’est-à-dire pour toute personne désirant acheter des produits de marques ‘’dégriffés’’ en ligne et donc nécessaire pour désigner précisément l’activité des ventes privées. »
En outre, les juges ont considéré que la société Vente-privée.com ne démontrait pas « que la partie nominale de la marque a acquis à titre de marque, c’est-à-dire d’identification d’origine du service, une distinctivité telle qu’elle lui permet de s’approprier des termes génériques qui doivent rester disponibles pour tous les acteurs de la vie économique agissant dans ce secteur. »
Le tribunal en a alors déduit que la marque litigieuse n’a pas pu acquérir une distinctivité par l’usage et jugé que la société Vente-privée.com « n’a aucune légitimité à monopoliser à son profit les termes venteprivée.com à titre de marque et à priver ses concurrents de l’usage de ces mots. »
En conséquence, les juges parisiens ont prononcé l’annulation de la marque vente-privée.com pour certains services, dont ceux relevant des domaines de la parfumerie et des cosmétiques, de l’habillement et des accessoires de mode, du textile, de la maroquinerie, etc …
Ainsi, la société Vente-privée.com ne peut plus se prévaloir d’un quelconque monopole ni revendiquer quelque droit que ce soit sur le terme vente-privée.com pour interdire à ses concurrents de l’utiliser et de l’exploiter à des fins commerciales.
Ce jugement rappelle aux titulaires de marques la nécessité de faire appel aux services d’un avocat spécialisé dans ce domaine, dés la création de la marque, et, en tout état de cause, avant le début du développement commercial de celle-ci afin d’être protégé juridiquement.
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Anthony Bem
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