Pour mémoire, l’article L341-4 du code de la consommation dispose que
« Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. »
En d’autres termes, un cautionnement manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution personne physique entraine l'impossibilité pour la banque créancière de se prévaloir de ce cautionnement à l’égard de la caution.
La question qui se pose dès lors est de savoir comment s’apprécie le caractère manifestement disproportionné d’un cautionnement.
S’agissant de la date d’appréciation, la jurisprudence considère que la disproportion s’apprécie, pour chaque caution, à la date de formation de l’acte de cautionnement.
Cependant, si la date d’appréciation du caractère manifestement disproportionné du cautionnement ne pose pas problème, il en va différemment des revenus et biens à prendre en compte en cas de pluralité de cautions solidaires.
Autrement dit, il s’agit de savoir si le caractère disproportionné du cautionnement s’apprécie au regard des seuls revenus et biens de chaque caution ou s’il faut tenir compte des revenus et biens de l’autre caution.
Dans un arrêt du 11 mars 2014, la cour d’appel d’Angers a apporté des précisions importantes sur cette question. (CA Angers, 11 mars 2014, n°12/02866)
En l’espèce, un père et son fils se sont portés cautions solidaires envers une banque pour garantir le remboursement d’un prêt consenti à une société.
Par la suite, la société a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire, puis d’une procédure de liquidation judiciaire.
La banque a alors saisi le tribunal d’une demande en paiement.
Le tribunal avait dans un premier temps condamné solidairement le père et le fils à payer à la banque une somme au titre du prêt, outre une indemnité de procédure et le coût des frais d’inscription d’hypothèques judiciaires.
Le père et le fils ont alors fait appel de ce jugement, en soutenant notamment que les engagements de caution qu’ils avaient conclus étaient manifestement disproportionnés à leurs revenus et patrimoine.
Mais pour la banque, ni l’engagement du père ni celui de son fils n’étaient manifestement disproportionnés à leurs facultés contributives, car, selon elle, il convenait de prendre en compte le fait que le fils se portait caution solidairement avec son père pour le même montant et le même prêt.
Cependant, la cour d’appel n’a pas suivi le raisonnement de la banque.
En effet, pour les juges d’appel, si l’engagement du père n’apparait pas manifestement disproportionné compte tenu de son patrimoine immobilier, il n’en va pas forcément de même pour son fils, quand bien même les deux se seraient portés cautions solidaires pour le même montant et le même prêt.
Pour ce faire, la cour d’appel a considéré que :
« (…) exception faite des époux mariés sous le régime de la communauté qui simultanément constitués cautions solidaires pour la garantie d’une même dette engagent ensemble les biens de la communauté, le caractère disproportionné du cautionnement s’apprécie pour chaque caution au regard de ses seuls revenus et biens, sans qu’il y ait lieu de tenir compte des revenus et biens de son cofidéjusseur. »
En d’autres termes, le caractère manifestement disproportionné de l'engagement de plusieurs cautions solidaires s'apprécie au regard des revenus de chacune d'elles, sauf dans le cas où les cautions solidaires sont mariées sous le régime de la communauté.
Par conséquent, il convient de retenir qu’en cas de pluralité de cautions solidaires, le caractère disproportionné du cautionnement doit être apprécié au regard des seuls biens et revenus de chaque caution à la date de souscription du cautionnement, sans tenir compte donc des revenus et biens des autres cautions.
Enfin, l’analyse retenue par la cour d’appel d’Angers illustre une nouvelle fois l’intérêt pour les cautions poursuivies en paiement de se faire assister d’un avocat spécialisé en cautionnement qui saura analyser l'éventuelle disproportion des engagements et, le cas échéant, les faire annuler dans le cadre des procédures initiées par les banques pour tenter d’obtenir la mise en jeu de la garantie de paiement.
NB : Afin d'approfondir le sujet des moyens de défense dont disposent les cautions poursuivies en paiement par la banque, je vous invite à lire mon article publié ICI.
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Anthony Bem
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