Le 1er avril 2014, la Cour de cassation a jugé qu’il incombe à la banque, qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d'établir qu'au moment où il l'appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation de paiement. (Cass. Com., 1er avril 2014, N° de pourvoi: 13-11313)
Le cautionnement solidaire est l'une des garanties de remboursement des dettes de sociétés le plus fréquemment rencontrée en droit des affaires.
En effet, en pratique, les banques sollicitent de leurs clients et parfois même de membres de leur famille, qu'ils garantissent le remboursement des dettes de sociétés à qui un crédit et/ou une autorisation de découvert en compte courant a été accordé(s).
Le scénario est toujours le même : suite à des difficultés financières, la société ne peut plus payer ses dettes bancaires, la banque met en demeure la caution de payer ces dettes puis, à défaut, l'assigne en justice et procède à des inscriptions d'hypothèques sur les biens de la caution.
À ce moment là, la caution comprend que si elle ne fait rien, son patrimoine et ses biens risquent d'être saisis.
Alors que de trop nombreux avocats conseillent à tort à leurs clients de payer, il existe un certain nombre d’arguments de défense susceptibles de pouvoir être invoqués par la caution afin de tenter de se libérer de son obligation de garantie du paiement des dettes de la société cautionnée.
A cet égard, le formalisme du cautionnement est souvent une cause d'annulation de l'acte de caution.
Au cas par cas, le manquement au devoir de mise en garde permet aussi d’engager la responsabilité de l'établissement de crédit.
Mais c’est surtout la disproportion du cautionnement solidaire qui permettra dans une grande majorité de cas à la caution d'échapper au paiement de sa dette envers la banque.
En effet, après une analyse financière et patrimoniale de la caution, le calcul du taux d’endettement permet souvent de conclure au dépassement du seuil des 33% d’endettement admis par la jurisprudence.
En l’espèce, un gérant de société s’est porté caution envers la banque BNP Paribas de divers prêts consentis à sa société.
La banque a assigné en paiement la caution, qui a opposé la disproportion manifeste de ses biens et revenus à ses engagements conformément à l'article L. 341-4 du code de la consommation.
Pour mémoire, les dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation selon lesquelles «un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation», sont applicables aux cautionnements souscrits après l'entrée en vigueur de cet article issu de la loi n°2003-721 du 1er août 2003 publiée au JO du 5 août 2003.
Cette disposition s'applique à toute caution personne physique, peu importe qu'elle soit caution profane ou avertie ni qu'elle ait la qualité de dirigeant social.
La sanction du caractère manifestement disproportionné de l'engagement de la caution est l'impossibilité pour la banque de se prévaloir de cet engagement.
Les juges de première instance puis ceux d’appel ont donné raison à la banque et condamné la caution en application des cautionnements accordés.
Cependant, la cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt d’appel en jugeant que :
« il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d'établir qu'au moment où il l'appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation ».
Autrement dit, en cas de cautionnement disproportionné aux biens et revenus de la caution au jour de leur conclusion, les juges ont l’obligation de vérifier si la banque rapporte la preuve que la situation financière de la caution lui permet de s’acquitter de sa dette au moment où elle est appelée, c'est-à-dire à la date des dernières conclusions déposées par la banque devant le juge.
La caution n’a donc pas à prouver qu’elle n’est pas en mesure de faire face à ses engagements au jour de l'appel en garantie.
Le retour à meilleure fortune de la caution doit donc être prouvé par la banque.
Cette décision de justice est particulièrement importante puisque la caution est déchargée de l'obligation de preuve sur sa situation de fortune et patrimoniale au moment de la procédure judiciaire initiée par la banque.
Ce faisant, les juges imposent aux banques une preuve particulièrement difficile à rapporter en pratique puisque ces dernières n’ont pas accès aux informations financières des cautions, sauf à ce que celles-ci disposent encore de comptes bancaires ou de prêts immobiliers dans les livres de la banque poursuivante.
Cette décision s’inscrit donc bien dans le récent courant jurisprudentiel favorable aux cautions solidaires des dirigeants de sociétés qu’il convient de saluer et de faire évoluer d’avantage au gré des décisions de justice.
NB : Afin d'approfondir le sujet des moyens de défense dont disposent les cautions poursuivies en paiement par la banque, je vous invite à lire mon article publié ICI.
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Anthony Bem
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