Condamnation de Dieudonné pour injure raciale envers les personnes d'origine ou de confession juive

Publié le Modifié le 15/01/2015 Vu 4 951 fois 0
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Le 16 octobre 2012, la Cour de cassation a confirmé la condamnation de Dieudonné pour injure raciale envers les juifs lors de son spectacle intitulé « J'ai fait le con » en 2008 (Cass. Com., 16 octobre 2012, N°: 11-82866, M. Dieudonné / association HCCDA).

Le 16 octobre 2012, la Cour de cassation a confirmé la condamnation de Dieudonné pour injure raciale envers

Condamnation de Dieudonné pour injure raciale envers les personnes d'origine ou de confession juive

En l’espèce, l'humoriste français Dieudonné, déjà condamné à plusieurs reprises pour des motifs similaires, a été cité à la requête du ministère public devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'injure publique envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou leur non-appartenance à une ethnie, une race ou une religion déterminée.

Pour mémoire, l'article 29, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse définit l'injure comme « toute expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait ».

L'article 33, alinéa 3, de la même loi punit spécialement l'injure commise « envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée » par l'un des moyens visés à l'article 23 de ladite loi soit les « discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics », les « écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l'écrit, de la parole ou de l'image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics », les « placards » ou « affiches exposés au regard du public » ou « tout moyen de communication électronique ».

Concrètement, il était reproché à Dieudonné d’avoir, au cours d'un spectacle s'étant déroulé le 26 décembre 2008, dans la salle du Zénith, à Paris, tenu notamment les propos suivants :

« Vous savez que le Zénith, c'est toujours pour moi une étape assez importante chaque année, alors quand je veux le faire, c'est toujours plus difficile. Je me suis dit : faut que je trouve une idée quand même sur ce Zénith, une idée pour leur glisser une quenelle comme y fallait... Evidemment, je réfléchis, hein ça m'arrive, et donc euh... je me suis inspiré un petit peu de la critique très élogieuse de C..... (inaudible,- huées dans le public) qui décrivait la soirée au Zénith, le spectacle, cette soirée, cette soirée au Zénith comme le plus grand meeting antisémite depuis la dernière guerre mondiale... (...). Alors évidemment, il me laissait une petite marge de progression, parce que je me suis dit, il faut que je fasse mieux cette fois-ci, hein ? ».

 Lesdits propos s’inscrivent dans un sketch consistant à faire monter sur scène un acteur déguisé en déporté juif, revêtu d'un costume rappelant celui des déportés (pyjama et étoile jaune-supportant la mention " juif "- cousue sur la poitrine), pour faire remettre à M. Robert Faurisson, dont les théories consistent à contester l'existence des chambres à gaz et la réalité de la Shoah, " le prix de l'infréquentabilité et de l'insolence ", représenté par un chandelier à trois branches, supportant trois pommes.

Tant le jugement de première instance que les juges d’appel ont considéré que :

« le fait de tourner en dérision, par le biais de la parole, de l'étoile jaune, support du mot " juif ", et de l'emblème du chandelier remis par un " déporté " à un spécialiste des thèses négationnistes, la déportation et l'extermination des juifs par les nazis durant la seconde guerre mondiale constitue à l'égard de l'ensemble des personnes d'origine ou de confession juive un mode d'expression à la fois outrageant et méprisant qui caractérise l'infraction d'injure poursuivie ».

En effet, en se référant à Robert Faurisson qui l'a, dit-il, accusé par le passé d'avoir organisé au Zénith "le plus grand meeting antisémite depuis la dernière guerre mondiale" Dieudonné se donne pour ambition de faire mieux cette fois-ci.

Joignant par deux fois le geste à la parole, remontant sa main droite le long de son bras gauche jusqu'à l'épaule, Dieudonné explique au public qu'il s'agit de "leur glisser une quenelle", une expression imagée évoquant à l'évidence la sodomie : "si ça glisse, c'est plus souple, c'est plus agréable qu'une gifle" a-t-il déclaré devant la cour d'appel.

Dieudonné soutenait dans ses conclusions que son message n'était pas destiné à un groupe de personnes, en l'occurrence, la communauté juive, mais à certains de ses représentants avec lesquels il est en controverse, dont notamment le chroniqueur de l'hebdomadaire "Le Point".

Mais plusieurs éléments de fait contredisent cette affirmation :

- l’annonce de la venue d'une personne "qui va les faire grimper aux rideaux", "un scandale à lui tout seul", "la personne la plus infréquentable de France", précisant que l'intéressé a été "tabassé par le Betar et la LDJ", "des milices sionistes", et qu'il développe "des thèses qui sont les siennes" ;

- l’entrée sur scène de Robert Faurisson notoirement connu pour ses thèses négationnistes qui lui ont valu bon nombre de condamnations et que Dieudonné fait applaudir par le public, la soirée perdant ainsi son caractère de spectacle et présentant, dès lors, les caractéristiques d'un meeting ;

- l’objectif de "faire mieux" en matière d'antisémitisme ;

- donnant à ses propos liminaires tout leur sens et leur portée, Dieudonné fait remettre à Robert Faurisson le "prix de l'insolence et de l'infréquentabilité" par un personnage revêtu d'un pyjama, qualifié "d'habit de lumière" qui rappelle à l'évidence la tenue des déportés, l'étoile jaune portant le mot "juif", cousue sur le vêtement levant toute ambiguïté quant au but poursuivi et à la communauté visée ;

- s'il en était besoin, la remise du prix, un chandelier à trois branches coiffées de trois pommes qui vient caricaturer un symbole de la religion juive, complète le dispositif ;

- le "glissage de quenelle" annoncé au public et qui a pour objectif affiché de faire "mieux" en matière d'antisémitisme prend alors tout son sens : offenser délibérément la mémoire d'un peuple en tournant en dérision, par le biais de la parole, de l'étoile jaune-support du mot " juif "- et de l'emblème du chandelier remis par un " déporté " à un spécialiste des thèses négationnistes, la déportation et l'extermination des juifs par les nazis durant la seconde guerre mondiale, ce qui constitue un mode d'expression à la fois outrageant et méprisant à l'égard de l'ensemble des personnes d'origine ou de confession juive, ce qui caractérise l'injure poursuivie.

Le tribunal correctionnel puis la cour d'appel de Paris ont condamné Dieudonné à 10.000 euros d'amende, à indemniser diverses associations se proposant par leurs statuts de combattre le racisme et qui s'étaient constituées parties civiles et à la diffusion de la décision pour injure publique dans les quotidiens « Le Monde » et « Le Parisien-Aujourd'hui en France ».

La cour de cassation a approuvé la condamnation de l'artiste en soulignant qu’« il appartient aux juges du fond de relever toutes les circonstances extrinsèques qui donnent une portée injurieuse ou diffamatoire à des propos, même si ceux-ci ne présentent pas par eux-mêmes ce caractère, et qui sont de nature à révéler leur véritable sens ».

Par conséquent, les droits à la liberté d'expression et à l'immunité dont devrait bénéficier la création artistique à vocation humoristique ne sont pas sans limites, tout spécialement lorsqu'est en cause le respect de la dignité de la personne humaine, ce qui est le cas en l'espèce lorsque les actes de scène cèdent la place à une manifestation qui ne présente plus le caractère d'un spectacle.

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