La confiance est un élément indispensable aux relations sociales, au bon fonctionnement d’une entreprise ou encore aux relations contractuelles.
Pour la protéger, la loi sanctionne certains abus.
Ainsi, l’article 314-1 du code pénal punit de 3 ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende l’abus de confiance, défini comme « le fait par une personne de détourner, au préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu'elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé. »
Sur le fondement de cet article, la jurisprudence à déjà eu l'occasion de sanctionner des salariés pour abus de confiance.
À titre exemple, un salarié été condamné pour abus de confiance pour avoir utilisé la messagerie ouverte à son nom au sein de la société pour envoyer ou recevoir des courriers se rapportant à des thèmes sexuels et alimentant et consultant, depuis son ordinateur professionnel et aux heures de travail, un site internet à caractère pornographique qu’il avait créé. (Cass. Crim., 19 mai 2004, n° 03-83953).
Dans le même sens, la Cour de cassation a condamné un salarié pour abus de confiance suite à l’utilisation détournée des outils informatiques laissés à sa disposition professionnelle par son employeur, car : « l'intéressée a pu, ainsi, pendant son temps de travail, envoyer et recevoir des messages et des annonces à connotation sexuelle et visiter de nombreux sites sans rapport avec l'activité professionnelle, enregistrer et stocker des images à caractère pornographique, dont certaines la mettent en scène. » (Cass. Crim., 3 octobre 2007, n° 07-82098)
De même, il a été jugé que le fait pour un « directeur d'association, d'employer les salariés de celle-ci pendant leur temps de travail à des fins personnelles, s'analyse comme un détournement de fonds de l'association destinés à rémunérer des prestations ne devant être effectuées que dans son seul intérêt », et justifie sa condamnation pour abus de confiance. (Cass. Crim., 20 octobre 2004, n° 03-86.201)
L’arrêt du 19 juin 2013 s’inscrit dans la même logique que les arrêts précités, en confirmant la condamnation pénale d’un salarié pour abus de confiance.
En l’espèce, un salarié était chargé de réaliser les moulages de prothèses dentaires provisoires pour des patients.
Ces derniers restituaient leurs prothèses provisoires et après avoir obtenu leur prothèse dentaire définitive auprès d'un prothésiste de leur choix.
Or, le salarié était également le gérant et l'associé unique d'une société dont l'unique client était une société de fabrication de prothèses définitives dont un prothésiste libéral était l'associé et le gérant salarié.
Suite à une dénonciation, une enquête a fait apparaitre l’existence d’une entente lucrative entre le prothésiste libéral et le salarié qui incitait les patients à faire réaliser leur prothèse définitive par le prothésiste libéral.
Ce dernier utilisait à cet effet des moulages que le salarié fabriquait pendant ses heures de travail et avec le matériel de son employeur.
En échange de ce service, le salarié recevait une rémunération du prothésiste libéral.
Condamné à une peine d’emprisonnement avec sursis et à une amende pour abus de confiance, le salarié contestait la décision de la cour d’appel en soutenant notamment que le temps qu’un salarié doit consacrer à son emploi n’est pas un bien susceptible de faire l’objet d’un détournement constitutif d’un abus de confiance.
Cependant cette argumentation n’a pas convaincu la Cour de cassation qui a confirmé l’arrêt d’appel en considérant que « l'utilisation, par un salarié, de son temps de travail à des fins autres que celles pour lesquelles il perçoit une rémunération de son employeur constitue un abus de confiance. »
En d’autres termes, le fait pour un salarié d’utiliser son temps de travail pour mener une activité extérieure s'analyse comme un détournement constitutif du délit pénal d'abus de confiance.
L’arrêt commenté présente donc une nouveauté par rapport aux arrêts précités en ce qu’il a justifié la condamnation pour abus de confiance par le détournement, non pas des moyens matériels de l’entreprise, mais du temps de travail.
On pourrait dès lors être tenté de penser que toute utilisation du temps de travail à des fins personnelles est constitutive d’abus de confiance.
Mais, même si l’arrêt use d’une formulation large et générale, la solution est à nuancer, dans la mesure où il semble que tout dépendra de l’utilisation faite du temps de travail, notamment de son caractère lucratif, de la part consacrée à l’activité extérieure et du préjudice causé.
D’ailleurs, la Cour de cassation a déjà jugé qu’un usage privé ponctuel des moyens de l’entreprise n’est pas suffisant pour caractériser un abus de confiance ; il faut que cet usage soit de nature à priver le légitime propriétaire de l’utilisation de son bien ou de le gêner dans l’exercice de ses propres prérogatives. (Cass. Crim., 16 juin 2011, n° 10-83.758)
Il semble donc que tout est question de circonstances de fait, d’où l’intérêt de faire appel en un avocat spécialisé pour être informé sur l’opportunité d’une éventuelle action pour abus de confiance et ses chances de succès.
Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).
PS : Pour une recherche facile et rapide des articles rédigés sur ces thèmes, vous pouvez taper vos "mots clés" dans la barre de recherche du blog en haut à droite, au dessus de la photographie.
Anthony Bem
Avocat à la Cour
27 bd Malesherbes - 75008 Paris
Tel : 01 40 26 25 01
Email : abem@cabinetbem.com