Délai et conditions d’application de la prescription acquisitive immobilière abrégée de 10 ans

Publié le Modifié le 11/02/2022 Vu 213 507 fois 151
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Le délai de la prescription acquisitive immobilière peut être abrégé dans certaines conditions et ramené à 10 ans au lieu de 30 ans.

Le délai de la prescription acquisitive immobilière peut être abrégé dans certaines conditions et ramené

Délai et conditions d’application de la prescription acquisitive immobilière abrégée de 10 ans

La prescription acquisitive constitue une règle originale du droit de propriété.

 

En effet, alors que le droit de propriété a été érigé en droit absolu, le législateur et les juges ont permis qu’il y soit porté atteinte en permettant à des possesseurs d’acquérir des biens immobiliers appartenant à autrui par l’effet de la prescription.

 

La prescription acquisitive ou usucapion est le fait pour le possesseur d’un bien immobilier (appartement, maison, terrain, immeuble, etc ...) d'acquérir juridiquement un droit réel (droit de propriété) sur ce bien, après l'écoulement d'un certain délai durant lequel il s’est comporté comme le propriétaire, sans en avoir le titre.

 

A cet égard, l’article 2272 du Code civil dispose que :

 

« Le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans. Toutefois, celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans. »

Il ressort donc de cet article qu’il existe deux régimes de prescription en matière immobilière :

 

- la prescription acquisitive immobilière de 30 ans (trentenaire) ;

 

- la prescription immobilière abrégée de 10 ans (décennale).

Le possesseur d’un bien immobilier peut bénéficier de la prescription immobilière abrégée de 10 ans s’il est en mesure de prouver :

- « un juste titre » (1)

- et d’être de « bonne foi ». (2)

1. Le possesseur doit disposer d’un « juste titre » :

 

La prescription abrégée intervient dans le cas où un transfert de propriété a été consenti par une personne qui s’est comportée comme le véritable propriétaire mais qui ne l’est pas en réalité.

 

La prescription abrégée est ainsi fondée sur :

 

- un transfert de propriété consenti par celui qui n’est pas le véritable propriétaire (Cass. Civ. III, 30 octobre 1972)

 

- l’existence d’un acte juridique qui aurait transféré à l’acquéreur la propriété de l’immeuble comme s’il avait émané du véritable propriétaire. (Cass. Civ. III, 29 février 1968)

 

Le possesseur du bien immobilier doit donc avoir traité avec une personne non titulaire du droit de propriété.

 

Cependant, il a été jugé que ne constituait pas un juste titre permettant une usucapion abrégée :

 

- Un règlement de copropriété définissant un lot conférant à son titulaire un droit d’usage et de jouissance sur une partie délimitée d’un mur séparatif (emplacement pour affichage) (Cass. Civ. III, 5 octobre 1994) ;

 

- Un état descriptif de division d’un immeuble en copropriété (Cass. Civ. III, 30 avril 2002) ;

 

- Un acte revêtu d’une fausse signature (Cass. Civ. III, 30 novembre 1982).ans cette hypothèse, la jurisprudence fait comme si il y avait eu une véritable transmission du droit de propriété sur le bien immobilier en question.

 

Ainsi, la Cour de cassation a jugé que pour servir de fondement à l’usucapion abrégée, le juste titre doit être translatif de droit réel immobilier, régulier et définitif (Cass. Civ III., 6 novembre 1969), nonobstant la réelle qualité du propriétaire.

 

Par ailleurs, la Cour de cassation a jugé que l’acte de vente, bien que n’ayant pas fait l’objet de publicité foncière, pourra néanmoins servir de fondement à la prescription abrégée (Cass. Civ I., 19 mai 1958).

 

2. Le possesseur doit être de « bonne foi » :

 

Le fait pour le possesseur de posséder le juste titre par lequel le bien lui a été transmis ne suffit pas à lui seul pour qu’il puisse prescrire dans le délai abrégé de dix ans.

 

Encore faut-il qu’au moment de la transmission du bien immobilier il ait eu la conviction sincère de conclure avec le véritable propriétaire.

 

En effet, pour pouvoir bénéficier de la prescription immobilière abrégée de 10 ans, l’acquéreur devenu possesseur devra être de bonne foi.

 

Pour la jurisprudence par exemple, « la bonne foi [...] consiste en la croyance de l’acquéreur, au moment de l’acquisition, de tenir la chose du véritable propriétaire ». (Cass. Civ.III, 15 juin 2005, n° 03-17.478)

 

A contrario, l’acquéreur de mauvaise foi ne pourra bénéficier que de la prescription trentenaire (30 ans).

 

Le possesseur est considéré comme étant de mauvaise foi dès lors qu’il occupe les lieux en sachant qu’il n’est pas le titulaire du droit qu’il exerce.

 

Ainsi, la bonne foi permet de gagner du temps sur le délai de la prescription acquisitive du bien immobilier en permettant au possesseur de n’attendre qu’un délai de 10 ans au lieu de 30 ans pour acquérir ledit bien.

 

Enfin, à propos de la preuve de la bonne foi, la situation du possesseur du bien immobilier est facilitée puisqu’il bénéficie d’une véritable protection.

 

En effet, conformément à l’article 2274 du Code civil, la bonne foi est présumée.

 

Par conséquent, la charge de la preuve quant à l’éventuelle mauvaise foi du possesseur pèse sur son adversaire, laquelle preuve pourra être faite par tous moyens conformément aux règles de droit commun.

Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).

Anthony Bem
Avocat à la Cour
27 bd Malesherbes - 75008 Paris

01 40 26 25 01
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1 Publié par Visiteur
20/03/2015 13:54

Bonjour,
Merci pour ce billet.
Cependant, pourriez-vous faire comme si je ne savait pas ce qu'est la bonne foi dont vous faites mention? Comment obtenir le jute titre? Admettons que nous soyons des néophytes (=des novices, en sommes!!!).
Merci pour votre compréhension.

2 Publié par Visiteur
02/07/2015 10:56

Bonjour,
Nous avons acheté un immeuble avec un cour. Notre voisin possède également une cour derrière son immeuble. Les 2 cours sont séparées par un vieux grillage qui doit être là depuis 50 ans. Nous voulons remplacer ce vieux grillage par un nouveau. Cependant, le voisin nous dit que le grillage n'est pas à la bonne place. Après vérification avec la mairie, il a raison. Cependant, est-ce que l'on peux faire valoir la prescription acquisitive?

3 Publié par Maitre Anthony Bem
02/07/2015 12:41

Bonjour Christelle,

La prescription acquisitive ne se cède pas avec le bien et est personnelle.

Sans connaître précisément votre situation, il ne me semble pas qu'elle soit susceptible de s'appliquer dans votre cas.

Merci de me contacter en privé si vous souhaitez une consultation.

Cordialement.

4 Publié par Visiteur
26/08/2015 19:56

Bonjour,

j'entretiens un terrain depuis quinze ans, j ai fais des demandes pour acquérir le terrain, mais le notaire me signal qu'il y à une trentaines d'héritiers et que personnes se soient d'accord sur le règlement de la succession.
qu'elle est mon recours pour m'approprier ce terrain légalement.

merci par avance de vos conseils

très cordialement

Lionel

5 Publié par Maitre Anthony Bem
26/08/2015 20:23

Bonjour Lionel,

Il vous faut introduire une procédure judiciaire afin de faire constater l'acquisition de la prescription acquisitive.

Je vous invite à prendre attache auprès d'un avocat afin de rédiger l'assignation et entamer la procédure.

Cordialement.

6 Publié par Visiteur
25/09/2015 21:42

bonjour
je sui dans un pavillon depuis 1997
le proprietaire est décédé depuis 1999 ou 2000
aucun n'héritier nous sommes depuis dedans et payons toutes facture edf eau impôt etcc
que puis je faire dans ce cas?
cdlt

7 Publié par Maitre Anthony Bem
25/09/2015 21:50

Bonjour shuri,

Il vous faut attendre l'expiration du délai de la prescription acquisitve de 30 ans et faire une procédure aux fins de faire constater l'usucapion par voie de justice en justifiant la possession du bien pendant ce laps de temps et disposer un titre de propriété le cas échéant.

L'intervention d’un avocat étant obligatoire pour ce type de procédure, je vous recommande donc le moment venu de prendre attache idéalement avec un avocat au fait avec ce type d'action judiciaire.

Cordialement.

8 Publié par Visiteur
15/10/2015 17:13

Bonjour,

je suis président d'une association syndicale libre qui gere les espaces communs de notre ensemble immobilier depuis sa réalisation. Or dans le cadre d'un processus de retrocession des voies à la commune, nous nous apercevons que notre ASL n'est pas propriétaires des espaces communs. ils sont en réalité propriétés du constructeur qui aujourd'hui n'a plus d'existence juridique. le transfert des espaces communs à l'ASL étaient prévus dans notre cahier des charges. Pouvons nous faire valoir la prescription acquisitive et dans l'affirmative comment se fait elle "pratiquement"?

Merci

9 Publié par Visiteur
24/10/2015 18:00

Bonjour Maître,

Dans notre copropriété, un copropriétaire a bâti une verrière à la place d'un endroit décrit comme une courette par le règlement et une autre a annexé un fond de couloir pour rejoindre 3 lots.

Ils se prévalent tous deux de la prescription acquisitive de 30 ans. Ne sont-ils pas obligés de fournir des preuves de l'existence de leurs installations depuis plus de 30 ans? Quels types de preuves peuvent être recevables en l'espèce?

Enfin des toilettes communes ont été annexées officiellement à un lot par un notaire en 1980 en prétextant qu'il y avait une "erreur" dans un règlement de copropriété datant de 1949. Dans ce règlement, ces toilettes desservaient 3 lots. Leur existence était donc parfaitement justifiée et il ne pouvait nullement s'agir d'une erreur. Y a-t-il un recours possible?

Bien cordialement,

10 Publié par Maitre Anthony Bem
24/10/2015 19:01

Bonjour jm l,

En effet, si le délai de 30 ans est écoulé, vous pouvez bénéficier de la prescription acquisitive.

Il vous faut introduire une procédure devant le tribunal de grande instance du lieu de situation du bien.

L'intervention d'un avocat est obligatoire pour ce type de procédure.

Cordialement.

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