Dans une circulaire du 12 janvier 2015, la ministre de la Justice Christiane Taubira a demandé aux procureurs de la République de « faire preuve d'une extrême réactivité dans la conduite de l'action publique envers les auteurs » d'apologie du terrorisme, de propos racistes ou antisémites.
Pour mémoire, le délit d’apologie du terrorisme, au même titre que le délit de provocation à la commission d’actes terroristes, était initialement puni d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende sur le fondement de l’article 24 alinéa 6 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
Ainsi, cette infraction appartenait uniquement à la catégorie des délits commis par la voie de presse.
Il en résultait que la poursuite de cette infraction se trouvait enfermée dans un délai d’action de trois mois tel que prévu par les règles spécifiques de prescription en matière de presse.
De plus, ce fondement sur la loi de la presse ne permettait pas de placer l’auteur présumé de l’infraction en détention provisoire pour les nécessités de l’enquête, empêchant ainsi une application des règles de procédure pénale.
Au vu de ces restrictions procédurales, la loi n°2012-1432 du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme a marqué son importance en portant le délai de prescription à un an (art. 65-3 de la loi de 1881) et en autorisant le placement en détention provisoire.
Par la suite, la loi n°2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme a créé l’article 421-2-5 du code pénal incriminant les délits de provocation à la commission d’actes terroristes et d’apologie du terrorisme.
Ainsi, les délits de presse de provocation à la commission d’actes terroristes et d’apologie du terrorisme sont désormais intégrés au code pénal.
L’article 421-2-5 du code pénal prévoit aussi de nouvelles sanctions plus répressives et l’aspect internet en ce qu’il dispose que :
« Le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l'apologie de ces actes est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende.
Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 € d'amende lorsque les faits ont été commis en utilisant un service de communication au public en ligne. (...) ».
Ce faisant, certaines règles de procédure pénale sont désormais applicables aux auteurs présumés de ces délits, tels que :
- le délai de prescription d’action publique de trois ans prévu pour les délits ;
- les actes d’enquête tels que les écoutes téléphoniques, l’infiltration, la surveillance, la sonorisation et la captation d’images, les mesures conservatoires sur les biens saisis et la captation de données informatiques ;
- les actes de l’instruction tels que le contrôle judiciaire, l’assignation à résidence avec surveillance électronique, la détention provisoire ;
- la compétence universelle du tribunal de grande instance de Paris ;
- la saisine rapide des juridictions de jugement telles que :
- la comparution immédiate permettant de juger le prévenu sur-le-champ ;
- la convocation sur reconnaissance préalable de culpabilité permettant au procureur de la République de proposer au prévenu d’exécuter une peine directement sans procès et sous certaines conditions.
A titre d’exemple, le 14 janvier 2015, Dieudonné a été placé en garde à vue après avoir publié sur Facebook, le 11 janvier 2015 « je me sens Charlie Coulibaly », étant le nom de l’auteur du meurtre d’une policière à Montrouge le 8 janvier et de l’assassinat de quatre juifs lors de la prise d’otages dans un hypermarché casher porte de Vincennes à Paris le 9 janvier.
Déjà, en août 2014, Dieudonné avait publié une vidéo intitulée «Feu Foley» revenant sur la décapitation du journaliste américain James Foley par les djihadistes de l’Etat islamique.
A cet égard, le parquet de Paris a convoqué Dieudonné devant le tribunal correctionnel de Paris afin d’être jugé pour apologie du terrorisme.
A nouveau la liberté d’expression se trouve au cœur du débat médiatique et s’annonce être le fondement de la défense de Dieudonné.
Or, il est important de garder en mémoire que la liberté d’expression n’est pas absolue.
En effet, la liberté d’expression ne peut pas être invoquée pour justifier des propos incitant à la haine raciale ou des faits d’apologie de crimes ou de tout acte terroriste expressément incriminés par la loi pénale.
C’est d’ailleurs ce que la Cour de cassation et le Conseil d’Etat ont mis en évidence pour condamner l’humoriste français pour injure raciale envers les personnes d'origine ou de confession juive (Cass. Crim., 16 octobre 2012, N°11-82866) et interdire son spectacle pour risques sérieux d'atteintes à la dignité humaine par le Conseil d’Etat (Ministre de l'Intérieur c/ Société Les Productions de la Plume et M. Dieudonné M'Bala M'Bala, 9 janvier 2014, n° 374508).
En l’espèce, il s’agit de juger l’auteur présumé de l’infraction pénale d’apologie du terrorisme telle que définie et sanctionnée par l’article 421-2-5 du code pénal.
Pour cela, il convient de rappeler les motifs du projet de loi renforçant la prévention et la répression du terrorisme à l’origine de ce texte aux termes desquels le gouvernement avait bien précisé qu’« il ne s'agit pas en l'espèce de réprimer des abus de la liberté d'expression, mais de sanctionner des faits qui sont directement à l'origine des actes terroristes ».
Autrement dit, les dispositions de l’article 421-2-5 du code pénal répriment exclusivement l’apologie des actes terroristes et n’ont pas pour objet de sanctionner les abus de la liberté d’expression.
Il s’agit donc, au travers de ces dispositions, de renforcer l’arsenal juridique existant pour lutter contre le terrorisme et non de menacer les libertés fondamentales d’expression et d’opinion consacrées aux articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
La garde des Sceaux indique que plus de cinquante procédures judiciaires pour apologie du terrorisme et menaces d'actions terroristes ont été ouvertes.
Plusieurs condamnations viennent d’être prononcées sur le fondement de l’article 421-2-5 du code pénal :
- dix mois de prison ferme pour avoir crié dans un transport public : « Les frères Kouachi, c'est que le début, j'aurais dû être avec eux pour tuer plus de monde » ;
- dix mois de prison ferme pour avoir riposté à l’encontre des policiers lors d’un contrôle routier : « On va tous vous niquer à la kalachnikov » et « je vais venir au commissariat pour faire comme à Paris » ;
- trois mois de prison ferme pour avoir crié sur la voie publique : « Je nique les Français, je suis propalestinien, je veux faire le djihad et vous tuer à la kalach' sales juifs ».
Il conviendrait que cet arsenal pénal s’applique aussi sur internet puisque le droit permet de faire place nette sur le net.
L’Europe doit également se doter d’instruments transnationaux et développer des outils communs, à l’échelle du continent, pour lutter contre les organisations et individus qui font de la haine d’autrui le moteur de leur vie, que ce soit au travers de propos antisémites, racistes ou de propos xénophobes diffusés sur la toile.
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Anthony Bem
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