Droit à l’oubli : Google condamné à la désindexation de nom et prénom de son moteur de recherche

Publié le Modifié le 09/04/2012 Vu 8 602 fois 0
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Le 15 février 2012, le Président du Tribunal de grande instance de Paris a rendu une Ordonnance de référé aux termes de laquelle il a condamné Google à procéder à la désindexation du nom patronymique et du prénom de Madame Diana Z. en lien avec des sites à caractère pornographique sur les moteurs de recherche Google, et à communiquer à Madame Diana Z. l’ensemble des données relatives à l’adresse électronique de l’éditeur du site à sa disposition concernant le compte de la messagerie électronique créé par ce dernier sur Gmail, outre le paiement d’une provision à valoir sur l’indemnisation du préjudice subi (Tribunal de grande instance de Paris, Ord. Réf., 15 février 2012, Diana Z. / Google)

Le 15 février 2012, le Président du Tribunal de grande instance de Paris a rendu une Ordonnance de référé

Droit à l’oubli : Google condamné à la désindexation de nom et prénom de son moteur de recherche

En l’espèce, Madame Diana Z. a tourné par le passé des scènes pornographiques sous le pseudonyme "Lilith".

Elle est depuis devenue assistante juridique.

Or, elle a découvert que l’association de son nom patronymique et de son prénom à des sites pornographiques lui fait grief ainsi que la diffusion de la vidéo pornographique "Anthraxia et Lilith se font défoncer" qui la met en scène sous son vrai nom lui porte préjudice dès lors qu’il suffit de taper dans le moteur de recherche Google son prénom et son nom associés à d’autres mots comme Iilith pour qu’apparaissent de nombreux résultats renvoyant à des sites et/ou directement ou indirectement à la vidéo pornographique litigieuse dont le site www.sexejoursursexe.com.

Les démarches qu’elle a entreprises auprès du producteur du film, de l’hébergeur du site ainsi que de l’éditeur du site ont été vaines.

L’éditeur du site www.sexejoursursexe.com dont les coordonnées ont été obtenues en exécution d’une ordonnance sur requête n’a lui même fait aucune diligence renvoyant Madame Z. à saisir Google de la difficulté.

Celle-ci a demandé à la société de droit américain Google Inc. de déréférencer l’ensemble des liens litigieux du site internet www.sexejoursursexe.com sur son moteur de recherche puis a constaté la multiplication des sites à caractère pornographique référencés en liens avec ses nom et prénom.

Face à l’inertie qui lui a été opposée et notamment au refus de la société Google Inc. de procéder à toute désindexation, Madame Z. a saisi le juge des référés aux fins de mettre un terme au trouble manifestement illicite qu’elle subit et d’obtenir une provision sur dommages et intérêts ainsi que communication des données relatives à l’adresse électronique de l’éditeur du site auprès de Gmail.

Cette décision est intéressante eu égard à la condamnation de Google à la "désindexation" des pages litigieuses sous astreinte sur le fondement du droit à l’oubli (I) et à la communication de tous éléments d’identification et de domiciliation de l’éditeur su site internet litigieux dans la perspective d’une action en responsabilité contre lui (II).

I - Condamnation de Google à la désindexation des pages litigieuses sous astreinte sur le fondement du droit à l’oubli

La société Google Inc. prétendait qu’en tant que moteur de recherche, elle ne gère pas le contenu des sites et que sa responsabilité ne peut être engagée.

Le Président du tribunal de grande instance de Paris a jugé que :

« si Madame Z. lorsqu’elle a tourné ce film, a accepté nécessairement une certaine distribution même si ensuite elle n’a pas a priori consenti à sa numérisation et à sa diffusion sur internet et si cette vidéo ne révèle pas en elle-même des scènes de sa vie privée, il n’en demeure pas mois que ce film témoigne à une époque donnée de la vie de la jeune femme laquelle entend bénéficier du droit à l’oubli ;

Qu’au vu de ce qui précède, l’atteinte au respect du droit à la vie privée de Madame Diana Z. est manifeste ».

Le président du tribunal de grande instance de Paris a rappelé le régime de responsabilité applicable à Google et posé par la loi du 21 juin 2004 selon lequel :

Article 6-I-2 : « les personnes physiques ou morales qui assurent, même à litre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible ».

Article 6-I-5 : « la connaissance des faits litigieux est présumée acquise après notification notamment de la date, la description des faits litigieux et leur localisation précise, les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des justifications de faits ainsi que la copie de la correspondance adressée à l’auteur ou à l’éditeur des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l’auteur ou l’éditeur n’a pu être contacté ».

Or, Madame Diana Z. a adressé une demande à la société Google Inc. de procéder au retrait de tous les résultats pouvant apparaître sur ses moteurs de recherche mettant en lien le nom patronymique et le prénom de Madame Z. avec des sites pornographiques.

La société Google Inc. a répondu qu’elle ne gère pas le contenu des pages qui sont publiées et l’a invitée à s’adresser directement à l’administrateur du site.

Selon le Président du tribunal de grande instance de Paris :

« En ne procédant pas à la mesure de déférencement sollicitée, la société Google participe au trouble manifestement illicite causé à la demanderesse qu’il convient de faire cesser ;

que par suite, il y a lieu d’ordonner la désindexation du nom patronymique et du prénom de Madame Diana Z. en lien avec les sites à caractère ou tendance pornographique sur les moteurs de recherche Google accessibles aux adresses www.google.com et www.google.fr,

c’est-à-dire, de supprimer de ces moteurs de recherche tous résultats (titre descriptif, adresse URL) apparaissant à la suite des requêtes effectuées avec les termes « diana z. » et « diana z. et lilith » sur lesdits moteurs de recherche renvoyant directement ou indirectement aux sites à caractère ou tendance pornographique identifiés aux adresses URL énumérées dans l’acte introductif d’instance et reprises dans le dispositif de la présente ordonnance et ce sous astreinte ».

Aux termes de cette ordonnance de référé, le Président du tribunal de grande instance de Paris confirme la prise de conscience de l'importance de la réputation en ligne et du référencement négatifs de contenus négatifs avec des noms et prénoms de personnes sur internet.

Chacun pourra donc se prévaloir de son droit à l'oubli afin d'obtenir de Google la désindexation de ses noms et prénoms de contenus susceptibles de porter atteinte à sa réputation en ligne, au besoin par la voie judiciaire.

II – Condamnation de Google à la communication de tous éléments d’identification et de domiciliation de l’éditeur su site internet litigieux dans la perspective d’une action en responsabilité contre lui

L’article 145 du code de procédure civile dispose que s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

En l’espèce, le premier site à avoir référencé le nom patronymique et le prénom de Madame Diana Z. est le site www.sexejoursursexe.com dont la domiciliation est inconnue.

Toutefois, l’éditeur de ce site, à l’encontre duquel aucune instance n’a été encore engagée, dispose d’un compte "Gmail", service de messagerie en ligne géré par la société Google ;

Selon le Président du tribunal de grande instance de Paris, Madame Z. justifie d’un motif légitime d’obtenir tous éléments d’identification et de domiciliation de l’éditeur dans la perspective d’une action en responsabilité contre lui.

Ainsi, il a ordonné « à la société Google Inc. de communiquer à Madame Diana Z. l’ensemble des informations à sa disposition concernant le compte magicfilou@gmaiI.com permettant d’identifier sa domiciliation, soit plus particulièrement son adresse ou ses IP de connexion dans les huit jours de la signification de la présente ordonnance et, passé ce délai, sous astreinte de 1000 € par jour de retard ».

Cette décision est importante pour trois raisons :

- Elle consacre expressément et pour la première fois en jurisprudence un droit à l’oubli sur internet, en permettant à chacun de faire supprimer des contenus susceptibles de porter atteinte à sa vie privée ou professionnelle telles que des vidéos personnelles ou de désindexer des résultats de recherche de Google obtenus avec une requête internet sur ses nom et prénom.

- Elle condamne Google en qualité d’hébergeur de contenus illicites au titre du refus de déréférencement de son moteur de recherche des photographies ou de vidéos privées mais à caractère pornographiques.

- Elle ordonne à Google de communiquer sous astreinte toutes informations à sa disposition concernant le compte de messagerie Gmail de l’éditeur d’un site internet afin de permettre d’identifier sa domiciliation et de le poursuivre ultérieurement en justice.

Cette décision marque donc une évolution en matière de respect de la réputation des personnes sur Internet et de la responsabilité des moteurs de recherche pour défaut de desindexation de résultats illicites.

Je suis à votre disposition pour toute information ou action.

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Anthony Bem
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