La pratique du cautionnement, qui consiste pour une personne à s’engager à rembourser la dette d’un débiteur principal en cas de carence de sa part est particulièrement répandue dans la vie des affaires.
En effet, il est fréquent qu'un dirigeant se porte caution envers une société de crédit ou une banque du remboursement des dettes de l’entreprise qu'il dirige.
Dans ce cas, le cautionnement souscrit par le dirigeant en garantie des dettes de la société qu’il dirige l’engage à titre personnel, de sorte qu’il peut être appelé à payer la dette de sa société lorsque celle-ci est défaillante.
Toutefois, le dirigeant appelé en paiement en sa qualité de caution peut notamment se prévaloir de changements affectant sa situation personnelle, celle de la société cautionnée ou celle du créancier pour tenter d’échapper aux poursuites du créancier.
La question qui se pose est de savoir dans quelles conditions le dirigeant-caution poursuivi en paiement peut se prévaloir de changements dans sa situation personnelle, dans celle de la société ou encore dans la situation du créancier.
D’abord, s’agissant de l’hypothèse dans laquelle le dirigeant invoque des changements relatifs à sa situation personnelle, force est de constater qu’en principe de tels changements ne mettent pas fin au cautionnement.
Ce n’est que si la qualité d'associé ou de dirigeant de la société a constitué une condition déterminante du cautionnement que le dirigeant-caution pourra se prévaloir de changements relatifs à sa situation personnelle, tels que la cessation de ses fonctions (révocation ou démission par exemple) ou la cession de ses parts sociales.
En effet, selon une jurisprudence constante, « la cessation des fonctions de gérant de la société cautionnée n'emporte pas, à elle seule, la libération de la caution, sauf si celle-ci a fait de ces fonctions la condition déterminante de son engagement. » (Cass. Com., 28 mai 2002, n° 98-22281)
En d’autres termes, dans le cas où une clause du cautionnement prévoit que la caution fait de sa qualité de dirigeant ou d’associé la condition déterminante de son engagement, la caution pourra alors échapper aux poursuites du créancier en se prévalant de la cessation de ses fonctions de dirigeant ou de la perte de sa qualité d’associé par la cession de ses parts sociales par exemple.
Dans une telle situation, la caution reste néanmoins tenue des dettes contractées antérieurement à son départ de la société et n’est libérée que pour l’avenir, c’est-à-dire pour les dettes nées postérieurement.
Par ailleurs, s’agissant de l’hypothèse dans laquelle la caution invoque des changements affectant la situation de la société cautionnée pour tenter de limiter ou d’anéantir son engagement, il convient d’envisager plusieurs cas de figure.
Le premier cas est celui dans lequel la société cautionnée fusionne avec une autre société.
En principe, lorsque deux sociétés fusionnent, l'ensemble des éléments d'actif et de passif de la société absorbée est transmis à la société absorbante.
Mais dans le cadre d’un cautionnement souscrit au profit de l’une des sociétés fusionnantes, tout dépendra du fait que la société cautionnée est l’absorbée ou l’absorbante.
Si la société cautionnée est l’absorbée, alors le dirigeant-caution ne sera tenu que des dettes nées avant l’opération de fusion, et sera donc libéré de son engagement pour toutes les dettes nées postérieurement, sauf manifestation expresse de volonté de sa part de maintenir son engagement envers la société absorbante.
Par contre, si la société cautionnée est l’absorbante, le cautionnement continuera à produire ses effets, de sorte que le dirigeant-caution ne pourra pas invoquer l’opération de fusion pour échapper aux poursuites du créancier, car il n’y a pas disparition de la société cautionnée.
Le second cas de figure est celui dans lequel la société cautionnée a fait l’objet d’une procédure amiable (mandat ad hoc ou conciliation) ou collective (procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire).
A cet égard, dans le cadre d’un mandat ad hoc, la caution poursuivie en paiement pourra se prévaloir des remises ou délais accordés par le créancier au débiteur. (Cass. Com., du 5 mai 2004, n°01-03873)
De même, en cas de procédure de conciliation, la caution peut bénéficier des avantages que le créancier aura éventuellement consentis au débiteur, tels que les remises ou délais accordés en vertu de l’accord homologué ou constaté.
En outre, dans le cadre d’une procédure de sauvegarde à l’encontre de la société cautionnée, la caution, personne physique, ne peut être poursuivie en paiement pendant la période d’observation jusqu'au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation.
Etant donné que la durée d’un plan de sauvegarde peut aller jusqu’à 10 ans (15 ans pour les agriculteurs), le dirigeant-caution peut espérer une certaine ‘’tranquillité’’ le temps que le plan soit arrêté.
L’ouverture d’une procédure de sauvegarde à l’égard de la société cautionnée permet également à la caution de se prévaloir de l’arrêt du cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que de tous intérêts de retard et majorations.
Cependant, cette règle de l’arrêt du cours des intérêts ne concerne pas les intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d'un paiement différé d'un an ou plus. (article L622-28 du code de commerce)
Enfin, en cas d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société cautionnée, le dirigeant-caution reste à l’abri des poursuites du créancier jusqu’au jugement arrêtant le plan de redressement.
Pour conclure, il convient de garder en mémoire qu’avec l’aide d’un avocat spécialisé en droit bancaire, et sous certaines conditions, le dirigeant-caution poursuivi en paiement peut invoquer des changements relatifs à sa situation personnelle ou à celle de la société cautionnée, et parfois à la situation du créancier, pour limiter ou annuler son cautionnement.
NB : Afin d'approfondir le sujet des moyens de défense dont disposent les cautions poursuivies en paiement par la banque, je vous invite à lire mon article publié ICI.
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Anthony Bem
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