Les employeurs ont-ils le droit d'espionner leurs salariés notamment sur internet ?

Publié le Modifié le 09/04/2012 Vu 23 086 fois 0
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Alors qu'a priori rien ne choque lorsqu'on affirme que les salariés ont le droit d'enquêter sur leurs supérieurs hiérarchiques et leurs employeurs, il semble illicite que ces derniers puissent enquêter sur leurs employés notamment grâce à internet.

Alors qu'a priori rien ne choque lorsqu'on affirme que les salariés ont le droit d'enquêter sur leurs supér

Les employeurs ont-ils le droit d'espionner leurs salariés notamment sur internet ?

Internet a révolutionné les relations humaines et commence aussi à modifier le mode de fonctionnement des ressources humaines.

Les ressources humaines utilisent des méthodes de recrutement du personnel au travers de services dédiés en interne ou de sociétés de recrutement externes.

Une évolution apparaît peu à peu : l'utilisation du numérique et de l'internet par les employeurs aux fins de maîtrise, de contrôle, de gestion ou de sanction de leur personnel.

Une rumeur circule en France selon laquelle les sociétés Ikea et Euro Disney seraient suspectées d'avoir enquêté sur des employés ou des candidats à l'embauche.

Cependant, contrairement à ce qui se dit sur des sites internet sérieux comme celui de L'Express, le droit du travail n'interdit pas à l'employeur de se renseigner sur un salarié ni de l'espionner à son insu sur internet.

Si l'employeur a le droit d’espionner ses salariés, seul l'emploi de procédés clandestins de surveillance est illicite.

La jurisprudence est constante :

- « L'employeur a le droit de contrôler et de surveiller l'activité de ses salariés pendant le temps de travail » (Cass. Soc., 20 novembre 1991)

- « la simple surveillance d'un salarié faite sur les lieux du travail par son supérieur hiérarchique, même en l'absence d'information préalable du salarié, ne constitue pas en soi un mode de preuve illicite » (Cass. Soc., 26 avril 2006)

La seule limite légale à ce droit d'espionner est posée à l'article 9 du Code civil qui protège le droit au respect de la vie privée.

Or, si la vie extra-professionnelle relève, en principe, de la vie privée, les propos publics et les traces laissées par chacun sur le net ne peuvent être considérés comme privés et sont donc publics.

C’est d'ailleurs au travers de cette dichotomie entre ce qui relève du public ou du privé que les emails ou documents des salariés présents sur leur poste de travail sont présumés être des documents de nature professionnelle, publics donc accessibles à l'employeur.

Ainsi, l'employeur peut consulter librement sur l'ordinateur professionnel du salarié :

- les connexions internet ;

- la liste des favoris ou de l'historique enregistrés (Cass. Soc., 9 février 2010) ;

- les fichiers créés par le salarié (Cass. Soc., 15 décembre 2009) ;

- les courriers électroniques envoyés ou reçus (Cass. Soc., 30 mai 2007) ;

Ou encore :

- les relevés d'appel entrants et sortants (Cass. Soc., 15 mai 2001) ;

- les SMS (Cass. Soc., 23 mai 2007).

La jurisprudence conditionne néanmoins le libre accès des employeurs à ces fichiers à ce qu'ils ne soient pas identifiés expressément comme « personnel » par leurs salariés, dans le titre, le nom du fichier ou l'objet du courriel.

Par ailleurs, la jurisprudence a eu l'occasion d'invalider la recevabilité des preuves produites aux débats provenant de procédés de surveillance tels que :

- les appareils de géolocalisation de type GPS, car disproportionnés au but recherché (Cour d'Appel d'Agen, 3 août 2005) ;

- les caméras de surveillance, lorsque le comité d'entreprise n'a pas été consulté préalablement (Cour d'Appel de Lyon, 12 octobre 2007) ;

- le système de badges géré par des moyens automatisés et permettant d'identifier les salariés à leur entrée et à leur sortie des locaux de l'entreprise, du fait de l'absence de déclaration auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés d'un traitement automatisé d'informations nominatives par l'employeur (Cass. Soc., 6 avril 2004) ;

- les écoutes téléphoniques ou l'enregistrement d'une conversation entre un salarié et un client à défaut d'information préalable du salarié (Cass. Soc., 16 décembre 2008) ;

- le recours à une société de surveillance en l'absence d'information préalable des salariés (Cass. Soc., 15 mai 2001) ;

- les stratagèmes destinés à piéger un salarié pour établir qu'il travail pendant un arrêt de travail et en l'absence d'information du salarié (Cass. Soc., 18 mars 2008).

S’agissant de l’internet, deux situations doivent être distinguées :

Le candidat à un poste de travail ne saura quasiment jamais que le poste qu'il convoitait ne lui a pas été donné du fait des informations personnelles obtenues par son employeur sur la Toile. A défaut et selon les situations, une discrimination à l’embauche pourrait être reprochée ;

Un salarié peut avoir à répondre des contenus le concernant et diffusés sur internet. Mais, le cas échéant, l’employeur ne pourra fonder une sanction sur ces seuls éléments sauf s’il s’agit d’atteintes à l’honneur ou à la réputation dont la preuve est valablement rapportée.

En tout état de cause, internet ouvre de nouveaux horizons aux ressources humaines et risque d’être utilisé de plus en plus dans le cadre des relations de travail ou pour licencier du personnel.

Je suis à votre disposition pour toute information ou action.

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Anthony Bem
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