Aux termes d’une ordonnance de référé rendue le 13 avril 2010, dans une affaire opposant Monsieur Giraud, l’évêque de Soissons Laon et Saint-Quentin, à la société FACEBOOK, le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris, a jugé que :
« En l’état du dossier et en l’absence de toute explication fournie en défense [par Facebook], il sera constaté que la publication sur le site litigieux de la photographie du demandeur [l’évêque], sans son consentement et en dehors de tout fait d’actualité relevant d’une information légitime du public, porte atteinte à son droit à l’image.
De même, les commentaires poursuivis présentent un caractère soit injurieux, soit susceptible de provoquer à la haine ou à la violence, ces contenus apparaissant ainsi manifestement illicites.
…Il doit être rappelé que, conformément à l’article 9 du code civil, toute personne, quelle que soit sa notoriété, dispose sur son image, attribut de sa personnalité, et sur l’utilisation qui en est faite d’un droit exclusif, qui lui permet de s’opposer à sa diffusion sans son autorisation,
Il sera donc ordonné la communication des données de nature à permettre l’identification des auteurs des mises en ligne litigieuses ».
En effet, l’évêque s’est plaint de la diffusion de son image sur la page Facebook intitulée “courir nu dans une église en poursuivant l’évêque “ ainsi que de la mise en ligne de divers commentaires à son sujet.
En effet, la page litigieuse, permettait à d’autres membres du site internet Facebook de s’y inscrire en tant que « fans » et, surtout, de poster des commentaires dont l’un d’eux invitait à montrer à l’évêque une « vidéo de Michael Jackson avec des enfants pour le rendre jaloux » et d’autres incitaient à la violence sur fond de rumeur de « pédophilie ecclésiastique ».
Ainsi, par lettre recommandée avec avis de réception des 9 mars et 14 avril 2010, l’évêque avait adressé à la société une notification de contenu illicite tendant à obtenir la suppression d’images et propos litigieux.
En substance, voici les termes de la décision sont :
« Ordonnons, sous astreinte de 500 € par jour de retard, passé le délai de 8 jours à compter de la signification de la présente décision, le retrait de la photographie d’Hervé G. figurant sur la page Facebook intitulée “courir nu clans une église en poursuivant l‘évêque “,
. Ordonnons, sous la même astreinte, la communication des données de nature à permettre l’identification du créateur de cette page disponible à l’adresse URL suivante : …
. Ordonnons, sous astreinte de 500 € jour de retard, passé le délai de 8 jours à compter de la signification de la présente décision, le retrait des propos suivants, ainsi que le déréférencement de la page et l’interdiction de diffusion ultérieure de ces propos :
propos ayant été diffusés sur le fil de discussion intitulé « Courir nu clans une église en poursuivant l’Evêque Qu’est-ce qu’on en fait une fois qu’on l’a attrapé ? » …
. Ordonnons, sous la même astreinte, la communication des données de nature à permettre l’identification des auteurs de ces propos …
. Condamnons la société Facebook France à payer à Hervé G. la somme de 2000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, incluant les frais de constat,
. La condamnons aux dépens ».
Aussitôt Facebook a supprimé les contenus litigieux de son site Internet mais un internaute inconscient des risques judiciaires encourus a créé un nouveau groupe avec le même intitulé : « courir nu dans une église en poursuivant l’évêque ».
Or afin de remédier à ces risques de récidives, de manière préventive, il aurait pu être obtenu du juge qu’il ordonne à la société hébergeur de mettre en place une adresse de messagerie électronique (« boite mail ») spécifique afin que la victime puisse communiquer directement avec elle et ainsi puisse exercer une veille préventive.
De plus, il convient de rappeler que la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a condamné la société Tiscali, a priori juridiquement hébergeur de contenus comme Facebook, en jugeant qu’elle ne se limite pas à une simple prestation technique, mais « propose aux internautes de créer leur page personnelle à partir de son propre site (…) » et qu’ « elle exploite commercialement son site puisqu’elle propose aux annonceurs de mettre en place des espaces publicitaires payants directement sur les pages personnelles » et donc qu’elle a la qualité juridique d’éditeur des contenus (Cass 1ère Civ, 14 janvier 2010).
Il n’est donc pas à exclure que si l’évêque continuait sa procédure, mais cette fois-ci sur le fond de l’affaire, les juges condamnent la société Facebook en qualité d’éditeur ne serait-ce qu’en raison du fait qu’elle n’a pas procédé au retrait des pages et contenus litigieux de son site Internet malgré deux notifications amiables l’y invitant.
Enfin, il est particulièrement de constater qu’au travers de cette décision, la société Facebook France a cru pouvoir se cacher derrière un paravent procédural.
La société Facebook éditrice du site a son siège social aux Etats Unis. C’est donc la société américaine et non la société Facebook France qui, à priori, aurait du être assignée devant le juge parisien.
Cependant, la société Facebook en France n’est qu’une succursale de la société Facebook anglaise, qui n’aurait, selon Facebook, qu’une activité de publicité et non d’édition de site internet, et donc qui n’aurait aucun lien avec la société éditrice du site internet Facebook.
Cela suppose donc concrètement qu’un français doivent assigner aux Etats Unis la société Facebook pour tout litige sur ses pages, avec pour conséquences des frais d’assignation à l’étranger et de traduction mais aussi des formalités diplomatiques pas toujours évidentes pour les professionnels eux-mêmes.
Ce montage juridique intelligent ne doit pas permettre à Facebook que la justice soit rendue rapidement, à moindre frais et efficacement.
Ainsi, bien qu’incomplète, l’ordonnance de référé rendue le 13 avril 2010 par le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris est à saluer avec vivacité au nom d’une bonne administration de la justice et du respect des droits de la personne.
Je suis à votre disposition pour toute information ou action.
PS : Pour une recherche facile et rapide des articles rédigés sur ces thèmes, vous pouvez taper vos "mots clés" dans la barre de recherche du blog en haut à droite, au dessus de la photographie.
Anthony Bem
Avocat à la Cour
27 bd Malesherbes - 75008 Paris
Tel : 01 40 26 25 01
Email : abem@cabinetbem.com