Pour mémoire, l’article L.2142-6 du code du travail dispose que :
« Un accord d'entreprise peut autoriser la mise à disposition des publications et tracts de nature syndicale, soit sur un site syndical mis en place sur l'intranet de l'entreprise, soit par diffusion sur la messagerie électronique de l'entreprise. Dans ce dernier cas, cette diffusion doit être compatible avec les exigences de bon fonctionnement du réseau informatique de l'entreprise et ne doit pas entraver l'accomplissement du travail.
L'accord d'entreprise définit les modalités de cette mise à disposition ou de ce mode de diffusion, en précisant notamment les conditions d'accès des organisations syndicales et les règles techniques visant à préserver la liberté de choix des salariés d'accepter ou de refuser un message. »
Ainsi, la jurisprudence a déjà eu à juger que :
« la diffusion de tracts et de publications syndicaux sur la messagerie électronique que l'entreprise met à la disposition des salariés n'est possible qu'à la condition, soit d'être autorisée par l'employeur, soit d'être organisée par voie d'accord d'entreprise » (Cass. Soc., 25 janvier 2005, n° 02-30946).
En d’autres termes, les syndicats peuvent diffuser des tracts sur l'intranet ou la messagerie électronique de l'entreprise à condition d'y être autorisés par un accord d'entreprise organisant l'usage de ces outils ou par une décision de l'employeur.
La constitutionnalité de cette exigence d’un accord préalable a cependant été remise en question dans un arrêt du 11 juillet 2013. (Cass. Soc., 11 juillet 2013, n° 13-40021)
En l’espèce, malgré l’absence d’accord de l’employeur, un syndicat avait envoyé des courriels de nature syndicale sur les boîtes e-mails professionnelles des salariés.
Assigné par l'employeur, le syndicat a soutenu qu’en soumettant à l'accord de l'employeur le droit des syndicats à communiquer avec les salariés soit sur un site syndical mis en place sur l'intranet de l'entreprise, soit par diffusion sur la messagerie électronique de l'entreprise, l’article L.2142-6 du code du travail précité porte une atteinte inconstitutionnelle à la liberté d'expression des syndicats.
Le syndicat a alors posé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur l'article L.2142-6 du code du travail.
La question était ainsi rédigée :
« La rédaction de l'article L.2142-6 du code du travail en ce qu'elle subordonne la diffusion de tracts de nature syndicale sur la messagerie électronique de l'entreprise à un accord d'entreprise ou à un accord de l'employeur est-elle conforme à l'alinéa 6 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et à l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? ».
La Cour de cassation estima que le fait de subordonner l'utilisation d'un moyen de communication actuel et usuel à un accord de l'employeur pouvait affecter l'efficacité de l'action syndicale dans l'entreprise et la défense des intérêts des travailleurs.
Par conséquent, jugeant la question suffisamment sérieuse, la Cour de cassation décida de la renvoyer au Conseil constitutionnel.
Répondant à cette question, le Conseil constitutionnel a d’abord considéré que l'exigence d'un accord préalable permet d'adapter les modalités de la communication syndicale par voie électronique à chaque entreprise et, en particulier, à son organisation du travail et à l’état du développement de ses moyens de communication informatiques.
En outre, le Conseil constitutionnel a estimé que les exigences de la loi concernant le bon fonctionnement du réseau et le bon accomplissement du travail sont justifiées par le respect de la liberté de l’employeur, tandis que celles relatives aux modalités de diffusion sont justifiées par la préservation de la liberté de choix des salariés d'accepter ou de refuser un message.
Par conséquent, le Conseil constitutionnel a décidé que l'exigence d'un accord préalable par l’article L2142-6 du code du travail était conforme à la Constitution, dans la mesure où, par ce texte, « le législateur n'a pas opéré une conciliation manifestement déséquilibrée entre, d'une part, la liberté de communication des syndicats et, d'autre part, la liberté tant de l'employeur que des salariés ».
Cependant, afin d’éviter que la possibilité pour l’employeur de refuser l’autorisation n’entrave la liberté de communication des syndicats, le Conseil constitutionnel a pris le soin de préciser :
« qu'en l'absence d'accord d'entreprise relatif à l'utilisation de l'intranet ou de la messagerie électronique de l'entreprise, les syndicats peuvent, outre l'application des dispositions du premier alinéa de l'article L. 2142-3 du code du travail et de son article L. 2142-4, librement diffuser des publications et tracts sur les réseaux de communication au public en ligne ; que les salariés peuvent également librement y accéder sur ces réseaux ; qu'ils peuvent s'inscrire sur des listes de diffusion afin de recevoir par voie électronique les publications et tracts syndicaux ».
En d’autres termes, si l’employeur refuse de signer un accord et décide de bloquer à un syndicat l’accès à l’intranet et aux messageries professionnelles des salariés de l’entreprise, le syndicat peut néanmoins diffuser ses tracts par le biais de l'affichage sur les panneaux prévus à cet effet (article L2142-3 du code du travail) et de la distribution aux heures d'arrivée et de sortie du personnel (article L2142-4 du code du travail).
Outre ces canaux traditionnels de diffusion, les syndicats peuvent également communiquer sur internet et les réseaux sociaux, tels que Facebook ou Twitter et envoyer des publications et tracts syndicaux aux salariés qui se sont inscrits sur leurs listes de diffusion.
Ces communications restent néanmoins encadrées notamment par les limites fixées par la loi sur la liberté de la presse et le dénigrement.
Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).
PS : Pour une recherche facile et rapide des articles rédigés sur ces thèmes, vous pouvez taper vos "mots clés" dans la barre de recherche du blog en haut à droite, au dessus de la photographie.
Anthony Bem
Avocat à la Cour
27 bd Malesherbes - 75008 Paris
Tel : 01 40 26 25 01
Email : abem@cabinetbem.com