Pour mémoire, la rupture conventionnelle du contrat de travail est légalement encadrée par les dispositions des articles L. 1237-11 à L. 1237-16 du code du travail.
En l'espèce, suite à un avertissement donné par son employeur, une salarié a été placée en arrêt de travail pour maladie durant deux semaines puis onze semaines.
Le même jour de la reprise du travail, les parties ont signé une rupture conventionnelle du contrat de travail, qui a été homologuée par le directeur départemental du travail et de l'emploi.
Cependant, la salariée a estimé avoir été victime de harcèlement moral et a contesté l’avertissement et la rupture du contrat de travail devant la juridiction prud'homale.
L’avertissement lui reprochait d'avoir quitté prématurément son poste de travail malgré une interdiction de l'employeur, d'avoir eu un comportement désinvolte par l’annonce de ce qu'elle serait absente une journée et d'avoir refusé d'accomplir temporairement un travail demandé sans abus de pouvoir de la part de l'employeur.
Cependant l'insubordination ou le comportement fautif n'étant pas caractérisé, les juges ont annulé l'avertissement aux motifs qu’il était rédigé sur trois pages, sur un ton pour le moins comminatoire, faisait état d'une insubordination et d'une attitude intempestive de la salariée.
Par ailleurs, s’agissant du consentement de la rupture conventionnelle du contrat de travail par la salariée, il convient de rappeler que le consentement du salarié doit être libre, éclairé et exempt de tout vice du consentement.
Pour apprécier la non validité du consentement, les juges d’appel ont pris en compte l’attestation d'une psychologue d’un service hospitalier dédié aux maladies professionnelles et environnementales ayant noté chez la patiente une blessure narcissique, une estime en soi paraissant fortement atteinte et des sentiments de doutes, d'humiliation et d'angoisses encore très présents et soulignant « de mon point de vue, la rupture du contrat semble s'imposer comme la seule issue possible. Elle semble nécessaire pour le travail de reconstruction identitaire et pour permettre à cette dame de se libérer de l'entreprise de son employeur et conséquemment pour l'aider à se projeter dans un nouvel avenir professionnel ».
La psychologue confirmait « au niveau clinique, la symptomatologie est en faveur d'un syndrôme anxio-dépressif réactionnel au vécu professionnel ».
En outre, le médecin traitant de la salariée attestait de ce que la salariée était venue le consulter pour des conflits avec son employeur, lui montrait des courriers adressés par son employeur et lui racontait le comportement d'harcèlement moral qu'il pratiquait sur elle, le contraignant à la mettre en arrêt de travail pour arrêt dépressif avec perte d'appétit, amaigrissement, angoisses, dévalorisation de soi.
De plus, il ressortait d’une autre attestation que l’employeur avait multiplié à l'encontre de sa salariée les attitudes blessantes et déstabilisantes : « j'atteste avoir entendu M. Z hurler auprès de Melle X à plusieurs reprises […] j'ai également constaté que Melle X n'était plus conviée aux apéritifs imprévus durant cette période. Je me suis vu attribuer des maquettes qui en temps normal étaient confiées à Mlle X. M. Z a pris un stagiaire pendant 15 jours à qui il confiait également la plupart des maquettes. D'autre part, courant mai, j'ai entendu M. Z ordonner à Melle X de travailler désormais à son bureau le matin et tous les après-midi à l'atelier reprographie ».
Selon les juges d’appel, ce comportement qui n'était justifié par aucun élément objectif et qui s'est manifesté de manière répétée au sein d'une petite entreprise de 5 salariés a indéniablement eu pour effet non seulement de dégrader les conditions de travail de la salariée, mais aussi d'altérer sa santé physique ou mentale.
De tels éléments ont donc permis de caractériser l’existence d’un harcèlement moral antérieur et contemporain à la rupture conventionnelle du contrat de travail.
Ainsi, les juges d’appel ont annulé l'acte de rupture conventionnelle, jugé que la rupture devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné l’employeur à lui payer des dommages-intérêts.
La cour de cassation a approuvé les juges d’appel en considérant que :
« la salariée était au moment de la signature de l'acte de rupture conventionnelle dans une situation de violence morale du fait du harcèlement moral dont elle a constaté l'existence et des troubles psychologiques qui en sont résultés ».
Il convient de rappeler que la jurisprudence a déjà eu l’occasion d’annuler des sanctions disciplinaires, licenciements ou démissions prononcées à l’encontre de salariés victimes de harcèlement moral au travail.
Dorénavant, toute rupture conventionnelle d'un salarié victime d’un harcèlement moral au moment de la signature de l'acte de rupture conventionnelle est nulle et peut être requalifiée par les juges en licenciement sans cause réelle et sérieuse ouvrant droit à dommages-intérêts au profit du salarié.
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Anthony Bem
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