Photographies de DSK Menotté : Atteinte à la présomption d’innocence ?

Publié le Modifié le 29/03/2016 Vu 9 672 fois 0
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Alors que les médias et le monde politique invitent unanimement à prendre « des pincettes », à « rester prudent » et à « respecter la présomption d’innocence », il faut bien reconnaitre que les photographies de Dominique Strauss-Kahn (ci-après dénommé DSK) sortant du commissariat de Harlem menotté gênent le juriste averti. En effet, le principe légal de la présomption d’innocence interdit la publication et la diffusion de l’image d’une personne menottée ou entravée avant toute condamnation.

Alors que les médias et le monde politique invitent unanimement à prendre « des pincettes », à « rester

Photographies de DSK Menotté : Atteinte à la présomption d’innocence ?

L’article 35 ter de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse sanctionne l'atteinte à la présomption d'innocence et prévoit que :

"Lorsqu'elle est réalisée sans l'accord de l'intéressé, la diffusion, par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support, de l'image d'une personne identifiée ou identifiable mise en cause à l'occasion d'une procédure pénale mais n'ayant pas fait l'objet d'un jugement de condamnation et faisant apparaître, soit que cette personne porte des menottes ou entraves, soit qu'elle est placée en détention provisoire, est punie de 15 000 euros d'amende".

I. – L’atteinte à la présomption d’innocence suppose une publicité

Il faut nécessairement que l’image représentant la personne menottée soit publiée pour que l’article de la loi de 1881 précité puisse produire effet.

La publication peut être faite sur des supports très larges à savoir la presse écrite, la radiodiffusion, la TV et l’internet (blog, site, réseau) etc...

Il y aura diffusion à partir du moment où un public sera capable d’avoir accès à l’image litigieuse.

II. L’atteinte à la présomption d’innocence suppose une personne identifiée ou identifiable

S’agissant de DSK, il fait peu de doute que cette condition soit réalisée.

Toutefois, l’image seule ne suffit pas.

Si la personne est identifiée ou identifiable en raison des commentaires ou titres accompagnant l’image, alors l’article 35 ter jouera.

III. - L’atteinte à la présomption d’innocence suppose une mise en cause à l’occasion d’une procédure pénale ( mais n'ayant pas fait l'objet d'un jugement de condamnation)

Il doit s’agir d’une personne non encore condamnée.

S’agissant de l’affaire DSK, les faits plaident en faveur de la réalisation de cette condition.

La protection offerte par la présomption d’innocence cesse d’exister dès l’instant où un jugement de condamnation a été rendu.

IV. - La violation de l’article 35 ter de la loi du 29 juillet 1881 suppose le port de menottes ou une "entrave"

L’article sanctionne toutes les images " faisant apparaître (...) que cette personne porte des menottes ou entraves " .

L’article 35 ter de la loi de 1881 semble ne sanctionner que les images qui font «apparaitre» les menottes.

Cependant aux termes d’une Ordonnance de référé, le Tribunal de grande instance de Paris a jugé, le 13 juin 2006, que l’interdiction posé par l’article 35 ter s’applique indifféremment, que les menottes ou entraves soient ou non visibles sur l'image diffusée (TGI Paris, ord. réf., 13 juin 2006).

S’agissant de DSK, certaines des photographies diffusées sont prises de face et ne font pas apparaitre les menottes tandis que d'autres les laissent "clairement" entrevoir.

Cependant, l’association de ces photographies à un titre accrocheur du type «DSK menotté» ne permet pas de douter d’une condamnation sur le fondement de l’article 35 ter.

À l’heure de Photoshop, il serait en effet trop facile de simplement gommer les bracelets d’acier pour échapper aux restrictions de la loi de 1881.

En tout état de cause et même en l’absence de définition légale ou jurisprudentielle de l’entrave, on peut considérer que le fait d’être entouré et maintenu par deux policiers américains constitue une entrave au sens de la loi pénale française, peu importe d'ailleurs l'origine et l'utilisation possible de ces photographies aux Etats Unis d'Amérique.

******

En conclusion , il semble que la diffusion de ce type de photographies puisse porter atteinte à la présomption d’innocence et entrer sous le coup des dispositions de l’article 35 ter, de sorte que les rédactions et éditeurs de sites Internet engageraient leur responsabilité le cas échéant.

Tout comme Google, qui à partir de son service Google Suggest, suggère les termes « Dominique Strauss Kahn Viol » lorsque l’utilisateur tape dans sa barre de recherche le mot clef « Dominique ».

Les rebondissements de cette affaire viendront confirmer ou non les nécessités philosophique, moral et juridique qu'auraient eu les médias à éviter de telles publications.

PS : Pour une recherche facile et rapide des articles rédigés sur ces thèmes, vous pouvez taper vos "mots clés" dans la barre de recherche du blog en haut à droite, au dessus de la photographie.

Anthony Bem
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