Pour mémoire, aux termes de l’article L.227-6 du code de commerce, une société par actions simplifiée est représentée à l'égard des tiers par son président qui est ainsi investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société.
De ce fait, la société par actions simplifiée est tenue par les contrats conclus par son président même s’ils ne relèvent pas de l’objet social, sauf si elle prouve que le tiers cocontractant savait que l'acte dépassait l'objet social ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances.
Par ailleurs, le même texte dispose à son troisième alinéa que « les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier ».
Ce troisième alinéa soulève cependant de nombreuses difficultés relatives notamment à une confusion entre le pouvoir général de représentation de la société à l’égard des tiers et la délégation de pouvoirs fonctionnelle, qui permet aux dirigeants de toute société de déléguer une partie de leurs pouvoirs afin d’assurer le fonctionnement interne de l’entreprise.
En effet, la question s’est posée de savoir si le pouvoir de représentation devait être prévu par les statuts pour que la société soit valablement représentée par son directeur général à l'égard des tiers ou si ce dernier disposait de plein droit d’une faculté de représentation de la société et, en conséquence, d'engagement de celle-ci vis-à -vis des tiers.
Il semble résulter de l’arrêt du 9 juillet 2013 que même si les statuts n’évoquent pas les pouvoirs de représentation du directeur général ou directeur général délégué d’une société par actions simplifiées, ceux-ci représentent néanmoins la société à l’égard des tiers.
En l’espèce, une société a assigné une autre société en paiement d’une rémunération que celle-ci s’était engagée à lui régler, par accord verbal de son directeur général, en cas d’aboutissement de la mission d’apporteur d’affaires qu’elle lui avait confiée.
La société débitrice assignée en justice a contesté cette demande en invoquant le défaut de pouvoir de son directeur général pour conclure un tel engagement et l’absence de mandat apparent dont les tiers auraient pu légitimement se prévaloir pour fonder leur creance.
La cour d’appel a néanmoins accueilli la demande de paiement en estimant que le défaut de pouvoir d’un directeur général de société par actions simplifiée était inopposable aux tiers dont il n’était pas démontré qu’ils en auraient eu connaissance.
Cette décision est confirmée par la Cour de cassation qui a considéré que :
«les tiers peuvent se prévaloir à l'égard d'une société par actions simplifiée des engagements pris pour le compte de cette dernière par une personne portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué de la société ».
La Cour de cassation s’est référé à l’article L.227-6 du Code de commerce précité, en l’interprétant à la lumière de l’article 10 de la directive n° 2009/101 du 16 septembre 2009 qui pose notamment le principe d’inopposabilité aux tiers des limitations statutaires des pouvoirs légalement conférés aux organes sociaux.
En interprétant l’article L.227-6 du Code de commerce à la lumière de cette disposition, la Cour de cassation a donc tout naturellement admis que la personne dont le titre est directeur général ou directeur général délégué d'une SAS est bien un représentant légal de ce type de société, c’est-à -dire un organe investi vis-à -vis des tiers des pouvoirs les plus étendus pour accomplir des actes au nom de la société.
Par conséquent, une société par actions simplifiée ne saurait opposer aux tiers le défaut de pouvoir de représentation de son directeur général ou directeur général délégué pour se soustraire aux engagements pris par ce dernier en son nom.
Cette décision s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence qui voit dans les directeurs généraux des représentants légaux des sociétés commerciales. (Cass. mixte, 19 novembre 2010, n°10-10095).
Ainsi, alors que les limitations statutaires des pouvoirs des directeur général et directeur général délégué sont inopposables aux tiers de la société, ces derniers peuvent néanmoins opposer ces limitations à la société.
Enfin, il convient de souligner que le tiers qui contracte avec le directeur général ou le directeur général délégué d'une société par actions simplifiée n'est pas tenu d'entreprendre quelque vérifications que ce soit sur la définition statutaire des pouvoirs de son cocontractant pour s'assurer que ce dernier engage valablement la société.
Le tiers avisé doit simplement vérifier que son cocontractant a bien la qualité de directeur général ou de directeur général délégué dont il se prévaut. Â
En définitive, cette décision qui limite les causes de non-validité des engagements pris au nom d’une société est à saluer en ce qu’elle est protectrice des intérêts des tiers.
Ainsi, face à une société qui invoquerait un défaut de pouvoir de son directeur général ou d’éventuelles limitations statutaires, les tiers concernés peuvent, avec l’assistance d’un avocat spécialisé, engager une action en justice à l’encontre de cette société afin de l’amener à exécuter les engagements qui ont été pris pour son compte par son représentant légal. Â
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Anthony Bem
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