E-réputation : Condamnation du site internet LesArnaques.com pour diffamation envers une société

Publié le Modifié le 27/11/2012 Vu 7 964 fois 0
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Le 14 novembre 2012, la Cour d’appel de Montpellier a condamné le site internet LesArnaques.com et son directeur de la publication de faits de diffamation publique envers une société, en raison des contributions personnelles de consommateurs, diffusées sur le forum de discussion dudit site, que le responsable n'avait pas cru devoir retirer et pour ne pas avoir « rempli son office de médiation » (Cour d’appel de Montpellier, 1ère chambre, section D, 14 novembre 2012, Le Partenaire Européen / Les Arnaques.com et autres)

Le 14 novembre 2012, la Cour d’appel de Montpellier a condamné le site internet LesArnaques.com et son dire

E-réputation : Condamnation du site internet LesArnaques.com pour diffamation envers une société

De nombreux professionnels et sociétés se plaignent du problème du préjudice de réputation négative dont ils souffrent en raison de propos tenus à leur encontre sur le site internet LesArnaques.com.

Cette association exploite un site internet – www.lesarnaques.com - sur lequel elle met à disposition du public un forum permettant l’expression des internautes sur les difficultés et litiges qu’ils rencontrent notamment après avoir commandé un bien ou une prestation, à l’occasion du commerce en ligne, mais pas seulement.

L’association LesArnaques.com prétend “intervenir dans la médiation de litiges entre les particuliers et les professionnels”, “d’informer les internautes sur leurs droits et recours possibles”, “de sensibiliser les autorités et institutions locales, nationales et internationales afin de favoriser d’avantage la défense des consommateurs”.

Concrètement, le problème de réputation résulte du fait que lorsqu'un internaute tape dans un moteur de recherche (tel que celui de Google) le nom d'une marque, un nom commercial, un nom de domaine, une enseigne, la dénomination sociale, le nom d'un produit ou un service, il abouti rapidement aux avis ou commentaires d'internautes diffusés dans le forum de discussion du site internet lesarnaques.com.

La seule présence sur un site avec une telle dénomination est par nature attentatoire à la réputation et à l'image d'une entreprise ou d'une personne, indépendament de ce qui peut être dit dans ce site à son encontre, tel que le relève justement la cour d'appel dans la présente affaire.

Dénonçant la présence sur ce dernier site de messages d’internautes la mettant en cause, la société Le Partenaire Européen en a demandé la suppression à Monsieur G, en sa qualité de président de l’association LesArnaques.com et directeur de la publication, puis les a fait citer en diffamation devant le tribunal correctionnel de Montpellier.

En l'espèce, la société Le Partenaire Européen a pour activité la diffusion d’annonces à caractère immobilier sur divers supports, notamment la mise en relation de particuliers cherchant à vendre leur bien immobilier, avec des acquéreurs potentiels.

Pendant la procédure, plusieurs nouveaux messages diffamatoires sont apparus sur le site internet LesArnaques.com.

Son président et directeur de publication a de nouveau mais en vains été mise en demeure de procéder à la suppression de ces messages.

Dans ces conditions, la société Le Partenaire Européen a fait assigner à jour fixe pour l’audience Monsieur G, et le site internet LesArnaques.com devant le tribunal de grande instance de Montpellier au titre de la diffamation.

En refusant de supprimer promptement ces messages du site “lesarnarques.com”, M. G. engage, en sa qualité de directeur de publication, sa responsabilité sur le fondement de la diffamation, à l’encontre de la société appelante ;

Pour mémoire la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dispose que

« toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation », laquelle demeure punissable dès lors qu’elle est commise « envers un particulier » sous forme de « publication directe ou par voie de reproduction, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des (…) écrits (... ) », et par l’un des moyens tels que « tout moyen de communication au public par voie électronique ».

De plus, l’article 93-3 de la loi n°82-652 sur la communication audiovisuelle dispose que :

« Au cas où l’une des infractions prévues par le chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est commise par un moyen de communication au public par voie électronique, le directeur de la publication (...) sera poursuivi comme auteur principal, lorsque le message incriminé a fait l’objet d’une fixation préalable à sa communication au public » tandis que « lorsque l’infraction résulte du contenu d’un message adressé par un internaute à un service de communication au public en ligne et mis par ce service à la disposition du public dans un espace de contributions personnelles identifié comme tel, le directeur (...) ne peut pas voir sa responsabilité pénale engagée comme auteur principal s‘il est établi qu’il n‘avait pas effectivement connaissance du message avant sa mise en ligne ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il a agi promptement pour retirer ce message ».

Or, le forum “LesArnaques.com”, mis à disposition du public par l’association du même nom sur le site internet www.lesarnaques.com, répond à la définition d’un “espace de contributions personnelles identifié comme tel“,

Les juges de la Cour d’appel ont particulièrement détaillé leur motivation juridique afin d’entrer en voie de condamnation contre LesArnaques.com et son responsable, nous la reprendront donc ci-après de manière quasi complète :

« d’évidence, ces 18 messages …faisant toutes référence à la société Le Partenaire Européen, contiennent des propos portant atteinte à l’honneur et à la considération de cette société :

- en accusant directement ou par voie de reproduction cette société d’arnaquer ses clients, d’employer des méthodes douteuses, telles que la vente forcée ou l’offre de services inexistants ;

en insinuant dans ce contexte que cette société délaisse ses clients, pratique de la publicité trompeuse et se fait rémunérer pour des services ne débouchant sur aucun résultat ;

- en laissant entendre l’existence d’une arnaque par cette société en abusant notamment de la faiblesse de certains clients ;

 - en insinuant l’infiltration par cette société de forum de discussions, tel que celui dirigé par l’intimé, par des “taupes”.

Précisément, le caractère diffamatoire doit s’apprécier à l’aune de l’indivisibilité de ces messages postés dans le cadre d’un forum de discussion, qui plus est dénommé “lesarnaques.com”, ayant pour objet premier de créer sur un même sujet, en l’occurrence les pratiques de la société Le Partenaire Européen, une interactivité entre les internautes. Chacun de ces messages doit ainsi être lu, interprété et compris à la lumière des autres auxquels il répond ou il sera répondu …

Dès lors, s’agissant des faits diffamatoires, seule la bonne foi du directeur de la publication, et non pas celle accordée aux auteurs de ces messages, comme invoquée par les premiers juges, est susceptible de l’exonérer de toute responsabilité fautive, à la condition que soient rapportés, selon la jurisprudence établie, les éléments relatifs à la prudence dans l’expression, au respect du devoir d’enquête préalable, à l’absence d’animosité personnelle et à l’intention de poursuivre un but légitime.

Monsieur G., en sa qualité de directeur de la publication, a la charge de la preuve de la bonne foi qu’il invoque à l’appui d’attestations produites aux débats.

Tout en reconnaissant que les termes ainsi employés étaient justement incriminés pour leur manque de modération par le directeur de la publication, les premiers juges n’ont cependant pas tiré les conséquences de leurs propres constatations.

En effet, un tel manque traduit une absence de prudence dans l’expression des propos postés dans le cadre d’un espace de contributions personnelles et demeure à ce titre, exclusif de la bonne foi.

En, outre, il convient précisément de relever que :

- d’une part, le directeur de la publication avait eu une nécessaire connaissance de certains des messages incriminés, ayant lui-même répondu dans le cadre de ce forum à un message posté sous une même adresse Url comprenant des messages jugés diffamatoires ;

- d’autre part, ce directeur de publication n’a pas agi promptement, au sens de l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982, pour retirer les messages incriminés ou à tout le moins, pour les modérer ou supprimer les propos diffamatoires, s’abstenant de toute intervention à ce titre en dépit des courriers que le conseil de l’appelante lui avait adressés à plusieurs reprises, excepté quelques modérations effectuées sur certains d’entre eux mais toujours avec grand retard et de manière très partielle ;

- enfin, alors que l’association qu’il dirige a pour principal objet de favoriser la médiation, et avait d’ailleurs répondu favorablement aux demandes de la société Le Partenaire Européen, tendant à la mise en place d’une adresse mail dédiée à la réception des réclamations éventuelles des clients de l’appelante en dirigeant l’expéditeur vers [une adresse email], ce directeur de publication a cependant continué de maintenir sur le forum en question des messages à caractère diffamatoire, sans remplir son office relatif à ladite médiation.

D’ailleurs, dans les courriels échangés précisément avec la responsable du service clients & qualité de la société Le Partenaire Européen, Monsieur G. s’exprime en ces termes :

"Il est vrai que les témoignages sont un peu oubliés par nos modérateurs, et donc vous ne recevez pas d’alertes. Néanmoins, sachez que si nous manquons à la médiation, ou que nous ne recevons pas de réponse de la personne qui a posté le message notre souhait est de supprimer le message car nous ne souhaitons pas dénigrer gratuitement une société. (...)."

La diffusion des messages incriminés atteste de l’absence d’intervention en ce sens de la part du directeur de la publication et donc, de la méconnaissance par ce dernier des critères susceptibles de lui voir reconnaître la bonne foi, y compris le critère relatif à la poursuite d’un but légitime, en ayant permis à certains consommateurs d’outrepasser la simple liberté d’expression ou de critique.

En outre, de manière symptomatique, il est noté que dans le règlement du forum de son site internet, l’association LesArnaques.com recommande aux internautes de s’en tenir aux faits et d’éviter le mot “arnaque”, qui pourrait entraîner la fermeture du sujet ».

Cet arrêt est donc riche d’enseignement s’agissant de ce site problématique pour de nombreuses sociétés, commerçants et professionnels.

Pour la première fois, les juges d'appel ont considéré que la dénomination du site lesarnaques.com est en soit problématique pour une entreprise, au travers de leur formule employée : « qui plus est dénommé “lesarnaques.com”».

Surtout, il ressort de cette décision que les juges semblent imposer au directeur de la publication d'un site internet un devoir de modération, en marge des termes de la loi : « la diffusion des messages incriminés atteste de l’absence d’intervention en ce sens de la part du directeur de la publication ».

En tout état de cause, dès que les propos, termes ou commentaires d'internautes portent atteinte à la réputation d’une entreprise, celle-ci doit en solliciter préalablement leur retrait auprès du responsable du site internet, forum de discussion, blog ou réseau social concerné.

Ce dernier engagera sa responsabilité, comme s’il en avait été l’auteur, à défaut de les avoir supprimer à réception de la notification de retrait de contenus illicites en bonne et due forme.

Par ailleurs, dès que le responsable d'un site internet participe à une discussion comprenant des contenus diffamatoires, il est supposé avoir eu connaissance de ces propos illicites et engage en tant tel directement sa responsabilité sans mise en demeure préalable.

Au cas présent, les juges d'appel ont fait droit à la demande de suppression des messages incriminés et les ont jugé à caractère diffamatoire.

Par voie de conséquence, la cour d'appel a condamné de manière solidaire Monsieur G. et l’association LesArnaques.com à réparer le préjudice subi par la société Le Partenaire Européen à hauteur de la somme de 9000 €, outre le paiement d’une partie des frais d’avocat exposés.

Enfin, il est important de rappeler que les notifications de retrait de contenus illicites doivent respecter un formalisme légal précis qui suppose idéalement de faire appel aux services d’un avocat spécialisé en droit de l’internet pour éviter que le non respect du formalisme soit une cause d’échec de la procédure.

Il en va de même de la preuve des contenus internet illicites préalable à toute action judiciaire qui suppose l’établissement d’un constat d’huissier respectant le formalisme jurisprudentiel fixé en matière de preuve sur internet.

Je suis à votre disposition pour toute information ou action.

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Anthony Bem
Avocat à la Cour
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