Le 29 janvier 2014, la Cour de cassation a jugé que l'appauvrissement de la mission et des responsabilités du salarié constitue une modification imposée du contrat de travail, permettant au salarié de prendre acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur et en obtenir indemnisation tel un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. Soc., 29 janvier 2014, N° de pourvoi: 12-19479).
Pour mémoire, la jurisprudence a consacré le droit des salariés de prendre acte de la rupture de leur contrat de travail aux torts de leur employeur afin d'obtenir la même indemnisation qu'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les manquements de l’employeur sont « suffisamment graves ».
L'affaire jugée le 29 janvier 2014 apporte une nouvelle hypothèse de manquements suffisamment graves de l’employeur : l'appauvrissement de la mission et des responsabilités du salarié.
En l'espèce, un salarié a été engagé comme chargé de clientèle pour les « professions du chiffre (experts-comptables, commissaires aux comptes, géomètres experts) » par une société de courtage d'assurances et de réassurances.
Quelques années après son embauche, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur.
Dans sa lettre de rupture, le salarié reprochait à son employeur que son avenir professionnel ne soit plus, selon lui, assuré dans l'entreprise.
Concrètement, le salarié faisait valoir, notamment, qu'il a toujours travaillé pour les contrats groupes des seules professions du chiffre, conformément à son contrat de travail et que, depuis la perte de ces contrats, son service n'a plus réalisé que quelques contrats avec un personnel et un chiffre d'affaires considérablement amoindris.
L'employeur ayant saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de dommages-intérêts pour brusque rupture et d'une indemnité de préavis, le salarié a demandé la qualification de la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse et le paiement d'indemnités.
Contrairement aux juges prudhommaux, la cour d'appel a débouté l'employeur de ses demandes, jugé que la prise d'acte avait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et l'ont condamné à payer diverses sommes au salarié (indemnité compensatrice de préavis, congés payés, indemnité conventionnelle de licenciement, dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, rappel de salaire au titre du treizième mois et demi de salaire).
La cour de cassation a validé la position des juges d'appel en considérant que :
« le salarié, à la fin de l'été 2007, s'était vu imposer un « appauvrissement de ses missions et de ses responsabilités », son poste étant vidé de sa substance, la cour d'appel en a exactement déduit l'existence d'une modification du contrat de travail imputable non à un tiers, mais à l'employeur.»
Il découle de cette décision que lorsqu'une mission de travail est vidée de sa substance, cela conduit inéluctablement à une modification du contrat de travail, constitutive d'un manquement suffisamment grave de l'employeur, ouvrant droit pour le salarié à prendre acte de la rupture de son contrat aux torts de l'employeur.
Or, la prise d'acte de la rupture d´un contrat de travail par un salarié produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués constituent un manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.
Ainsi, cette décision accorde davantage de droits aux salariés confrontés à un appauvrissement de leurs missions de travail et de leurs responsabilités professionnelles.
Par ailleurs, il est important de souligner que l'employeur est responsable de cet appauvrissement :
- même lorsque les faits invoqués à l'appui de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail sont la conséquence de la décision d'un tiers telles que la résiliation de contrat ou la perte de clientèle
- indépendamment de la modification ou non du salaire et de la qualification du salarié.
Ce cas de modification du contrat de travail s'inscrit dans la droite lignée des jurisprudences où l’employeur a été sanctionné pour avoir :
- éloigné un salarié de la sphère dirigeante par une mise à l’écart des réunions stratégiques (Cass. Soc., 2 mars 2011, n°09-40547),
- retiré à un salarié des tâches importantes pour lui en donner des moindres (Cass. Soc., 25 mai 2011, n°10-18994),- retiré à un salarié une délégation de signature (Cass. Soc., 26 octobre 2011, n° 10-19001).
Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).
PS : Pour une recherche facile et rapide des articles rédigés sur ces thèmes, vous pouvez taper vos "mots clés" dans la barre de recherche du blog en haut à droite, au dessus de la photographie.
Anthony Bem
Avocat à la Cour
27 bd Malesherbes - 75008 Paris
01 40 26 25 01
abem@cabinetbem.com