La sanction des propos antisémites sur Internet

Publié le Modifié le 24/06/2015 Vu 16 861 fois 2
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Les propos antisémites diffusés sur internet sont-ils sanctionnés par la loi ?

Les propos antisémites diffusés sur internet sont-ils sanctionnés par la loi ?

La sanction des propos antisémites sur Internet

L’antisémitisme se distingue du racisme mais la loi ne les distingue pas.

Alors que se commémorait le 16 avril 2015 la mort de millions de personnes juives tuées au nom de leur religion, il y a 70 ans seulement, la haine antisémite se déverse aussi aujourd’hui publiquement sur le web, via les forums de discussion, blogs et réseaux sociaux tels que Facebook ou Twitter.

A titre d’exemple, en 2012, un internaute avait posté le hashtag #UnBonJuif sur le réseau social Twitter et provoqué un déchainement de haine antisémite.

Depuis, les cas ne cessent de se multiplier.

Dans ce contexte et en clôture des premières assises de la lutte contre la haine sur Internet, organisées par l’Union des étudiants juifs de France le 22 février 2015, Madame la Ministre de la Justice et garde des Sceaux a déclaré que :

« Les infractions reconnues dans l'espace public doivent pouvoir l'être également dans l'espace Internet » ;

« La difficulté est de trouver les réponses les plus adaptées mais nous sommes décidés à mener une lutte sans merci contre le racisme et l'antisémitisme sur Internet. »

Aussi, le 17 avril 2015, Monsieur le Premier ministre, Manuel Valls, a présenté un plan de lutte contre le racisme et l'antisémitisme.

Alors qu’un projet de loi sur le numérique est en cours et qu’un plan de lutte est annoncé par Monsieur le premier ministre, il convient de rappeler le dispositif existant permettant de sanctionner la diffusion de propos antisémites sur Internet.

Pour mémoire, la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse réprime les délits de :

  • diffamation; 
  • injure; 
  • provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence; 
  • négationnisme et de contestation de crime contre l’humanité.

En effet, le délit de diffamation raciale se définit comme :

« toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée sera punie d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ou de l'une de ces deux peines seulement » (art. 29 ; art. 32 al. 2, loi du 29 juillet 1881). 

De plus, le délit d’injure raciste se définit comme :

« toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée et est punie de six mois d'emprisonnement et de 22 500 euros d'amende » (art. 29 al. 2 ; art. 33 al. 3, loi du 29 juillet 1881). 

En outre, la loi sur la liberté de la presse sanctionne ceux qui auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

La sanction du délit de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence est d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ou de l'une de ces deux peines seulement (art. 24 al. 8, loi du 29 juillet 1881).

Enfin, la loi sur la liberté de la presse sanctionne ceux qui auront contesté l'existence d'un ou plusieurs crimes contre l'humanité « tels qu'ils sont définis par l'article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l'accord de Londres du 8 août 1945 et qui ont été commis soit par les membres d'une organisation déclarée criminelle en application de l'article 9 dudit statut, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale » (art. 24 bis, loi du 29 juillet 1881).

La sanction du délit de négationnisme et de contestation de crime contre l’humanité est d'un an d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende.

Par ailleurs, il convient de rappeler que la responsabilité des hébergeurs, fournisseurs et éditeurs de sites internet diffusant des contenus illicites peut être engagée sur le fondement de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (dite LCEN).

En effet, l’article 6, I, 7 de cette loi dispose que :

« Compte tenu de l'intérêt général attaché à la répression de l'apologie des crimes contre l'humanité, de l'incitation à la haine raciale ainsi que de la pornographie enfantine, les personnes mentionnées ci-dessus doivent concourir à la lutte contre la diffusion des infractions visées aux cinquième et huitième alinéas de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et à l'article 227-23 du code pénal. »

Ainsi, la loi impose aux sites Internet la mise en place de systèmes de contrôles pour lutter contre :

- l'apologie des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité ou des crimes et délits de collaboration avec l'ennemi (art. 24 al. 5, loi du 29 juillet 1881) ;

- la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence (art. 24 al. 8, loi du 29 juillet 1881).

A cet égard, il convient de préciser que les hébergeurs, fournisseurs et éditeurs de sites internet ont aussi l’obligation de conserver et de communiquer des données permettant d’identifier les auteurs des contenus illicites.

Précisément, ces derniers «  détiennent et conservent les données de nature à permettre l'identification de quiconque a contribué à la création du contenu ou de l'un des contenus des services dont elles sont prestataires » (art. 6, II, LCEN).

Aussi et surtout, l'autorité judiciaire peut requérir la communication de ces contenus auprès des hébergeurs, fournisseurs et éditeurs. (art. 6, II, LCEN).

C’est précisément sur le fondement de ce texte que, le 24 janvier 2013, l’UEJF et l’AIPJ ont assigné en référé la société Twitter France pour s’être abstenue de communiquer les données permettant d’identifier les auteurs de tweets à caractère antisémite que le réseau social avait pourtant retirés à la demande des associations (TGI Paris, 24 janvier 2013, n°13/502262 et n°13/50276).

Cette affaire rappelle que les associations chargées de combattre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie telles que la Ligue internationale contre le racisme telles que la Ligue Internationale Contre le Racisme et l’Antisémitisme (LICRA); le Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié des Peuples (MRAP); SOS RACISME ou la Ligue des Droits de l’Homme (LDH) peuvent agir en justice en se constituant partie civile en cas de commission d’infractions en matière de presse, soit de diffamation raciale, d’injure raciste et de provocation à la haine raciale (art. 2-1 du code de procédure pénale ; Cass, Crim, 12 oct. 2010, n°10-80825).

Toutefois, lorsque l'infraction est commise individuellement envers une personne, l'association ne sera recevable à agir qu’en cas d’accord de la personne intéressée ou, si celle-ci est mineure, d'accord du titulaire de l'autorité parentale ou du représentant légal, lorsque cet accord peut être recueilli (art. 2-1, code de procédure pénale).

Enfin, il est essentiel de rappeler que les dispositions qui répriment les délits de diffamation raciale, d’injure raciste, de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, et de négationnisme sont soumises au délai de prescription d’action d’un an à compter de la date de publication (art. 65-3, loi du 29 juillet 1881).

Par conséquent, malgré l’absence de textes spécialement dédiés à l’antisémitisme, il doit être cependant relevé avec intérêt que les propos antisémites sont pénalement sanctionnés et que le web n’est pas une zone de non droit où tout peut être diffusé en toute impunité.

Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).

Anthony Bem
Avocat à la Cour
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1 Publié par Visiteur
28/12/2016 13:59

"Elle avait des troubles de la personnalité surtout dus à ses origines, à son nom" (Glass). Il existerait donc des origines et des noms (qui "sonnent juifs" dit-on plus loin) susceptibles de provoquer des troubles psychiatriques?
"Elle avait du mal avec le fait qu'elle était juive et avait tendance à la victimisation" (Couet). Reprend mot à mot les propos d'un certain pseudo humoriste et ceux d'un chroniqueur controversé sans que ça ne vous interpelle? Combien de dépositions faut-il d'ailleurs en France pour décréter qu'un individu est "juif" sans conteste ni démenti?
Et le comble ! "Sa situation de descendante de déporté a laissé des traces" (fredj) odieux commentaire qui supposerait que les fils et filles de déportés juifs de France dont certains témoignent si dignement dans nos Ecoles seraient affectés de toubles psychiatriques en raison des événements qu'ils ont subis dans leur jeunesse !
Lorsque vous avez lu ces commentaires odieux qui relèvent des délits que condamne la loi, pourquoi n'avez-vous pas immédiatement réagi? Trop peur?

2 Publié par Visiteur
13/01/2018 22:20

Que faire devant tant de propos stupides caractérisés par l'ignorance et des Juifs, et du Sionisme et du Talmud...et y compris de celui que vous appelez 'Jesus' mais dont le vrai nom est Yeshua. Pour votre info, un Juif...un rabbin, de surcroît.

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