Testament & Internet : la transmission de son identité numérique par une clause testamentaire

Publié le 24/08/2013 Vu 6 283 fois 0
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Entre devoir de mémoire et droit à l’oubli, comment régler l’avenir de l’identité numérique d’une personne après son décès.

Entre devoir de mémoire et droit à l’oubli, comment régler l’avenir de l’identité numérique d’une

Testament & Internet : la transmission de son identité numérique par une clause testamentaire

Internet est le gage d’une vie virtuelle illimitée dans le temps et dans l'espace, avec ses bons et ses mauvais aspects.

En effet, après le décès d’une personne toutes les données et informations qui la concernent sur le web lui subsistera pour les générations futures.

Ainsi, tel que nous l’avons déjà évoqué dans un précédent article, en raison de la zone d’ombre et du flou juridique entourant l’avenir de l’identité numérique d’un internaute après sa mort, des clauses d'un nouveau genre prévoyant la transmission de son identité numérique peuvent être insérées dans les testaments.

Entre les différents réseaux sociaux, les forums, les blogs, les avis laissés sur des sites d'E-commerce nos présences sur Internet se multiplient.

Par exemple, dans le cadre de l’opération « Internet Sweep Day » menée avec 19 de ses homologues dans le monde au cours du mois de mai 2013, la CNIL a effectué un audit des 250 sites internet les plus fréquentés par les internautes français et il est apparu que 99% d'entre eux collectent des données à caractère personnel.

Or, non seulement les personnes qui visitent ces sites ne sont pas clairement informées sur les conditions de traitement de leurs données personnelles, mais aussi elles n'ont pas les moyens de les maîtriser.

En effet, en surfant sur Internet, nous laissons derrière nous une traînée de données numériques personnelles qui peuvent être copiées, détournées ou même transmises à des tiers, souvent à notre insu et sans notre accord.

Ainsi, les informations personnelles concernant un internaute lui échappent généralement aussitôt qu’elles sont diffusées sur Internet, de sorte que leur suppression définitive devient très difficile.

Après le décès de l’internaute, cette suppression devient encore plus difficile, voire impossible, d’autant que ses ayants droit ne peuvent se prévaloir du droit à l’oubli numérique dans la mesure où ce droit n'a pas encore été légalement consacré.

Pour pallier à cela et permettre à ses ayants droit de gérer son identité numérique post mortem, deux possibilités existent :

Tout d’abord, de nombreux services en ligne permettent de gérer l’identité numérique d’un défunt (I).

En suite, il est possible de prévoir dans son testament une clause qui permettra de transmettre les composantes de l’identité numérique de son auteur à ses ayants droit (II).

Cependant, le problème que posent ces solutions est celui de leur efficacité face aux différents sites internet concernés (III).

I) La possibilité de recourir à un service en ligne prévoyant la gestion de l’identité numérique post mortem

A ce jour, les ayants droit ne peuvent se prévaloir du droit à l’oubli numérique d’un défunt pour gérer son E-réputation.

Ce vide juridique a permis le développement de nombreux services en ligne permettant aux internautes de décider de ce qu’il adviendra de leur identité numérique après leur décès.

Ainsi, des sites comme laviedapres.com et legacylocker.com proposent un service funéraire en ligne pour la prise en charge et la protection de l’identité numérique d’un internaute après son décès.

Par exemple, le site www.laviedapres.com met à la disposition de ses adhérents un espace de stockage pour leur permettre de sauvegarder et de transmettre les identifiants de leurs différents comptes, leurs documents, photos, vidéos et même de prévoir des messages post mortem à destination de leurs futurs légataires.

Microsoft a mis en place une procédure dénommée « Processus Microsoft pour le plus proche parent » qui, sur demande, permet d’envoyer sous la forme d’un DVD tous les emails, leurs pièces jointes, le carnet d’adresses et la liste de contacts Messenger au parent le plus proche d’une personne défunte ou médicalement inapte.

Toutefois, Microsoft précise qu’il ne communique pas le mot de passe du compte, ni ne change le mot de passe pour ce parent et ne peut pas non plus transférer la propriété du compte vers un plus proche parent.

Google a aussi lancé, le 11 avril 2013, un nouveau service baptisé « Gestionnaire de compte inactif » afin de permettre à ses membres de prévoir et d’organiser ce qu’il adviendra de leurs données personnelles après leur mort.

Ainsi, concernant les différents services de Google tels que Gmail, Picasa, Youtube, Google+, ou Blogger, les internautes pourront définir par avance une période d’inactivité à l’issue de laquelle, selon leur volonté, leurs comptes seront détruits avec toutes leurs données ou transmis à des personnes de leur choix.

Facebook offre aussi la possibilité de remplir un formulaire afin de signaler le profil d’une personne décédée.

Le formulaire demande des informations telles que les nom et prénom de la personne décédée, l’adresse URL associée au compte, le lien avec la personne, ainsi qu’une preuve de décès tel un certificat de décès.

Une fois le formulaire rempli et les informations fournies, il est possible pour les ayants droit de demander la transformation de la page du profil Facebook du défunt en mémorial ou simplement sa fermeture définitive.

En plus de ces services qui offrent la possibilité de gérer l’identité numérique post mortem, un internaute peut également prévoir dans son testament une clause de transmission des composantes de son identité numérique à ses héritiers.

II) La possibilité de prévoir dans son testament une clause de transmission des composantes de son identité numérique

Les services que nous venons de présenter peuvent présenter quelques lacunes.

En prenant l’exemple du service offert par Facebook en cas de décès d’un de ses membres, on remarque que si la page du profil du défunt est transformée en mémorial, le compte continuera d’exister.

De ce fait, les données du défunt seront définitivement disponibles, de même que l’accès à son profil Facebook où des personnes pourront laisser des commentaires et poster du contenu qui pourront se révéler négatifs.

Afin de tenter de prévenir de tels actes ou de préserver leur identité numérique, certaines personnes prévoient une clause Facebook dans leur testament de sorte que leurs ayants droit pourront se charger de leur compte et de son contenu après leur décès.

Ainsi, la liste de tous les comptes virtuels avec leurs informations d’accès peut être prévue dans un testament afin qu’ils soient transmis à leurs proches après leur décès.

Une telle initiative peut être utile aux ayants droit qui auront ainsi la possibilité d’assurer le contrôle et la maitrise de l’identité numérique du défunt.

En effet, la clause prévue dans le testament du défunt permettra la communication des codes d’accès ou mots de passe des comptes de ce dernier à ses héritiers.

De ce fait, les ayants droit pourront accéder aux différents comptes dont les mots de passe ont été transmis et ainsi récupérer les données et contenus s’y trouvant ou les fermer définitivement.

Même si les ayants droit ne peuvent pas se prévaloir du droit à l’oubli numérique d’un défunt pour gérer son identité numérique, il leur est possible, grâce à un service en ligne ou une clause prévue dans le testament de l’internaute décédé, d’obtenir la récupération ou la suppression de ses données numériques.

Cependant, il peut arriver que les sites détenant ces données s’opposent à leur transmission.

Dans une telle situation se pose la question de l’efficacité pratique des services en ligne et clauses testamentaires prévoyant la transmission de composantes de l’identité numérique d’un défunt.

III) L’efficacité relative des services en ligne et clauses testamentaires organisant l’identité numérique d’un défunt

S’ils permettent de pallier au défaut d’application d’un droit à l’oubli numérique en cas de décès, les services en ligne et les clauses testamentaires prévoyant la transmission des composantes de l’identité numérique peuvent se révéler inefficaces.

Se pose la question de savoir si l’identité numérique d’un internaute fait partie ou non de son patrimoine et si elle peut être transmise à ses héritiers.

Si on prend l’exemple de l’adresse IP qui est une des composantes de l’identité numérique, un article publié sur ce blog a montré que sa qualification juridique fait encore débat.

En effet, d’une part, l’adresse IP est considérée comme une donnée à caractère personnel permettant d’identifier directement ou indirectement une personne.

D’autre part, l’adresse IP n’est pas qualifiée de donné personnelle, au motif notamment que sur Internet il est possible à tout un chacun de prendre l’identité qu’il souhaite, que cette identité soit réelle ou fantaisiste.

A cela s’ajoute le fait que de nombreux sites considèrent que les contenus concernant leurs adhérents leur reviennent, sorte qu’ils pourraient s’opposer à leur transmission aux ayants droit d’un adhérent décédé.

Par exemple, de manière générale, dans le cadre du cloud computing, lorsqu’on stocke des données sur des serveurs distants et qu’on meurt, ce sont les prestataires des services qui récupèrent la propriété de ces données.

En outre, les clients d’iTunes ou d’Amazon ne deviennent pas propriétaires des fichiers multimédia (musiques, livres numériques, films) qu’ils achètent, mais sont considérés comme payant une simple licence qui leur donne le droit d’utiliser ces fichiers.

La rumeur lancée en septembre 2012 selon laquelle l’acteur Bruce Willis attaquait en justice Apple a permis au monde entier de découvrir qu’un utilisateur iTunes ne pouvait pas transmettre à son décès ses achats à ses proches, car ces produits cessaient d’exister à la fermeture du compte.

En effet, dans les conditions générales de iTunes Store, il est stipulé que :
« Vous acceptez que les Produits iTunes ne vous sont concédés que sous forme de licence ».
Cela signifie que les produits iTunes qu’on achète ne nous appartiennent pas et ne sauraient donc être transmis à nos ayants droit après notre décès.
De même, dans la Déclaration des droits et responsabilités de Facebook qu’on accepte souvent sans l’avoir lue, il est stipulé que :

« Pour le contenu protégé par les droits de propriété intellectuelle, comme les photos ou vidéos, … vous nous accordez une licence non-exclusive, transférable, sous-licenciable, sans redevance et mondiale pour l’utilisation des contenus de propriété intellectuelle que vous publiez sur Facebook… ».

En d’autres termes, Facebook peut utiliser comme il l’entend les contenus tels que les photos ou vidéos qu’on y publie, de sorte que ces contenus peuvent être transmis à des tiers sans qu’on puisse s’y opposer, ni réclamer une redevance.

Certes Facebook prend le soin de préciser que cette licence se termine lorsqu’on supprime les contenus ou le compte.

Mais, le défunt n’étant évidemment plus en mesure de supprimer lui-même les contenus le concernant sur Facebook ni de fermer son compte, la licence accordée à Facebook perdura, de sorte que ses données personnelles pourront continuer à être partagées et transmises à des tiers.

Ainsi, l’identité numérique d’un internaute n’étant pas considérée dans certains cas comme faisant partie du patrimoine de ce dernier, elle ne saurait être transmise à ses ayants droit.

Pour empêcher que Facebook ne puisse se prévaloir de cette licence après la mort d’un internaute, il peut s’avérer judicieux pour ce dernier de prévoir une clause Facebook dans son testament afin d’organiser éventuellement l’avenir de son E-réputation post mortem.

Cependant, cette clause pourrait ne pas être opposable à Facebook qui, à l’instar de nombreux sites, interdit toute transmission de mots de passe à des tiers.

En effet, dans la Déclaration des droits et responsabilité de Facebook, il est stipulé que les utilisateurs de Facebook s’engagent à ne pas communiquer leur mot de passe et à ne laisser personne accéder à leur compte.

Ainsi, une clause testamentaire transmettant à des personnes les mots de passe d’un internaute décédé pourrait ne pas produire d’effets obligatoires à l’égard de Facebook.

En définitive, les services en ligne prévoyant de gérer l’identité numérique d’un internaute après son décès pourraient ne pas procéder à la transmission de certains contenus, dans la mesure où ceux-ci ne seraient pas la propriété du défunt, mais celle des sites internet hébergeurs du contenu.

Cette transmission est d’autant plus difficile que ces services en ligne n’ont pas forcément de valeur légale.

A titre d’exemple, le site www.laviedapres.com précise que : « La Vie d’Après est un outil de communication pour la transmission de souvenirs et d’informations post mortem. Ce site n’a volontairement pas de valeur légale et ne peut pas être utilisé à titre testamentaire »

En outre les clauses testamentaires prévoyant la transmission des codes d’accès aux comptes d’un internaute décédé pourraient ne pas produire d’effets obligatoires à l’égard de nombreux sites internet qui interdisent dans leurs conditions générales d’utilisation (CGU) toute transmission de mots de passe de leurs adhérents à des tiers.

Il ressort de ces développements qu’étant donné l’importance que prend la question de l’avenir de l’identité numérique après un décès, des réponses législatives et jurisprudentielles sur la possibilité des ayants droit de récupérer ou de demander la suppression des données numériques ou contenus d’un défunt seraient plus que bienvenues.

Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).

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Anthony Bem
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