Le 18 décembre 2013, la Cour de cassation a validé le licenciement d’un salarié n’ayant pas respecté l’interdiction faite par le règlement intérieur de son employeur de se connecter sur internet à des fins personnelles. (Cass. Soc., 18 décembre 2013, N° de pourvoi: 12-17832)
Dans un contexte où internet est de plus en plus nécessaire, voire indispensable, pour l’exercice d’une activité professionnelle, les entreprises mettent généralement à la disposition de leurs salariés un ordinateur permettant notamment de se connecter à internet.
Mais pour certains salariés disposant d’un poste de travail informatique connecté à internet, le réseau représente surtout une opportunité pour s’évader quelques instants des contraintes du monde du travail ou de "tuer le temps".
Il s’agit en général de quelques emails échangés avec des amis, de photos ou commentaires publiés sur les réseaux sociaux tels que Facebook, du téléchargement de films ou de fichiers mp3, de consultation de sites de vente en ligne, etc …
Or, ces "escapades numériques" peuvent altérer la qualité du travail des salariés, affecter la productivité de l’entreprise ou compromettre la sécurité du réseau informatique de cette dernière.
Pour tenter de limiter de telles pratiques, certains employeurs recourent à des logiciels de contrôle de l’utilisation d’internet permettant d’analyser les données de connexion de chaque salarié ou de calculer le temps passé sur internet par un salarié déterminé.
Afin de se mettre en conformité avec la loi, de tels dispositifs de contrôle doivent être déclarés à la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL) et portés à la connaissance des salariés.
A défaut, les éventuelles procédures disciplinaires qui seront engagées sur la base de ces dispositifs encourent une annulation par le juge.
Par ailleurs, d’autres employeurs établissent un règlement intérieur ou une charte fixant des limites d’utilisation d’internet telles que l’interdiction de se connecter à internet à des fins personnelles, sous peine de sanctions disciplinaires.
De tels règlements intérieurs et chartes permettent de fixer les droits et obligations des salariés concernant l’utilisation d’internet sur leur poste de travail informatique.
Dès lors, le non-respect par un salarié d’une disposition interne interdisant des connexions sur internet à des fins personnelles peut constituer une faute rendant impossible son maintien dans l’entreprise et justifiant son licenciement.
C’est ainsi qu’il a été jugé en 2010 que « l'utilisation de sa messagerie pour la réception et l'envoi de documents à caractère pornographique et la conservation sur son disque dur d'un nombre conséquent de tels fichiers constituaient un manquement délibéré et répété du salarié à l'interdiction posée par la charte informatique mise en place dans l'entreprise et intégrée au règlement intérieur » et « étaient constitutifs d'une faute grave et justifiaient le licenciement immédiat de l'intéressé.» (Cass. Soc., 15 décembre 2010, n° 09-42691)
L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 18 décembre 2013 s’inscrit dans la droite ligne de cette jurisprudence en validant le licenciement pour faute grave d’un salarié n’ayant pas respecté l’interdiction faite par le règlement intérieur de son entreprise de se connecter à internet à des fins personnelles. (Cass. Soc., 18 décembre 2013, n°12-17832)
Afin que le licenciement du salarié soit valable, il est important d’attirer l’attention sur le fait que l’employeur doit au préalable disposer de la preuve de la faute.
A cet effet, il est nécessaire de faire établir un procès verbal de constat par un huissier de justice aux termes duquel cet auxiliaire de justice établira de manière fiable la réalité des emails échangés et des contenus litigieux.
Au cas présent, l’huissier instrumentaire a notamment constaté dans l’ordinateur d’une collègue du salarié fautif la réception de 178 emails de sa part et accompagnés de vidéos de dessins animés, scènes de sexe, d'humour, de politique, de football féminin.
Contestant son licenciement, le salarié a saisi le conseil des prud’hommes.
La cour d’appel a donné gain de cause au salarié en jugeant que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné l’employeur à lui payer diverses indemnités.
Pour ce faire, les juges d’appel ont estimé qu’il n’était pas démontré par l'employeur que les agissements du salarié avaient porté préjudice à l’entreprise ni que le temps consacré par le salarié à l'envoi de ces messages a été à l'origine d'une négligence des tâches qui lui incombaient, de sorte que le comportement du salarié n’était pas fautif.
Cependant, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt d’appel en reprochant aux juges d’appel d’avoir estimé que le salarié n’avait pas commis de faute alors qu'ils avaient relevé que « le salarié avait, en violation de ses obligations contractuelles et du règlement intérieur de l'entreprise prohibant les connexions sur internet à des fins personnelles, envoyé à ses collègues de travail à partir de l'ordinateur mis à sa disposition par l'entreprise cent soixante dix-huit courriels accompagnés de vidéos à caractère sexuel, humoristique, politique ou sportif, ce qui caractérisait une faute. »
En d’autres termes, le fait pour le salarié d’avoir envoyé à ses collègues plusieurs emails accompagnés de vidéos à caractère sexuel, humoristique, politique ou sportif au moyen de la connexion internet et de l’ordinateur mis à sa disposition par l’entreprise justifie son licenciement pour faute, sans qu’il soit nécessaire de démontrer que ces agissements aient porté préjudice à l’employeur.
Il est important de relever qu’outre l’utilisation intensive d’internet, la faute du salarié à l’origine de son licenciement réside également dans le non-respect du règlement intérieur qui lui interdisait les connexions sur internet à des fins personnelles.
Ainsi, le non respect d’une charte informatique par un salarié rend impossible son maintien dans l’entreprise et justifie son licenciement pour faute grave.
Enfin, la Cour de cassation a également validé le licenciement parce que le salarié avait manqué à ses obligations contractuelles en consacrant son temps de travail à envoyer les emails litigieux, alors qu’il était censé consacrer ce temps à l'accomplissement de sa mission.
Or, la Cour de cassation condamne pénalement, sur le fondement de l'abus de confiance, les salariés qui utilisent leur temps de travail à des fins personnelles (Cass. Crim., 3 octobre 2007, n° 07-82098 ; Cass. Crim., 19 juin 2013, n°12-83031).
Ainsi, une salariée a été condamnée pour avoir, pendant son temps de travail, envoyé et reçu des messages et des annonces à connotation sexuelle, visité de nombreux sites sans rapport avec l'activité professionnelle, enregistré et stocké des images à caractère pornographique, dont certaines la mettaient en scène (Cass. Crim., 3 octobre 2007, n° 07-82098).
Pour conclure, il convient de garder en mémoire que :
- l’utilisation intensive d’internet par un salarié pendant son temps de travail et au moyen de la connexion internet et de l’ordinateur mis à sa disposition par son employeur peut constituer une faute justifiant son licenciement, dès lors qu’un tel comportement méconnait les obligations contractuelles du salarié et/ou le règlement intérieur de l’entreprise, voir même un abus de confiance pour détournement du temps de travail ;
- un tel comportement justifie le licenciement pour faute du salarié, même s’il n’y a pas eu de conséquences préjudiciables pour l’employeur.
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Anthony Bem
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