Le sujet du secret de l’instruction pénale est un thème d’actualité compte tenu que :
- Les médias révèlent de manière quotidienne des informations relatives à différents types d’affaires et de procédures pénales en cours ;
- Nous assistons à l’avènement d’une ère numérique comportant des problèmes de cyber-réputation, de personal branding et de la googlisation généralisée.
La vague internet peut devenir vite une déferlante incontrôlable et notre nom est gravé pour l’éternité à tel ou tel fait « divers », d’hier, appelant à la consécration d’un droit à l’oubli.
En effet, la violation du secret de l’instruction pénale peut causer de graves préjudices d’image à une personne physique ou morale et nuire à sa réputation et son e-réputation.
Or, il convient de rappeler que la violation du secret de l’instruction pénale constitue une infraction punie par le code pénal.
I - Le principe du secret de l’instruction pénale
Le secret de l’instruction est destiné à protéger une enquête en cours et préserver la présomption d’innocence.
En effet, la révélation publique de faits relevant d’une procédure pénale en cours concernant une personne peut ternir l’image de celle-ci envers sa famille, ses amis, ses collègues, son employeur, ses connaissances, etc …
Ainsi, l’article 11 alinéa 1er du Code de procédure pénale dispose que :
« la procédure au cours de l’enquête et de l’instruction est secrète ».
Seules les personnes qui concourent à la procédure sont tenues au secret professionnel, à savoir les magistrats, greffiers, policiers, gendarmes et experts judicaires.
Le secret de l’instruction pénale ne concerne donc pas la personne mise en examen, la victime d’une infraction pénale et les journalistes.
Toutefois, bien que les journalistes ne soient pas légalement tenus de révéler leurs sources, les juges considèrent que la publication d’informations obtenues grâce au recel de la violation du secret de l’enquête est punissable.
Ainsi, le journaliste qui obtient des informations de la part de policiers, de magistrats ou d’avocats, c’est à dire de personnes ayant directement accès à l’instruction, et qui les diffuse pourrait faire l’objet de poursuites pénales et, le cas échéant, de condamnations dans les conditions développées ci-après.
S’agissant des avocats, ils ne concourent pas en tant que tel à la procédure mais ils sont soumis au secret professionnel de sorte qu’ils doivent finalement aussi respecter un secret de l’instruction et s’interdire de communiquer des renseignements ou des documents extraits de procédure pénale en cours.
En principe, même avec le consentement de son client, l’avocat n’a pas le droit de violer le secret de l’instruction.
Enfin, le secret concerne tout ce qui a trait à l’exercice de l’activité ou de la qualité professionnelle.
C’est cette qualité particulière que confère un caractère secret aux informations confiées au magistrat en charge de l’enquête.
II - Recel de violation du secret professionnel : de la nécessité de caractériser la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en aurait été dépositaire
La qualité de l'auteur de l'infraction préalable est un élément constitutif de l'infraction de recel de violation du secret professionnel.
Ainsi, la violation du secret professionnel est conditionnée à l’existence d’un auteur tenu au secret.
Si l'auteur n'a pu être identifié et sa qualité connue, la condition préalable n’est pas établie.
Dans cette droit lignée, la cour de cassation considère que les juges ne peuvent pas condamner une personne pour recel de violation du secret professionnel sans caractériser au préalable la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en aurait été dépositaire.
III – La déconfidentialisation d’une information demandée au juge par un avocat
Le Code de procédure pénale prévoit qu’après la première comparution ou la première audition, les avocats des parties peuvent se faire délivrer, à leurs frais, copie de tout ou partie des pièces et actes du dossier.
La délivrance de cette copie doit intervenir dans le mois qui suit la demande.
Les avocats peuvent transmettre une reproduction des copies ainsi obtenues à leur client.
Celui-ci atteste au préalable, par écrit, avoir pris connaissance des dispositions du code de procédure pénale selon lesquelles le fait, pour une partie à qui une reproduction des pièces ou actes d'une procédure d'instruction a été remise, de la diffuser auprès d'un tiers est puni de 3.750 euros d'amende.
Seules les copies des rapports d'expertise peuvent être communiquées par les parties ou leurs avocats à des tiers pour les besoins de la défense.
L'avocat doit donner connaissance au juge d'instruction, par déclaration à son greffier ou par lettre ayant ce seul objet et adressée en recommandé avec accusé de réception, de la liste des pièces ou actes dont il souhaite remettre une reproduction à son client.
Le juge d'instruction dispose d'un délai de cinq jours ouvrables à compter de la réception de la demande pour s'opposer à la remise de tout ou partie de ces reproductions par une ordonnance spécialement motivée au regard des risques de pression sur les victimes, les personnes mises en examen, leurs avocats, les témoins, les enquêteurs, les experts ou toute autre personne concourant à la procédure.
Cette décision est notifiée par tout moyen et sans délai à l'avocat.
A défaut de réponse du juge d'instruction notifiée dans le délai imparti, l'avocat peut communiquer à son client la reproduction des pièces ou actes dont il avait fourni la liste.
Il peut, dans les deux jours de sa notification, déférer la décision du juge d'instruction au président de la chambre de l'instruction, qui statue dans un délai de cinq jours ouvrables par une décision écrite et motivée, non susceptible de recours.
A défaut de réponse notifiée dans le délai imparti, l'avocat peut communiquer à son client la reproduction des pièces ou actes mentionnés sur la liste.
Les modalités selon lesquelles ces documents peuvent être remis par son avocat à une personne détenue et les conditions dans lesquelles cette personne peut détenir ces documents sont déterminées par décret en Conseil d'Etat.
IV – Les sanctions de la violation du secret de l’instruction pénale : 1 an de prison et 15.000 € d’amende
L’article 11, alinéa 2, du Code de procédure pénale dispose que :
« Toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dans les conditions et sous les peines des articles 226-13 et 226-14 du code pénal. »
Cet article renvoie au délit de violation du secret professionnel prévu et réprimé par l’article 226-13 du code pénal selon lequel :
« La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende. »
Les cas d’exonération, énumérés dans l’article 226-14, sont rares et limités, et ne concernent en aucun cas les médias.
Enfin, en vertu du principe de la liberté de l’information, le secret de l’enquête peut être levé par le procureur de la République qui dispose la faculté de rendre publics des éléments tirés de la procédure, notamment dans le but d’éviter la propagation de rumeurs ou de faire cesser un trouble à l’ordre public.
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Anthony Bem
Avocat à la Cour
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