Le 2 août 2019 le Tribunal de Grande Instance de Lagny-sur-Marne a saisi la Cour de justice de l’Union Européenne de 4 questions préjudicielles.
En l’espèce, le demandeur avait souscrit un prêt en franc suisse afin de rembourser l’achat, en euros, d’un bien immobilier.
Les sommes empruntées en franc suisse ont donc été remboursées en euros, ce qui a impliqué l’application d’un taux de change.
En outre, la variation de taux de conversion entre l’euros et le franc suisse a entrainé une augmentation importante des sommes à rembourser par rapport au capital de départ emprunté.
De plus, le contrat stipulait que les sommes versées afin de rembourser le crédit par le demandeur servirait d’abord à rembourser les intérêts.
Or, le capital restant dû ayant augmenté à cause de l’augmentation du taux de change, le demandeur n’a donc essentiellement remboursé que des intérêts et quasiment pas de capital.
Le demandeur s’est donc retrouvé surendetté et dans l’incapacité de rembourser son prêt, le bien immeuble a été saisis et la vente forcée a été prononcée.
Dans des décisions précédentes (20/02/2019) la Cour de cassation a décidé que ne pouvait pas être déclarées abusives, les clauses du contrat de prêt en franc suisse qui imputent prioritairement le remboursement du prêt sur les intérêts (ce qui a allongé la durée du contrat et augmenté les règlements du fait de la conversion euros/franc) car elles relèvent de l’objet principal du contrat et sont claires et précises.
Toutefois les questions que posent ici le tribunal de Lagny à la Cour de justice de l’Union Européenne cherchent à remettre en cause le fait que ces clauses relèvent de l’objet principal du contrat ainsi que la clarté et la précision des dites clauses.
En effet, le Tribunal ici posent 4 questions :
- Est-ce qu’une clause impliquant des remboursements prioritairement imputés sur les intérêts, prévoyant également un allongement de la durée du contrat, ainsi qu’une augmentation des règlements dans le cas où la variation du taux de change ferait augmenter le capital restant dû, peut être considérée comme constituant l’objet principal de contrat et donc ne peut pas être prise isolément et être considérée comme abusive ?
- Est-ce que cette même clause qui induit un risque de change très important pour l’emprunteur, ne peut pas être interprétée comme créant « un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat » ?
- Le caractère « clair et compréhensible » des clauses d’un contrat de prêt en franc suisse remboursé en euros ne devrait-il pas être apprécié, non seulement au moment de la conclusion du contrat, mais aussi en fonction du « contexte économique prévisible » (tel que celui de 2007 à 2009) qu’un professionnel comme le prêteur ne pouvait pas manquer de connaitre ?
- Le caractère « clair et compréhensible » des clauses du contrat de prêt doit-il être apprécié seulement en fonction des informations objectives et abstraites qui ont été données à l’emprunteur ou doit-il comprendre également des informations sur le contexte économique qui pourrait avoir des conséquences sur la variation des taux de change ?