Ce combat a été amorcé chez nous par un de ses aspects les plus communs, l’emballage non biodégradable. Normalement, notre pays aurait pu être classé parmi les pays à féliciter, comme acteur exemplaire dans ce combat, mais, comme dans d’autres circonstances, le beau texte n’a pas été à même d’atteindre ses objectifs. Il y a donc eu des fleurs, mais pas de fruits. De quel texte s’agit-il ? Et quels en étaient les objectifs attendus ? En répondant à ces questions dans ces lignes, la préoccupation essentielle est de participer à une plus large sensibilisation autour du danger plastique, dont le combat s’inscrit dans la logique de protection des générations actuelles mais surtout futures. Ce n’est pas sans raison que Consumer international a privilégié les actions autour de ce type de pollution cette année. En effet, le premier à souffrir de ces déchets, c’est le consommateur.
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RESSUSCITER LES TEXTES CONTRE LA POLLUTION PLASTIQUE
Le texte phare ici, c’est l’Arrêté conjoint N° 004/ Minepded/Mincommerce du 24 octobre 2012 portant réglementation de la fabrication, de l’importation et de la commercialisation des emballages non biodégradables. Deux ministres de la République ont dû prendre cet arrêté, qui en réalité, est l’un des plus faibles dans la hiérarchie des textes de référence dans ce combat. C’est admirable au plan légistique que l’Arrêté de 2012 vise une liste de textes qui auraient dû rendre ce combat régalien. Pour se limiter aux textes les plus immédiatement liés au sujet, l’Arrêté vise les lois et décrets suivants :
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la loi n° 96/12 du 5 août 1996 portant loi-cadre relative à la gestion de l’environnement ;
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la loi n°98/015 du 14 juillet 1998 relative aux établissements classés dangereux, insalubres ou incommodes ;
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la loi-cadre n° 2011/012 du 06 mai 2011 portant protection du consommateur au Cameroun ;
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le décret n°99/818/PM du 09 novembre 1999 fixant les modalités d’implantation et d’exploitation des établissements classés dangereux, insalubres ou incommodes ;
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le décret n°2005/1928/Pm du 03 juin2005 fixant les caractéristiques métrologiques des produits préemballés ou assimilés et les modalités de leur contrôle ;
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le décret n° 2012/2809/Pm du 26 septembre 2012 fixant les conditions de tri, de collecte, de stockage, de transport, de récupération, de recyclage, de traitement et d’élimination finale des déchets.
L’existence de ces textes, dont le plus ancien date de 1996 pour la question de la protection de l’environnement et de 2021 pour les emballages non biodégradables eux-mêmes, donne à apprécier la conscience politique autour de la question. En effet, la loi de 1996 indiquait déjà aux consommateurs leurs comportements face aux déchets de toute sorte, l’emballage plastique non biodégradable en étant l’un des plus communs. Ainsi, l’article 43 prévoit-elle que « Toute personne qui produit ou détient des déchets doit en assurer elle-même l’élimination ou le recyclage, ou les faire éliminer ou recycler auprès des installations agréées par l’Administration chargée des établissements classés après avis obligatoire de l’Administration chargée de l’environnement ». La loi de 1996 invitait donc déjà les consommateurs soit à éliminer ou à recycler eux-mêmes ces déchets, soit à les faire éliminer ou recycler par l’administration. La variété des déchets est indiscutable : qu’il soit solide (fer, plastique, verre), liquide (résidu de pétrole, gasoil, liquides industriels) voire gazeux. S’il parait que le texte semble viser les déchets d’envergure comme les déchets industriels, rien ne permet de penser qu’il exclut les déchets ménagers. D’ailleurs, en vertu du principe de participation de l’article 9 alinéa e « chaque citoyen a le devoir de veiller à la sauvegarde de l’environnement et de contribuer à la protection de celui-ci ». Ainsi, les quantités de résidu surtout solide retrouvées dans nos sols et dans nos eaux ont permis de comprendre que l’article 43 de la loi de 1996 n’avait pas pu être exécuté, spécialement en ce qui concerne les déchets ménagers. Comment le consommateur camerounais peut-il éliminer le fer, le verre, le plastique ? A quelle administration doit-il s’adresser s’il souhaite éliminer ou recycler ces déchets ? L’objectif de tri sélectif auquel cette loi aurait dû aboutir n’a pas pu être atteint. Il aurait fallu pour cela une véritable éducation écologique, et surtout manifester le caractère coercitif de la loi. Mais sanctionner n’est pas toujours une évidence, surtout si une loi a plusieurs destinataires finaux, et pire encore s’il lui manque des décrets d’application. Le législateur avait promis, pour ce texte de l’article 43, un décret d’application : « Un décret d’application de la présente loi fixe les conditions dans lesquelles doivent être effectuées les opérations de collecte, de tri, de stockage, de transport, de récupération, de recyclage ou de toute autre forme de traitement, ainsi que l’élimination finale des déchets pour éviter la surproduction de ceux-ci, le gaspillage de déchets récupérables et la pollution de l’environnement en général » (article 43 al. 3). Ce décret est toujours attendu.
Le service d’hygiène et de salubrité était devenu le dernier rempart d’effectivité de cette loi. Malheureusement, les comportements en zone urbaine comme en zone rurale n’ont pas toujours intégré les prescriptions du législateur. De nombreux déchets finissent dans les plantations, les forêts environnantes, les rivières et les mers. Si le destinataire de la loi ne respecte pas la loi, il faut conclure à une incapacité de l’Exécutif à faire respecter les lois de la République. Une interdiction est-elle plus aisée à appliquer ? En tout cas, ce fut l’approche adoptée dans le cadre du combat contre le déchet plastique.
Lorsqu’en 2012 intervient l’Arrêté conjoint n° 004/ Minepded/Mincommerce du 24 octobre 2012 portant réglementation de la fabrication, de l’importation et de la commercialisation des emballages non biodégradables, c’est l’article 7 alinéa 1 qui retient toutes les attentions : « (1) Sont interdits, la fabrication, l’importation, la détention et la commercialisation ou la distribution à titre gratuit des emballages plastiques non biodégradables à basses densité inférieure ou égale à 60 microns d’épaisseur (1 micron vaut 1/1000 mm) ainsi que les granulés servant à leur fabrication ». L’Exécutif a pris des dispositions dans la foulée pour briser les volontés contraires, notamment avec des razzias dans les marchés populaires et dans les frontières. Ceci n’a malheureusement duré qu’un certain temps, le temps pour les emballages non biodégradables de prendre de la valeur. Vendus sous cape, ils ont eu le vent en poupe, la ménagère a dû revoir son budget emballage, pas son comportement. Le temps aussi pour les commerçants et industriels de tous bords, et spécialement les boulangers, d’imposer à l’achat des emballages plastiques aux couleurs de l’enseigne, prétendument biodégradables. Le temps aussi pour le consommateur d’apercevoir ci et là quelques échantillons d’emballages biodégradables.
II REACTIVER LA LUTTE CONTRE LA POLLUTION PLASTIQUE
Le consommateur a vu l’Arrêté de 2012 aboutir finalement a une prise de valeur de l’emballage plastique. Quelques années après, tout est revenu au statu quo ante. Aujourd’hui, alors que l’arrêté de 2012 est toujours en vigueur, alors que les contrôleurs du ministère du commerce patrouillent toujours dans nos marchés, l’emballage plastique a fait un retour en force. Personne ne peut garantir qu’il s’agit réellement d’emballage biodégradable. Consumers International se serait-il inspiré de l’exemple camerounais pour fixer le thème de la journée mondiale des consommateurs de l’an de grâce 2021 ? Si c’est le cas, le thème a fait choux blanc au niveau des ministères concernés.
D’abord, force est de constater que le ministère en charge des consommateurs ne fait pas grand cas de la journée mondiale des consommateurs au Cameroun. On n’aura enregistré aucune action spécifique, de communications topiques, d’interventions médiatiques des acteurs administratifs concernés. Aucun son ni image de la sous-direction de la consommation, aucun son ni image du Conseil national de la consommation, et aucune communication du ministre en charge des consommateurs au sujet de l’emballage plastique n’auront permis de restituer leur intérêt pour la thématique. Pire, le ministère initiateur de l’arrêté de 2012 à savoir le ministère de l’environnement et du développement durable n’a pas jugé pertinent de se saisir de la perche tendue par la thématique de la lutte contre le plastique pour relancer les actions autour des emballages non biodégradables. Finalement, les seules activités qui ont prospéré sont celles des associations de consommateurs, relayées par les médias. L’Etat n’aura pas seulement ignoré le thème, mais, toute la Journée elle-même. Qui imagine une Journée internationale du Travail sans des actions spécifiques du ministère du travail ? En fait, il est possible que notre pays ne se sente concerné que par les journées consacrées par les Nations Unies - et encore - au détriment de celles promues par des institutions moins solennelles, comme le serait Consumers international. Au soutien de l’Etat, on sait que chaque jour du calendrier consacre une ou plusieurs journées, et on ne s’attend pas à ce que le Cameroun fasse grand cas du 9 juin, Journée mondiale anti contre façon, mais tout de même ! La journée mondiale du consommateur est la seule journée de l’année qui nous concerne tous, directement. Car, nous sommes tous consommateurs, des bébés aux mémés et pépés, jusqu’aux cadavres qui ne peuvent se passer de consommer cercueil, costumes et divers services funéraires qui rentrent tous dans le champ des actes de consommation. Alors pourquoi le ministère en charge des consommateurs ignore-t-il la Journée mondiale des consommateurs ? Ou doit-on considérer que la thématique du déchet plastique était peu intéressante ?
En tout cas, le 3 juillet n’est pas loin : c’est la Journée mondiale sans sac plastique. Les ministères du commerce et de l’environnement disposent-là d’une seconde chance pour retrouver une crédibilité relativement à leur profession de foi de lutter contre les déchets plastiques que constitue l’Arrêté conjoint n° 004/ Minepded/Mincommerce du 24 octobre 2012 portant réglementation de la fabrication, de l’importation et de la commercialisation des emballages non biodégradables. Une action conjointe de ces deux ministères est vivement attendue. L’une consisterait à exécuter effectivement l’interdiction des emballages non biodégradables et l’autre permettrait de marteler au consommateur son rôle de censeur des professionnels récalcitrants.
Les boulangers et les supermarchés ont tellement fait peu de cas de l’arrêté du 24 octobre 2012 qu’ils ont purement et simplement fait fabriquer des emballages plastiques publicitaires, non pas distribués, mais vendus au consommateur. Ce dernier se contente de récriminer sur les réseaux sociaux, dans l’oubli total que c’est lui qui achète volontairement ces emballages. La décision d’utiliser ces emballages publicitaires et donc de les acheter revient au consommateur, qui jouit corrélativement de la liberté de les ignorer. Mais, c’est une lapalissade de dire qu’il aurait suffi que les deux ministères concernés exécutent l’arrêté sus indiqué pour que le consommateur ne soit plus dans la contrainte d’une option factice entre l’achat de l’emballage publicitaire de la boulangerie ou du supermarché et l’utilisation d’un autre emballage qu’il fournirait lui-même. C’est aussi le lieu de rappeler que les options aux emballages non biodégradables, mesures d’accompagnement attendues suite à l’arrêté de 2012, restent encore d’une exceptionnelle rareté. Peu de consommateurs auront finalement vu de leurs yeux les plastiques biodégradables. Alors comment lutter contre les plastiques si rien ne les remplace ?