PLAN
I/ LE CONTENTIEUX DE LA LEGALITE DES ACTES COMMUNAUTAIRES
II/ LE CONTENTIEUX DE L’INTERPRETATION DES ACTES COMMUNAUTAIRES
III/ LE CONTENTIEUX DE L’INDEMNISATION FONDE SUR UN ACTE COMMUNAUTAIRE
IV/ AUTRES RECOURS : RECOURS D’URGENCE ET RECOURS EXTRAORDINAIRES
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Le juge national étant le juge communautaire de droit commun, seuls deux types de contentieux ont été attribués à la Chambre judiciaire de la Cour de justice de la CEMAC relativement aux actes communautaires: Le contrôle de la légalité et le recours en interprétation des actes communautaires. La justification de l’existence de ces deux compétences prépondérantes est donnée dans le Préambule de la Convention régissant la CJ/CEMAC : Il est essentiel que « le droit communautaire découlant des Traités et Conventions soit appliqué dans les conditions propres à garantir la mise en place d’une jurisprudence harmonisée». Aussi le législateur communautaire a-t-il ouvert les possibilités de mise en œuvre de ces recours. Ils s’exercent, soit dans le cadre du recours direct soit dans le cadre du recours préjudiciel. Dans tous les cas, Ces deux contentieux peuvent déboucher sur un contentieux de l’indemnisation fondée sur l’illégalité ou la mauvaise application d’un acte communautaire du fait d’une interprétation erronée.
I/ LE CONTENTIEUX DE LA LEGALITE DES ACTES COMMUNAUTAIRES
Ce recours est encore appelé le contentieux en appréciation de validité.
FONDEMENT
Comme une compétence générique de la Chambre judiciaire de la CJ CEMAC, le contrôle de légalité est un principe posé tant dans le traité, la Convention régissant la Cour que dans l’Acte additionnel portant statut de ladite chambre :
Ainsi, « dans son rôle juridictionnel, la Cour de justice rend, en dernier ressort, des arrêts sur les cas de violation des traités de la CEMAC et des conventions subséquentes dont elle est saisie… » (Article 4 du Traité).
En effet, « la Chambre judiciaire connaît, (…) de tous les cas de violation des traités de la CEMAC et des Conventions subséquentes…,» toute partie pouvant à l’occasion d’un litige soulever l’exception d’illégalité d’un acte juridique d’un Etat membre ou d’un organe de la CEMAC », Régulièrement saisie, la Chambre judiciaire « contrôle la légalité des actes juridiques déférés à sa censure » (article 14 Convention).
V. Dans le même sens, le point 3 l’article 48 de l’Acte additionnel portant statut de la Chambre judiciaire de la CJ-CEMAC.
ACTES COMMUNAUTAIRES CONCERNES
Tous les actes communautaires ne sont pas concernés par le contentieux de l’appréciation de la légalité. En toute logique, les textes relevant du droit communautaire primaire (Traité, Convention et actes additionnels) ne sauraient faire l’objet d’un contentieux en appréciation de légalité. A priori, leur censure reste difficile à envisager ; Ils constituent déjà la référence de l’appréciation de légalité (V. article 4 de la Convention régissant la Cour). Il en résulte que seuls les actes issus du droit dérivé peuvent être soumis à l’appréciation du juge communautaire dans le cadre de ce recours. Il s’agit : des règlements, des directives, des décisions, des avis etc. (Lire, sur ce blog, l’article sur les actes communautaires).
CADRE DU RECOURS EN APPRECIATION DE LA LEGALITE
Recours direct ou recours préjudiciel, selon le cas :
RECOURS DIRECT : Tous les cas de violation des textes communautaires peuvent faire l’objet d’un recours direct devant le juge communautaire, qu’il s’agisse d’un texte communautaire ou d’un texte national. Par ailleurs, l’exception d’illégalité peut être soulevée à l’occasion de tout litige, quelque soit le demandeur : Etat membre, organe ou Institution communautaire, personne physique ou morale, dès lors qu’il présente un intérêt certain et légitime (Article 14 de la Convention régissant la Cour).
RECOURS PREJUDICIEL : La nécessité d’un recours en appréciation de la légalité d’un acte communautaire peut s’imposer dans le cadre d’une procédure judiciaire nationale dans laquelle le droit communautaire est invoqué. Dan ce cas, l’appréciation de la légalité sera faite dans le cadre d’un renvoi préjudiciel du juge national saisi vers le juge communautaire (article 17 de la convention régissant la CJ-CEMAC).
DECISIONS
Lorsque, suite à son appréciation, la Cour constate qu’un acte communautaire n’est pas conforme aux textes communautaires fondamentaux et subséquents, elle doit procéder à sa censure (article 14 in fine de la Convention régissant la CJ CEMAC). Le juge déclare l’acte attaqué non-conforme. Cette censure prend la forme de l’annulation de l’acte communautaire attaqué (V. ARRÊT N°003/CJ/CEMAC/CJ/08 du 20/11/2008, Aff.: MOKAMANEDE John Wilfrid C/ Commission CEMAC : Annulation d’une décision du Conseil des ministres de l’UEAC excluant un fonctionnaire du corps des fonctionnaires de l’EIED, illégalité tirée de l’incompétence du Conseil des ministres à prononcer l’exclusion de ce fonctionnaire ; ARRET N° 010/CJ/CEMAC/CJ/09 DU 13/11/2009 ; Affaire : SIELIENOU Christophe et Autres C/ Décision COBAC N° 2008/52 - Amity Bank Cameroon PLC - Autorité Monétaire du Cameroun : illégalité de la décision COBAC portant nomination d’un mandataire, la Convention de la COBAC prévoyant la désignation d’un administrateur provisoire ou d’un liquidateur).
L’annulation peut être totale ou partielle, et ne porter que sur la partie illégale de l’acte communautaire en cause (V. ARRÊT N°003lCJ/CEMAC/CJ/03 Du 03/07/2003, Affaire: TASHA LOWEH Lawrence C/ Décision COBAC D-2000/22, et - Amity Bank Cameroon PLC, dans laquelle le juge annule la décision COBAC attaquée sur le seul point de la démission d’office du Président du conseil d’administration, que la COBAC n’a pas le pouvoir de démettre de ses fonctions, maintenant la décision sur le point de la démission d’office le Directeur Général d’Amity Bank, selon les pouvoirs que lui confère la Convention la régissant).
PORTEE ET EXECUTION DES ARRETS D’ANNULATION : L’annulation de l’acte est rétroactive, l’acte annulé étant censé n’avoir jamais existé. L’exécution d’une décision annulant un acte communautaire incombe à l’institution ou l’organe qui l’a adopté. Il lui appartient de tirer toutes les conséquences de l’annulation de son acte et de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de l’exécution de l’arrêt d’annulation (article 16 de la Convention régissant la CJ-CEMAC). Le juge ne saurait prononcer une injonction à l’encontre d’une Institution ou d’un organe communautaire.
II/ LE CONTENTIEUX DE L’INTERPRETATION DES ACTES COMMUNAUTAIRES
Plus étendue que l’appréciation de la légalité, le contentieux de l’interprétation des actes communautaires apparaît comme l’instrument véritable de l’harmonisation de la jurisprudence communautaire en vue d’une application uniforme du droit communautaire dans toutes la Communauté. Elle est l’instrument favorisant la lutte contre la disparité des jurisprudences devant les juridictions nationales appelées à appliquer le droit communautaire.
FONDEMENT
Traité : article 5 du traité (précité).
Article 4 de la Convention régissant la CJ.CEMAC :
« Dans son rôle juridictionnel, la Cour de Justice (…) est juge, en dernier ressort, du contentieux de l’interprétation des Traités, Conventions et autres Actes juridiques de la C.E.MA.C. ».
Dans le même sens : Article 48 de l’Acte additionnel portant règles Statut de la Chambre judiciaire de la CJ /CEMAC :
« La Chambre connaît notamment :
(…) b) En dernier ressort: 1) des recours directs ou préjudiciels en interprétation des actes juridiques, des Traités, conventions et autres textes subséquents de la CEMAC (…) ».
ACTES COMMUNAUTAIRES CONCERNES : Tous les actes communautaires, des actes du droit primaire aux actes du droit dérivé. La manifestation la plus commune de cette compétence d’interprétation est celle que la Cour exerce sur ces propres arrêts (Ex. ARRÊT N°OO2/CJ/CEMAC/CJ/04 du 16/12/2004 ; Affaire : TASHA LOWEH Lawrence C/ Arrêt n° 003/CJ/CEMAC/CJ/03 et Société Amity Bank Cameroon PLC, (Intervenante).
CADRE DU RECOURS EN INTERPRETATION
Recours préjudiciel en principe / recours direct par défaut :
RECOURS PREJUDICIEL EN PRINCIPE: Selon l’article 17 de la Convention régissant la Cour de justice communautaire, le recours en interprétation doit en principe être exercé par la voie du renvoi préjudiciel :
Article 17 – La Chambre Judiciaire statue à titre préjudiciel sur l’interprétation du Traité de la C.E.M.A.C. et des Textes subséquents, sur la légalité et l’interprétation des Statuts et des Actes des Organes de la C.E.M.A.C., quand une juridiction nationale ou un organisme à fonction juridictionnelle est appelé à en connaître à l’occasion d’un litige (…) ».
RECOURS DIRECT PAR DEFAUT : Cependant, afin de faire triompher l’interprétation des actes communautaires, le législateur a prévu un recours direct exceptionnel. C’est l’article 19 de la Convention régissant la CJ/CEMAC qui en révèle la quintessence : si les règles régissant le recours préjudiciel sont mises en échec devant une juridiction nationale, aboutissant à une interprétation erronée des traités et autres actes communautaires, alors, le secrétaire exécutif, tout autre organe de la CEMAC ou toute personne physique ou morale peut en référer à la Cour. Elle se doit alors de rendre un arrêt donnant les interprétations exactes qui s’imposeront certes à toutes les juridictions des Etats membres dans la Communauté, mais principalement à la juridiction défaillante.
DECISION
En tant que garante de l’uniformisation de la jurisprudence communautaire, la Cour est seule investie de la mission fondamentale de « délivrer de l’acte juridique communautaire obscure, sujet d’un doute, la seule interprétation authentique ». Aussi les arrêts en interprétation sont-ils rendus en dernier ressort, non pas qu’il existe une autre juridiction de premier ressort, mais pour marquer l’exclusivité de la compétence de la Cour en matière d’interprétation.
LA PORTEE DES ARRETS D’INTERPRETATION : Les arrêts d’interprétation s’imposent à toutes les autorités juridictionnelles et aux organismes à compétence juridictionnelle dans la Communauté (COBAC, COSUMAF, etc.).
« Article 18 – Les interprétations données par la Chambre Judiciaire en cas de recours préjudiciel s’imposent à toutes autorités administratives et juridictionnelles dans l’ensemble des Etats membres (…)».
Afin de prétendre à l’harmonisation effective de la jurisprudence communautaire, deux caractéristiques fondamentales sont conférées à l’arrêt préjudiciel d’interprétation : il présente un caractère obligatoire et général.
Dans tous les cas, les juridictions nationales et les organismes à compétence juridictionnelle qui ne se conforment pas à la jurisprudence rendue dans le cadre du contentieux préjudiciel en interprétation encourt la sanction de leurs arrêts dans le cadre d’un recours en appréciation de légalité : il porte tant sur les actes nationaux que les actes communautaires, tous devant être en conformité avec le droit communautaire. Par ailleurs, les Etats dont la juridiction est ainsi mise en cause pourraient dans l’avenir être poursuivis par la mise en œuvre du recours en manquement institué par l’article 4 du Traité révisé le 25 juin 2008.
III/ LE CONTENTIEUX DE L’INDEMNISATION FONDE SUR UN ACTE COMMUNAUTAIRE
Le contentieux de la responsabilité extracontractuelle est expressément prévu par l’article 20 de la convention régissant la CJ/CEMAC.
FONDEMENTS
Article 20 – La Chambre Judiciaire connaît, en dernier ressort, des litiges relatifs à la réparation des dommages causés par les Organes et Institutions de la Communauté ou par les agents de celle-ci dans l’exercice de leurs fonctions (…) ».
La Chambre judiciaire est seule chargée de protéger les divers sujets de droit contre les agissements illégaux et dommageables des institutions, agents ou organes de la Communauté. Ces dommages peuvent être le fait d’un acte qui fait grief du fait de son caractère illégal. Le contentieux de la fonction publique communautaire offre une illustration variée d’actes communautaires faisant grief, encourant ainsi la censure du juge communautaire (V. Fiche sur le Contentieux de la fonction publique : V. ARRÊT N°003/CJ/CEMAC/CJ/08 du 20/11/2008, Affaire: MOKAMANEDE John
Wilfrid C/ Commission CEMAC, précité). De même, dans le cadre de sa mission de régulation du droit communautaire bancaire, la COBAC est amenée à prendre des actes dont la nature dommageable plus que leur illégalité certaine font grief aux établissements de crédits, ce qui justifie la saisine de la Cour dans le cadre du contentieux en annulation à titre principal et en réparation à titre secondaire.
AUTRES RECOURS : LES RECOURS D’URGENCE ET ET LES RECOURS EXTRAORDINAIRES
NB/
Le recours en appréciation de légalité comme le recours en interprétation constituent les recours ordinaires. Par ailleurs, l’acte additionnel portant règles de procédure devant la Chambre judiciaire de la CJ.CEMAC consacre d’une part, les recours d’urgence et d’autres par les recours extraordinaires comme suites procédurales possibles d’un recours ordinaire.
RECOURS D’URGENCE :
REFERE : Les parties peuvent solliciter des mesures provisoires ou des mesures conservatoires (article 54).
SURSIS A EXECUTION : Les parties peuvent également solliciter du juge communautaire le sursis à exécution d’un acte communautaire, mais cette requête est subordonnée à un recours principal en annulation (article 57).
RECOURS EXTRAORDINAIRES : Il s’agit des voies de recours prévues aux articles 94 et suivants des règles de procédure devant la Chambre judiciaire. Il s’agit : du recours en opposition, du recours en tierce-opposition, le recours en révision, le recours en interprétation, le recours en rectification d’erreur matérielle.
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BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE
Joel Molinier, Jaroslaw LOTARSKI, Droit du contentieux européen. LGDJ, Collection Systèmes Droit.2009.
PIERRE KAMTOH, La Cour de justice de la CEMAC : compétence et procédure devant la Chambre judiciaire. Inédit. Document de vulgarisation de la Cour. 2008.
GEORGES TATY, Le Règlement du contentieux communautaire par la méthode du recours préjudiciel dans l’espace CEMAC. Inédit. Document de vulgarisation de la Cour. 2008.