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Key Competition and Consumer Protection Priorities for Regional Integration in Africa
17 June 2020
14h00 – 16h00 (CEST)
LE CAS DE LA CEMAC
Je remercie la CNUCED pour l’organisation de ce webinaire, qui nous permet, par ces temps limitant notre dynamisme du fait d’une pandémie virale, de poursuivre grâce aux ondes, les réflexions sur LES PRIORITÉS EN MATIÈRE DE CONCURRENCE ET DE PROTECTION DES CONSOMMATEURS POUR L'INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE. Très honorée d’y participer, j‘exprime ma reconnaissance à la CNUDED de me donner cette opportunité de partage avec de grands spécialistes de la Concurrence et de la consommation, un de mes sujets scientifiques de prédilection.
Dans le cadre de cet échange, la présente intervention porte sur le cas de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale. Dans un contexte d’émergence de la culture de concurrence et de protection du consommateur, tout semble prioritaire. Et d’ailleurs, certains sujets apparaissent plutôt comme préliminaires. Tenant compte de la définition du mot PRIORITE selon le dictionnaire le LITTRE, à savoir « État d'une chose qui est la première de plusieurs autres, ou qui est avant une autre », j’aurais pour nous une présentation assez pragmatique en six points, qui se tiennent ensemble pour à la fois justifier les priorités de ma sélection ainsi que leur ordre d’apparition.
D’abord je ferai une petite introduction, limitée à donner les acquis normatifs qui existent déjà en matière de concurrence et de consommation. Ensuite, je présenterai 3 priorités, parmi lesquelles, ce qui m’apparait comme étant un préliminaire, celui de L’APPROPRIATION DES TEXTES PAR LES ETATS MEMBRES suivi des trois autres priorités qui sont, à mon sens :
- L’EFFECTIVITE INSTITUTIONNELLE NATIONALE ET COMMUNAUTAIRE
- LA FORMATION DES ACTEURS ETATIQUES ET COMMUNAUTAIRES
- L’OUVERTURE SOUS REGIONALE ET CONTINENTALE.
Je terminerai avec une conclusion, laquelle sera heureuse puisque l’avènement de la Zone de libre échange continentale africaine, est porteuse de grands espoirs.
Pour introduire cette réflexion, je voudrais d’abord rappeler que la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale est ce que l’Union africaine classe parmi les initiatives communautaires d’intégration. Elle compte 6 Etats membres avec plus de 36 millions de consommateurs. Créée en 1994, elle entend mettre en place un Marché commun, et dans ce sens elle dispose d’un certain acquis normatif en droit de la concurrence dont l’an 2019 est le tournant historique. En effet, avant 2019, la CEMAC disposait de trois règlements en la matière : une sur les pratiques anticoncurrentielles, et l’autre sur les pratiques étatiques, adoptés en 1999. Ces deux premiers règlements avaient été réformés en 2005. En matière de protection des consommateurs, la CEMAC ne disposait pas d’un texte spécifique. A partir de 2019, la CEMAC est entrée dans une ère nouvelle à l’issue de la mise en œuvre du PROJET DE RENFORCEMENT DE LA CONCURRENCE ET DE LA PROTECTION DES CONSOMMATEURS EN AFRIQUE CENTRALE déclenchée en 2017. Ce projet a atteint un de ses objectifs majeurs avec l’élaboration et l’adoption de 3 textes par le Conseil des ministres de l’UEAC.
En matière de CONCURRENCE.
1- Règlement n°06/19-UEAC-639-CM-33 du 07 avril 2019 relatif à la concurrence.
2- Directive n°01/19-UEAC-639-CM-33 du 08 avril 2019 relative à l’organisation institutionnelle dans les Etats membres de la CEMAC pour l’application des règles communautaires de la concurrence.
En matière de CONSOMMATION:
Directive n° 02/19-UEAC-639-CM-33 du 8 avril 2019 harmonisant la protection du consommateur au sein de la CEMAC.
A partir de ces fondements normatifs, les priorités de la CEMAC en matière de concurrence et de protection du consommateur ont été redéfinies. La priorité première est désormais l’appropriation de ces textes par l’ensemble des parties prenantes, dont l’une des premières est les Etats membres de la CEMAC.
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APPROPRIATION DES TEXTES PAR LES ETATS MEMBRES.
Concernant cette première priorité, à savoir l’appropriation des textes par les Etats membres, elle se décline en deux branches.
Il y a, primo, c’est un préliminaire juridique, qui s’inscrit dans l’urgence, à savoir, la transposition par les Etats membres, de deux normes de directives adoptées en 2019. Il s’agit, en matière de concurrence, de la Directive n°01/19-UEAC-639-CM-33 du 08 avril 2019 relative à l’organisation institutionnelle dans les Etats membres de la CEMAC pour l’application des règles communautaires de la concurrence. Et, en manière de CONSOMMATION, nous pensons à la Directive n° 02/19-UEAC-639-CM-33 harmonisant la protection du consommateur au sein de la CEMAC.
Il y a, secundo, un préliminaire social s’impose d’intensifier la culture de la concurrence et de la protection du consommateur, pour asseoir les bases de la réception de ces textes par ses premiers sujets immédiats, à savoir, les entreprises, les consommateurs, les Etats membres et la Communauté, lesquels partagent de manière graduelle la responsabilité de son application.
Ce préliminaire social devient d’ailleurs urgent, car avec l’avènement très proche de la Zone de libre échange continentale (ZLECAf), les textes de 2019 constitueront pour le Marché commun de la CEMAC, le seul bouclier en attendant les textes et les institutions concurrence et consommation de la ZONE.
L’appropriation des textes par les Etats membres s’impose donc comme un préalable, lequel facilitera la résolution des problématiques posées par la deuxième priorité qui est, selon nous – l’effectivité des institutions nationales et communautaire en matière de concurrence et de consommation.
2- L’EFFECTIVITE DES INSTITUTIONS NATIONALES ET COMMUNAUTAIRE
LES textes de 2019 ont défini une politique institutionnelle qui prend en compte l’objectif de l’intégration sous régionale. La formalisation de la mise en réseau des institutions créées, tant en matière de concurrence que de consommation devrait y concourir.
Au plan institutionnel, en matière de CONCURRENCE, au niveau communautaire, nous avons la Commission de la CEMAC qui est déjà en place, ainsi que son Département du Marché commun. C’est cette Commission que le Règlement n°06/19 a défini comme Instance faitière des procédures de concurrence. Mais, elle ne pourrait travailler tant que le Conseil communautaire de la concurrence, organe technique d’enquête et d’instruction dans les procédures de concurrence n’a pas été installé. Enfin – la coopération entre la Commission et les autorités internes de la concurrence, laquelle fait de l’échange d’informations une obligation, débouchera sur la mise en réseau des autorités nationales et communautaire de la concurrence. Ceci présuppose que les Etats membres disposent déjà de leurs instances internes de la concurrence, problématique d’ailleurs largement étudié au cours du déploiement du projet de renforcement de la concurrence et de la protection des consommateurs en Afrique Centrale.
En matière de CONSOMMATION, la Directive 02/19 définit des organes précis tant au niveau national que communautaire.
Au niveau national, chaque Etat membre doit se doter d’une institution publique en charge des questions de protection des consommateurs, d’un service d’aide juridique au consommateur et enfin, d’un Conseil national de la consommation. Ce Conseil sera doté de deux Commissions, la commission des clauses abusives et la commission de la sécurité des consommateurs. Au niveau communautaire, la Communauté doit indiquer aux Etats membres une Instance communautaire en charge de la politique de protection du consommateur et mettre en place un système commun d’échange d'informations sur les produits dangereux. L’effectivité institutionnelle va de pair avec la nécessité de formation des acteurs du droit de la concurrence et du droit de la protection des consommateurs.
3- FORMATION DES ACTEURS ETATIQUES ET COMMUNAUTAIRES
Il faudrait situer la formation des acteurs étatiques et communautaires à un rang de priorité ex aequo, car ce serait profondément préjudiciable sur le plan de l’efficience d’installer des institutions dotées de ressources humaines inadéquates tant au niveau des compétences que de l’expérience. Cette troisième priorité de la formation des ressources humaines institutionnelles doit s’accompagner de la sensibilisation et de l’éducation des sujets du droit de la concurrence et du droit de la protection du consommateur.
Concernant les EXPERTS ETATIQUES ET COMMUNAUTAIRES, la nécessité s'accroit de développer une expertise régionale en matière de concurrence et de protection du consommateur. Il faudrait réitérer dans la foulée, la sensibilisation au recrutement des seuls experts en matière de concurrence et de protection du consommateur.
Au sujet des ENTREPRISES ET JURISTES PROFESSIONNELS, l’appropriation des nouveaux textes, connaissance des procédures de concurrence et de protection du consommateur leur facilitera la réceptivité des différentes politiques en la matière.
Personnages centraux des deux politiques, les CONSOMMATEURS présentent, au regard du grand pourcentage d’analphabètes et d’exclus du numérique, un grand besoin en éducation, formation et sensibilisation sur la réalité de leur protection juridique.
Pour leur part, les ORGANISATIONS DE LA SOCIETE CIVILE devraient toutes se sentir concernées par la politique de concurrence et de protection des consommateurs, du fait de la transversalité des questions de concurrence et de protection du consommateur. On rappelle que leur lien avec les droit de l’homme ont été établis. Il s’avère donc nécessaire de les impliquer dans les actions de formation et de vulgarisation des nouveaux textes, avec force insistance autour de la connaissance des procédures de concurrence et de protection des consommateurs. Cette insistance concerne particulièrement les associations de protection des consommateurs comme les associations et regroupement d’entreprises.
Ainsi, les questions de concurrence et de consommation a une forte dimension géographique dès lors qu’on rappelle le sujet de l’intégration sous-régionale. En effet, les facteurs de production circulent d’une Communauté à l’autre, obligeant ces Communautés à un commencement de dialogue, à défaut d’une véritable règlementation sur la protection de leurs sujets de droit. Ainsi, avons-nous identifié l’ouverture sous régionale et continentale comme la quatrième priorité.
4- OUVERTURE SOUS REGIONALE ET CONTINENTALE
En effet, en matière de concurrence comme de consommation, les communautés africaines n’ont pas le même niveau de protection juridique, ni même, le même niveau d’effectivité de leurs normes, quand elles existent. L’ouverture d’un dialogue intercommunautaire permettrait de mettre les bases d’une intervention commune autour des préoccupations identifiées comme continentales, en lien avec la concurrence et la protection de leurs consommateurs, comme, la circulation des produits dangereux, contrefaits et le dumping. Ce dialogue pourrait permettre d’organiser ensemble la prise en charge des dangers d’envergure continentale et leurs conséquences.
L’actualité de la Pandémie du COVID 19 nous offre à cet égard une bonne illustration. Chaque Communauté a décidé seule de la fermeture de ses frontières, ce qui a abouti à une restriction des activités de dimension sous-régionale notamment dans le transport aérien, et même une cessation totale de la libre circulation des personnes, sans une réflexion préalable, qu’un cadre de dialogue intercommunautaire aurait facilité. Une telle réflexion aurait permis d’en contrôler à la fois la nécessité et les contours, et pourquoi pas, par une coopération plus poussée, d’envisager, par une mutualisation des moyens financiers, de prendre en charge les questions touchant à la protection de la santé de leurs citoyens.
Voila identifiés, à notre sens, quatre pôles de priorités en matière de concurrence et de protection des consommateurs pour l'intégration régionale en Afrique.
EN GUISE DE CONCLUSION,
Nous noterons, forte par ailleurs de notre participation personnelle sur le terrain, que la CNUCED a permis d’embrasser pour leur donner un excellent commencement de réponses, la plupart des priorités développées dans notre Présentation. En effet, les activités déployées dans le cadre du projet de renforcement de la concurrence et de la protection des consommateurs en Afrique Centrale (2017-2019) ont généré un double bénéfice:
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La sensibilisation à la culture de la concurrence et de la protection du consommateur dans les 6 Etats membres;
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L’adoption des textes communautaires en matière de concurrence et de protection du consommateur.
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On peut donc conclure que les actions futures autour des priorités se déploieront à partir de bonnes bases normatives dans six Etats désormais ouverts à la culture de la concurrence et de la protection du consommateur. Cette réflexion conduit a accueiller très favorablement les perspectives ouvertes par la zone de libre échange continentale en matière de concurrence et de protection des consommateurs.
MERCI POUR VOTRE ATTENTION