CEMAC: LES DROITS DE LA DEFENSE DEVANT LA COUR DE JUSTICE COMMUNAUTAIRE

Publié le 01/07/2014 Vu 6 033 fois 0
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Les textes régissant la Cour de justice de la CEMAC ne donnent que des prescriptions liminaires relativement aux droits de la défense. Il est revenu au juge de définir le contenu des droits en question. En revisitant la jurisprudence, il est possible d'apprécier le bilan de cette construction jurisprudentielle des droits de la défense.

Les textes régissant la Cour de justice de la CEMAC ne donnent que des prescriptions liminaires relativement

CEMAC: LES DROITS DE LA DEFENSE DEVANT LA COUR DE JUSTICE COMMUNAUTAIRE

PLAN

I- LES FONDEMENTS COMMUNAUTAIRES DES DROITS DE LA DEFENSE

II- LA CONSECRATION DES FONDEMENTS INTERNATIONAUX DES DROITS DE LA DEFENSE PAR LA CJ.CEMAC

III/ LA SANCTION DU NON RESPECT DES DROITS DE LA DEFENSE PAR LA CJ.CEMAC

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L’organisation de la représentation des parties devant la CJ.CEMAC (lire article sur ce blog) donne déjà un aperçu de la volonté du législateur de conférer aux droits de la défense une plénitude d’expression devant la juridiction communautaire. En effet, le rôle prépondérant de la représentation, dont l’action consiste à la fois à conseiller et à défendre une partie, est de veiller aux droits des justiciables, en tête desquelles le respect de ses droits procéduraux fondamentaux. Les droits de la défense ont en effet été considérés tant au niveau national qu’international comme des droits fondamentaux de la personne. Le droit processuel communautaire de la CEMAC reste nouveau, mais, tant les textes relatifs à la Cour que sa jurisprudence permettent aujourd’hui de rendre compte du niveau de protection des droits de la défense devant cette Cour, qui reste la garante de la construction d’une Communauté de droit à laquelle prétend la CEMAC.

Le principe d’une reconnaissance pleine et entière des droits de la défense est indiscuté devant la CJ.CEMAC, mieux, la question de leur fondement vient d’être tranchée par la Cour dans son arrêt du 31 mars 2011. Avant cette jurisprudence de principe rendue dans le cadre de l’affaire AMITY BANK (ARRET N°012/2011 DU 31 MARS 2011 ; Affaire : Banque Atlantique du Cameroun – COBAC - Autorité Monétaire du Cameroun - Amity Bank Cameroon PLC C/ Arrêt n°010/CJ/CEMAC/CJ/09 du 13 Novembre 2009). Une exploration des textes donnait cependant pour acquis un niveau élevé protection des droits de la défense dans la CEMAC tous entière.

 I - LES FONDEMENTS COMMUNAUTAIRES DES DROITS DE LA DEFENSE

Le respect des droits de la défense devant la juridiction communautaire s’impose comme une exigence nécessaire à la création d’une Communauté de droit. Cette philosophie générale de la construction de notre système communautaire est abondamment exprimée dans les textes communautaires :

  • la profession de foi des Etats membres de la CEMAC, attachés, au sens du point 6 du préambule du Traité qui les unit, aux principes de liberté, de démocratie et de respect des droits fondamentaux et de l’Etat de droit.

  • La Convention révisée de l’Union Economique de d’Afrique Centrale (UEAC) qui consacre en sa section 8, qui invite à instituer une coordination des politiques nationales dans les domaines, entre autre, de la « bonne gouvernance et des droits de l’Homme », invitant les institutions communautaires à engager des actions susceptibles « d’améliorer l’accès à la justice ».

Au-delà de ces professions de foi en faveur des droits de l’homme, quatre grandes familles de droits de la défense sont clairement consacrées dans les textes régissant la Cour de justice communautaire :

LE DROIT AU JUGE : L’article 14 de la Convention régissant la Cour institue un droit de recours au juge, ouvert à tous : Etats membres, Organes communautaires, toute personne physique ou morale, justifiant d’un intérêt certain et légitime. Une telle interprétation de ce texte a d’ailleurs été confirmée par le juge communautaire, dans son arrêt du 31 mars 2011, AMITY. Il explique au demeurant que « la primauté du droit qui découle du préambule du Traité de la CEMAC ne se conçoit guère sans la possibilité d’accès au juge communautaire ».

LE DROIT A LA DEFENSE : L’article 8 de l’Acte additionnel portant règles de procédures devant la Chambre judiciaire pose le principe de la représentation des parties. Cette organisation de la représentation constitue déjà la mise en œuvre d’un droit fondamental, le droit d’être défendu. La Cour entend donner une pleine effectivité à ce droit, en conférant aux représentants tous les droits, garanties et privilèges nécessaires à l’exercice de leurs fonctions.

LE RESPECT DU CONTRADICTOIRE : Le droit de discuter de tous les éléments de la procédure est un droit fondamental des parties. Sa mise en ouvre impose deux autres droits : le droit d’accès au dossier et le droit de répondre aux écrits de la partie adverse. Le législateur communautaire a consacré ces droits aux articles 26 et 27 de l’Acte additionnel portant règles de procédures devant la CJ.CEMAC. Il confère aux parties deux interlocuteurs, le greffier et le juge rapporteur, qui ont pour mission d’assurer l’effectivité de ces droits, par la communication des pièces, la notification, etc. Par ailleurs, le droit au contradictoire s’étend à toutes les mesures d’instruction que le juge rapporteur peut décider : les enquêtes (art. 32), la descente sur les lieux (art. 40) etc.…

LE DROIT D’ETRE ENTENDU : L’article 37 de l’Acte additionnel portant règles de procédure devant la Chambre judiciaire organise l’audition des parties. Cette audition s’étend tout au long de la procédure, devant le juge rapporteur, qui peut solliciter un juge national à cette fin, par la voie de la commission rogatoire. Elle trouve son accomplissement à l’audience.

II- LA CONSECRATION DES FONDEMENTS INTERNATIONAUX DES DROITS DE LA DEFENSE PAR LA CJ.CEMAC

ARRET DE PRINICPE : ARRET N°012/2011 DU 31 MARS 2011 ; Affaire : Banque Atlantique du Cameroun – COBAC - Autorité Monétaire du Cameroun - Amity Bank Cameroon PLC C/ Arrêt n°010/CJ/CEMAC/CJ/09 du 13 Novembre 2009.

Jusqu’au 31 mars 2011, le principe du respect des droits de la défense certes acquis, restait une réalité conceptuelle sans fondement textuel de référence autre que les textes communautaires sus évoqués. Dans sa décision du 31 mars 2011, la Cour de justice communautaire a entendu cristalliser définitivement dans sa jurisprudence sur les fondements internationaux de ces droits.

Bref rappel des faits : Dans cette procédure de droit bancaire communautaire, la COBAC avait pris une décision de redressement d’AMITY BANK, suite à la conclusion d’un protocole d’accord avec une banque tierce, ATLANTIC BANK. Ledit protocole d’accord avait été rendu confidentiel aux actionnaires de la Banque en redressement, qui saisirent la Cour en annulation tant de la décision COBAC que du protocole d’accord en question, se fondant, entre autres, sur la violation des droits de la défense du fait de la non-communication de ce document qui s’avérait finalement décisif. Ils obtinrent gain de cause dans l’arrêt rendu en novembre 2009. Une procédure en tierce opposition fut engagée par ATLANTIC BANK qui, entre autre moyens, demandait l’irrecevabilité de la requête en annulation pour défaut de production du protocole d’accord. Condamnant cette instrumentalisation du secret par la COBAC, comme attentatoire aux droits de la défense, le juge dit pour droit que le secret opposé par la COBAC se saurait par la suite compromettre le droit au recours au juge :

« Attendu que le droit d’accès au juge communautaire ainsi reconnu par le Traité et consacré par la Convention resterait lettre morte s’il était permis à un individu ou un Organe de la CEMAC de retenir par devers lui, sous le prétexte de confidentialité, un acte objet d’un recours en annulation devant la Cour de Justice CEMAC».

Le juge en profita pour donner deux références de textes communautaires et internationaux, tous appartenant à l’ordre juridique des Etats membres de la CEMAC, qui confortent vers une lecture maximaliste de la protection des droits de la défense devant la juridiction communautaire :

  • la Déclaration universelle des droits de l’Homme et la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, ratifiée par les Etats membres de la CEMAC ;

  • la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, et particulièrement son article 7, instituant le droit pour toute personne à ce que sa cause soit entendue par une juridiction, qui s’impose aux Institutions, Organes et Institutions spécialisées de la CEMAC.

III- LA SANCTION DU NON RESPECT DES DROITS DE LA DEFENSE PAR LA CJ.CEMAC

De manière globale, l’observation de la jurisprudence de la Cour révèle une réelle sévérité du juge communautaire dans son appréciation du respect des droits de la défense. Dans le cadre de son contrôle juridictionnel, le juge doit sanctionner en principe par l’annulation l’acte communautaire pris en violation de ces droits. Sa sévérité est graduelle, selon que l’acte émane d’une procédure à caractère juridictionnel ou de la juridiction communautaire elle même.

Sanction du non respect des droits de la défense dans le cadre du contrôle des décisions rendues par les autorités à compétence juridictionnelle :

Dans les décisions rendues par la COBAC : La Cour entend imposer le respect des droits de la défense dans les procédures communautaires à caractère juridictionnel. Dans nombre de décisions rendues par la COBAC, la question des droits de la défense est récurrente, mais la sanction du juge n’est pas automatique :

Manquement au principe du contradictoire : AFF TASHA non respect de l'article 13 de l'annexe de la Convention portant création de
la COBAC, qui subordonne la sanction de démission d'office d'un dirigeant de banque à
la présentation préalable des observations écrites ou orales du dirigeant mis en
cause. Mais la Cour a jugé que cette violation des droits de la défense était imputable au demandeur, qui n’avait pas déféré à la convocation de la COBAC, ni produit des observations écrites : ARRÊT N°003lCJ/CEMAC/CJ/03 Du 03/07/2003, Affaire: TASHA LOWEH Lawrence CI Décision COBAC D-2000/22, et - Amity Bank Cameroon PLC.

Manquement au droit d’accès aux documents : le juge a sanctionné par l’annulation du protocole d’accord et la décision COBAC portant redressement d’AMITY BANK, la non-communication aux demandeurs d’un document « qui fait grief ». (ARRET N°012/2011 DU 31 MARS 2011 ; Affaire : Banque Atlantique du Cameroun – COBAC - Autorité Monétaire du Cameroun - Amity Bank Cameroon PLC C/ Arrêt n°010/CJ/CEMAC/CJ/09 du 13 Novembre 2009).

Dans le cadre du contrôle juridictionnel des décisions prises par les autorités disciplinaires (contentieux de la fonction publique communautaire, Lire article sur ce blog) :

Refus d’entendre les témoins d’une partie, manquement à l’obligation de motiver la décision : Annulation d’une décision de rétrogradation d’un fonctionnaire communautaire : ARRÊT N°003/CJ/CEMAC/CJ/09 du 25/06/2009, Aff. GUEREZEBANGA
Gabriel Gaétan CI La BDEAC (Recours contre la Décision n° C - 401 DRA/54 du 20/06/2006 du Président de la BDEAC
).

Sanctions du non respect de droits de la défense dans les décisions rendues par la Cour 

Manquement au principe du contradictoire : l’attitude du juge relativement aux droits de la défense peut justifier un recours incident : Ce fut le cas dans l’un des arrêts avant-dire-droit du 6 février 2002 rendus dans l’affaire TASHA, qui invoquait une descente des lieux non contradictoire : rejet de la demande, qui visait le comportement d’un juge en particulier, alors que le transport judiciaire présente un caractère collégial , comme la Cour elle-même : (ARRET N° 02/ADD/CJ/CEMAC/CJ/02 Du 06/02/2002, Affaire: Tasha L. Lawrence C/ M. JEAN MONGO ANTHOUIN (président de la Chambre judiciaire)).

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