CEMAC: LE PROGRAMME DE MOBILITE DES ENSEIGNANTS-CHERCHEURS EN QUESTION

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Le Règlement de 2003 portant institution d’un « Programme communautaire d’échanges interuniversitaires » dans la CEMAC aménageait pourtant la mobilité des enseignants-chercheurs.

Le Règlement de 2003 portant institution d’un « Programme communautaire d’échanges interuniversitaires

CEMAC: LE PROGRAMME DE MOBILITE DES ENSEIGNANTS-CHERCHEURS EN QUESTION

 

JOURNEE INTERNATIONALE DE LA CEMAC 2018

COLLOQUE/ UNIVERSITE DE LIBREVILLE - 16 /18 MARS 2018

THEME :

« LA DECLARATION DE LIBREVILLE SUR LA CONSTRUCTION DE L’ESPACE CEMAC DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR, DE LA RECHERCHE DE  LA FORMATION PROFESSIONNELLE » DU 11 FEVRIER 2005 : BILAN ET PERSPECTIVES

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COMMUNICATION DE MARIE-COLETTE KAMWE MOUAFFO, ENSEIGNANT-CHERCHEUR, UNIVERSITE DE NGAOUNDERE

THEME

LA MOBILITE DES ENSEIGNANTS-CHERCHEURS DANS LA CEMAC: UNE REGLEMENTATION EN QUETE D'EFFECTIVITE

            La création d'un Marché Commun inclut la libre circulation de l'ensemble des facteurs de production: personnes, biens, capitaux. Parmi les personnes en question, les travailleurs occupent une place de choix: d'ailleurs les premières règlementations de la libre circulation dans l'ex-UDEAC concernaient exclusivement ces personnes marchandes de main d'œuvre. Si tous les travailleurs, sans spécification, ont été les destinataires un nombre importants d'actes normatifs à cette époque de l'Union douanière, le passage à la Communauté avec l'adoption du Traité de la CEMAC en 1994 a justifié l'adoption de textes spéciaux favorisant le déplacement voire l'établissement à des fins professionnelles de certaines catégories  de travailleurs d'un pays à un autre. Par exemple, la règlementation de certains métiers du transport (notamment des chargeurs) a été l’objet d'un réel engouement dès la même année. D’autres ont dû attendre quelques années. C’est le cas des enseignants et des chercheurs, avec l’adoption d’un Règlement n° 09/03-UEAC-019-CM-10 du 28 août 2003 portant institution d’un « Programme communautaire d’échanges interuniversitaires » dans la zone CEMAC.

            Ce règlement du 28 août  2003 a pour objet déclaré " (…) de promouvoir la mobilité des enseignants et des chercheurs des pays membres de la CEMAC, en vue de leur participation effective au processus d'intégration sous-régionale". Ainsi, en réfléchissant sur la création d’un Espace CEMAC de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de la Formation Professionnelle engagée avec la Déclaration de Libreville en 2005, il faut reconnaitre à la CEMAC d'avoir mis les balises d'une intégration effective de cette catégorie de travailleurs. Elle en parle en termes de mobilité.

            Au sens du droit de l'intégration, la mobilité de l'enseignant universitaire est donc, critère fondamental, fondée sur un texte communautaire. Il peut concerner à la fois les étudiants et les enseignants. Au sujet de ces derniers, elle se conçoit comme une offre de déplacement des enseignants et des chercheurs, entre deux Etats membres de la Communauté concernée, déplacement d'une université d'appartenance vers une université d'accueil, dans le but d'accomplir des missions d'enseignement. Ce type de mobilité peut être ambitieux. Ainsi, la mobilité des enseignants-chercheurs proposée par la CEMAC n'est qu'une minime dimension du Programme européen ERASMUS, dont l'envergure a été revue le 11 décembre 2013 pour en faire désormais le Programme ERASMUS +[1]. Ce Programme, aujourd'hui agrandi, aménage différentes possibilités de mobilité pour élèves, étudiants, professionnels enseignant, chercheur, et administratif de l'enseignement supérieur à l'intérieur et à l'extérieur de l'Europe communautaire.

 

            La mobilité de l'enseignant présente la spécificité de faire circuler moins une "main d'œuvre" que des "cerveaux"[2], des "têtes" ou plus objectivement, des savoirs, favorisant ainsi une forme conventionnelle de partage des compétences intellectuelles entre différentes institutions d'enseignement supérieur. Pour sa mise en œuvre effective, le Règlement sur la mobilité des enseignants-chercheurs, acte juridique doté d'effet direct,  a été consolidé en 2006 d'une Décision n° 059/06-CEMAC-019-SE aménageant un "Formulaire de demande de financement de mission d'enseignement" dans l'Espace CEMAC. Malgré un tel niveau de finalisation normative, on note une absence totale d'effectivité du Programme communautaire d’échanges interuniversitaires. Recourant à la démarche du sociologue et interrogeant différentes autorités universitaires, il en ressort une totale méconnaissance de cet acquis du patrimoine juridique communautaire. Ceci est particulièrement inquiétant dès lors que cette ineffectivité d'un acquis communautaire à forte valeur intégrative concerne une catégorie plutôt éclairée. Il faudrait également noter que la CEMAC pour sa part, a préféré observer le même silence que la Communauté universitaire autour de ce règlement relatif à la mobilité des enseignants-chercheurs. Il existe pourtant une Conférence des Recteurs des Universités et des Responsables des Organismes de Recherche d'Afrique Centrale. Présentée comme une "(…) une instance permanente appropriée d'échanges d'expériences entre les responsables des Universités d'une part, ceux de la Recherche d'autre part, et enfin entre ces différents responsables aidera à l'aboutissement dans les délais raisonnables des objectifs de la CEMAC en matière d'enseignement supérieur et de recherche ", elle aurait pu faciliter une mise en œuvre dynamique de cette mobilité[3]. Par ailleurs, contrairement à d'autres matières communautaires ayant bénéficié d'au moins une action de vulgarisation de la part de la CEMAC elle-même, le règlement relatif à la mobilité des enseignants-chercheurs semble être passé totalement inaperçu. Ceci amène le chercheur à œuvrer pour sa restauration pour le plus grand bénéfice de la communauté universitaire de la CEMAC.

            Notre propos intitulé "la mobilité des enseignants-chercheurs dans la CEMAC: une réglementation en quête d'effectivité" tient son principal intérêt du silence de toute la Communauté relativement à cette offre. La règlementation de la mobilité des enseignants-chercheurs dans la CEMAC aurait déjà dû susciter un certain engouement. En effet, sans s'arrêter uniquement sur la rentabilité financière pour les enseignants-chercheurs en mission, on pouvait y compter pour l'instauration dans la CEMAC d'un renforcement des relations entre Etats membres par l'outil de la coopération et des échanges en matière de recherche.

 

            Aussi voudrions-nous inviter à se réapproprier cette offre communautaire, et faire renaître, en vue de son appropriation, le Programme porté par le Règlement n° 09/03-UEAC-019-CM-10 du 28 août  2003. Le propos pose comme hypothèse que la non-appropriation du Règlement de 2003 résulte du déni de vulgarisation qui l'entoure, tant et si bien que sa connaissance par toute la communauté universitaire parait liminaire. Mais au-delà de cette hypothèse, il faudrait également s'assurer que cette donne communautaire soit adaptée à notre université. Il faudrait donc adopter une approche certes analytique, mais critique, pour laisser apparaitre toute autre cause intrinsèque au règlement lui-même, pouvant en compromettre l'effectivité.

Dès lors, pour une appropriation complète du Programme de mobilité des enseignants-chercheurs dans la CEMAC, il faudrait d'abord que ceux-ci en comprennent l'objectif au regard du droit communautaire (I) et maitrisent son aménagement pratique (II) tel qu'envisagé par les textes de référence.

I- OBJECTIF JURIDIQUE DU PROGRAMME COMMUNAUTAIRE D’ECHANGES INTERUNIVERSITAIRES

            Certes l'intitulé du règlement  du 28 août  2003 est assez révélateur: c’est le règlement portant institution d'un "Programme communautaire d'échanges inter universitaires" dans la Zone CEMAC". L'article premier de ce règlement définit clairement l'objectif de ce Programme: il vise à " promouvoir la mobilité des enseignants et des chercheurs des pays membres de la CEMAC, en vue de leur participation effective au processus d'intégration sous-régionale". Cette promotion de la mobilité enseignante (A) se réalise effectivement en termes de mission d'enseignement (B).

                        A / LA PROMOTION DE LA MOBILITE ENSEIGNANTE

            Selon l'article 1er alinéa 2 du Règlement n° 09/03 du 28 août 2003 portant institution d’un « Programme communautaire d’échanges interuniversitaires » dans la zone CEMAC, il s'agit d'un Programme spécifique dont le bien-fondé consiste à faire participer à l'intégration une catégorie précise de travailleurs: les enseignants et les chercheurs.

1-  Le bien-fondé du programme: participation des enseignants et les chercheurs au processus d'intégration

            Une intégration réussie telle comprise en droit communautaire implique une libre circulation totale de l'ensemble des facteurs de production: personnes, capitaux et biens. Comme citoyen d'un Etat membre de la CEMAC, chaque enseignant-chercheur bénéficie du droit de circuler librement dans chacun des Etats membres de la CEMAC selon le principe posé par l'article 24 de la Convention  révisée de l'Union Economique de l'Afrique Centrale. Le règlement n° 09/03 du 28 août 2003 apporte une autre vision de cette circulation libre car elle vise des professionnels ou mieux des compétences de l'enseignement supérieur. Il faut donc souligner que le règlement en question  doit être entièrement désolidarisé de la libre circulation des enseignants-chercheurs. Son bien-fondé sera recherché dans les raisons de ce déplacement de professionnels. Il s'agit de créer les conditions de "leur participation effective au processus d'intégration sous-régionale".  Ainsi donc, loin donc d'avoir pour objectif d'intégrer les enseignants-chercheurs comme une lecture a priori du règlement pourrait le laisser penser, la CEMAC entend confier une part de la construction de cette intégration aux enseignants-chercheurs: c'est le sens du mot "participation". C'est une forme d'implication active qu'il convient de retenir, conforté dans l’analyse par la suite du texte de l'article 1er du règlement de 2003 "une participation effective au processus d'intégration". Si on considère que la CEMAC est une Communauté d'abord à vocation économique et ensuite monétaire, il faut s'interroger sur la nature du rôle qu'un enseignant-chercheur peut avoir à jouer dans "le processus d'intégration". On y voit en première ligne les acteurs économiques et ceux de la monnaie. Il faut en plus rappeler que ce Règlement intervient en 2003, 2 ans avant la Déclaration de Libreville sur la construction de l’espace CEMAC de l’enseignement supérieur, de la recherche de  la formation professionnelle (2005). On doit donc situer la recherche dans ce contexte. Les seuls textes de référence seront dès lors le Traité de Ndjamena et les textes connexes.

            D'abord, les Etats membres, dans le cadre de l'Union économique de l'Afrique centrale (UEAC) se sont engagés à " (…) établir en commun les conditions d’un développement économique et social harmonieux dans le cadre d’un marché ouvert et d’un environnement juridique"[4]On comprend dès lors que des politiques sociales sont inscrites au rang des politiques des politiques économiques. L'article 2.d de la Convention de l'UEAC du 16 juillet 1996 énumère "(…) la recherche, l’enseignement et la formation professionnelle" au rang des politiques sectorielles nationales sur lesquelles les Etats membres doivent sont appeler à se coordonner et  mieux encore, à "mettre en œuvre des actions communes et adopter des politiques communes". Ceci constitue le fondement légal de la création de l’espace CEMAC de l’enseignement supérieur, de la recherche de  la formation professionnelle. On peut convenir que le Règlement portant institution d'un "Programme communautaire d'échanges inter universitaires" participe de la réalisation de cette politique finalement économique portée par l'article 2 de la convention de l'UEAC. Cependant, de manière concrète, on peine à comprendre, en 2003, de quelle manière les enseignant-chercheurs pourraient "participer effectivement au processus d'intégration". Mais on ne peut mieux dire que le règlement  n° 09/03 du 28 août 2003 lui-même : la mobilité des enseignent-chercheurs est, en soi, leur forme de participation au processus d'intégration. Ceci justifie donc que la CEMAC s'implique jusqu'au financement de cette mobilité. Peut-être faut-il s'attarder sur le bénéficiaire pour comprendre l'entièreté du bien-fondé de notre Programme communautaire d’échanges interuniversitaires.

2 - Les bénéficiaires du Programme: les universités et les enseignants et les chercheurs

          Si on s'en tient à son objet, l'article 1er semble clair quant au champ d'application rationae personae du règlement du 28 août 2003. Il indique que " Le présent Règlement a pour objet de promouvoir la mobilité des enseignants et des chercheurs des pays membres de la CEMAC". Pour définir avec exactitude le bénéficiaire du Programme communautaire d'échanges inter universitaires dans la Zone CEMAC, il faut privilégier une lecture holistique du Règlement de 2003 car il s'agit d'un Programme entre universités autour de la mobilité d'un ou plusieurs enseignant(s) ou chercheur(s). Il convient donc d'indiquer que les premiers bénéficiaires de ce Programme sont, comme l'indique l'article 2, les "universités ou une université et tout autre organisme d'enseignement supérieur de deux États" membres de la CEMAC".

          Ainsi donc, les "universités ou une université et tout autre organisme d'enseignement supérieur de deux États" membres de la CEMAC" sont visés au premier chef. Il y a au niveau international un consensus commun autour de la compréhension de l'enseignement supérieur offert par l'UNESCO. Elle recommande de retenir comme « enseignement supérieur », "tout type d'études, de formation ou de formation à la recherche assurées au niveau post secondaire par un établissement universitaire ou d'autres établissements d'enseignement agréés comme établissements d'enseignement supérieur par les autorités compétentes de l'État "[5]. L'établissement en question serait donc l'institution juridique quelque soit sa dénomination qui offrirait ce type d'étude ou de formation, l'Université n'étant qu'une figure de proue de ce type d'institution. Mais au sens du règlement du 28 août 2003, touts ces établissements ne sont pas concernés. Le Règlement exclut expressément de son champ d'application "les missions d'enseignement à caractère national et celles négociées entre une université d'un Etat membre et une institution extérieure à la Zone CEMAC". Trois séries de conséquences s’en dégagent : Premièrement, le Programme doit impliquer au moins deux établissements d'enseignement supérieur situés à l'intérieur de deux Etats membres: c'est le critère de l'intériorité lequel manifeste le caractère intégrateur du Programme. Deuxièmement, il ne concerne pas l'établissement d'enseignement situé en dehors de la Communauté. Troisièmement, le Programme devrait concerner tout établissement d'enseignement supérieur installé à l'intérieur de la Communauté, indépendamment de son statut public ou privé. Cet établissement d'enseignement supérieur bénéficie d'une "mission d'enseignement" dispensée par un enseignant ou un chercheur auquel profite la mobilité.

          La mission d'enseignement n'apparait pas comme l'essence même du Programme, puisque les universités concernées disposent d'un corps d'enseignants internes. Il faut recherche cette essence dans la notion d'échange qui est inclue dans la dénomination du Programme: "Programme communautaire d'échanges inter universitaires". Apparait ainsi plus clairement le bien-fondé de l'offre communautaire de mobilité des enseignants-chercheurs comme participant au processus d'intégration. Cependant, il faut relever que l'orientation de l'intégration par la formation et la recherche a fortement évolué depuis l'adoption du Programme économique régional, notamment avec la mise en œuvre du Programme LMD et l'ambition de faire de la recherche un levier de compétitivité par la création des centres d'excellence régionaux de formation supérieure[6]. Ce programme de mobilité devrait donc désormais s'y adapter, notamment pour développer des programmes de mobilité par les critères du mérite.

          Les échanges inter universitaires sont concrétisés par le déplacement des enseignants et des chercheurs des pays membres de la CEMAC, visés comme bénéficiaires de la mobilité. On note que le texte intéresse deux catégories de professionnels de l'enseignement supérieur: les enseignants et les chercheurs. Le règlement évoque d'ailleurs les Chargés de Cours comme les Chargés de Recherche. La dénomination usuelle dans les Etats membres est celle d'enseignant-chercheur et de chercheur. Mais cette distinction nous semble pacificatrice, car, elle voudrait contenir l'ensemble des professionnels académiques de l'enseignement supérieur. La définition convenue à l'UNESCO intègre en effet à la fois les activités de formation et de recherche. Elle en parle comme "Personnel enseignant de l'enseignement supérieur" en visant "(..) l'ensemble des personnes attachées à des établissements ou programmes d'enseignement supérieur qui sont engagées dans des activités d'enseignement et/ou d'étude et/ou de recherche et/ou de prestation de services éducatifs aux étudiants ou à l'ensemble de la communauté.". Il est possible que des divergences de définition apparaissent au niveau des Etats membres, notamment quant au diplôme requis pour accéder à cette catégorie. Il reviendra au juge de la CEMAC de trancher, mais on pourrait anticiper sur toutes les incompréhensions en sollicitant ce juge à titre consultatif. Il pourrait d'ailleurs s'inspirer des textes nationaux mais spécialement des dispositions pertinentes de la Convention portant statut du Conseil africain et malgache pour l’enseignement supérieur et des textes connexes[7]. L'ensemble des Etats de la CEMAC sont en effet membres du CAMES.

          L'université comme l'enseignant et le chercheur constituent l'ancrage du "Programme communautaire d'échanges inter universitaires". Cet échange ne doit donc pas être compris au sens premier "Changement d'une personne, d'une chose contre une autre" car l'idée de réciprocité n'apparait aucunement dans la réalisation d'un tel Programme. Il faudrait y voir plutôt une possibilité offerte aux établissements d'enseignement supérieur les Etats membres de la Communauté de profiter des compétences enseignantes les uns des autres, comme université d'accueil du missionnaire aujourd'hui, et université d'appartenance demain. Le Programme consiste donc à mettre en mobilité un enseignant ou un chercheur en vue de réaliser des missions d'enseignement.

          B LA REALISATION DES MISSIONS D'ENSEIGNEMENT

            C'est l'article 2 du règlement du 28 août 2003 qui indique l'objet des échanges interuniversitaires: "Les dispositions du présent Règlement ne s'appliquent qu'aux missions d'enseignement qui concernent deux universités ou une université et tout autre organisme d'enseignement supérieur de deux États membres de la CEMAC". Ces missions d'enseignement, considérées comme des vacations, couvrent l'ensemble des formes de transmission de connaissances pratiquées dans l'enseignement supérieur: les cours magistraux, les travaux dirigés et les travaux pratiques. Ceci apparait à l'article 8 précisant les taux de vacation. Le règlement ne définit aucun de ces modes de transmission de connaissance. Mais elles devraient être exécutées comme le voudrait l'Université d'accueil, bénéficiaire de la mission, surtout qu'il apparait que le taux horaire attribué à chaque vacation dépend à la fois du type d'enseignement et du grade de l'enseignant en mobilité. Le règlement a uniformisé ce taux, sans préciser clairement, comme pour d'autres éléments programme, la partie qui a la charge du paiement de ce taux. Mais une certaine lecture du texte, que l'on développera ultérieurement dans ce propos, permet de penser qu'il s'agira-là d'une contribution de l'Université d'accueil.

            Il ressort de l'article 8 règlement du 28 août  2003 que les missions d'enseignement en vue d'un cours magistral sont attribuées aux enseignants ayant accédé au grade universitaire de Professeur ou de Directeur de Recherche, les Maître de Conférences ou les Maître de Recherche, ainsi qu'aux Chargés de Cours/Chargé de Recherche. Pour chaque mission, le Professeur ou le Directeur de Recherche bénéficie d'un taux horaire de 40 000Fcfa, le Maître de Conférences ou le Maître de Recherche, de 30000 FCFA, les Chargés de Cours et Chargés de Recherche de 20000  FCFA.

            Par contre les missions d'enseignement de type travaux dirigés et travaux pratiques sont exclusivement réservées aux Chargés de Cours, aux Chargés de Recherche, aux Assistants et  aux Attachés de Recherches. Le Chargé de Cours se verra payé un taux horaire de 15 000 FCFA pour les missions de travaux dirigés ou de travaux pratiques. Les Chargés de Recherche, Assistants et  Attachés de Recherches eux recevront 15.000 FCFA par heure de vacation.

            Comme on peut le remarquer seuls les chargés de cours et les Chargés de recherche sont admis à la fois aux cours magistraux, aux travaux dirigés et aux travaux pratiques. Concernant les enseignants du magistère, l'adage "qui peut le plus, peut le moins " ne saurait jouer ici. Par ailleurs, le règlement a soigneusement évité toute référence aux diplômes et même à la nationalité. Certes la reconnaissance mutuelle des diplômes dans la CEMAC est facilitée par le CAMES[8] mais quid de l'enseignant ou du chercheur n'ayant pas la nationalité de l'un des Etats membres? Seules les qualifications professionnelles permettent de distinguer les différents bénéficiaires de la mobilité ainsi que leur office règlementaire. Il s'agit-là d'un critère certainement privilégié en raison des modalités d'harmonisation que l'on peut trouver en appliquant les règles du Conseil africain et malgache pour l’enseignement supérieur et des textes connexes. Il faudrait cependant préciser quelle correspondance attribuer aux Maîtres assistants, grade bénéficiant d'une réelle appropriation dans certains Etats à l'instar du Gabon et manifestement en mal de reconnaissance ailleurs, notamment au Cameroun.          

II- AMENAGEMENT PRATIQUE DU PROGRAMMECOMMUNAUTAIRE D’ECHANGES INTERUNIVERSITAIRES

            Le Règlement n° 09/03 du 28 août 2003 portant institution d’un « Programme communautaire d’échanges interuniversitaires » dans la zone CEMAC contient de précieuses informations quant à l'aménagement administratif et financier d'un Programme de cette nature. Il s'ouvre par une convention.

A- LA CONVENTIONALISATION D'UN PROGRAMME COMMUNAUTAIRE D’ECHANGES

            Pour mettre en place un "Programme communautaire d'échanges inter universitaires", le premier point de départ est la conclusion d'un contrat entre l'université d'accueil et l'université d'appartenance du missionnaire. Cette convention devra ensuite être validée par la Commission de la CEMAC pour être mise en œuvre.

1) La conclusion d'un contrat entre une université d'accueil et l'université d'appartenance du missionnaire

            C'est l'article 3 du Règlement de 2003 qui indique les modalités administratives relatives à la mise en place d'un Programme d'échange interuniversitaire. Il dispose que "les missions d'enseignement dans la Zone CEMAC se réalisent sur la base d'un contrat négocié entre les institutions concernées et axé sur les dispositions du présent Règlement". Le contrat précise " la (les) période(s) de réalisation de la (des) mission(s)". Cette rédaction donne à penser qu'un même contrat peut fonder la mise en mobilité d’un ou de plusieurs enseignants et chercheurs pour plusieurs missions d'enseignement dans la même université d'accueil. Le contrat doit également indiquer les modalités financières de "l'hébergement et la restauration du missionnaire au lieu du déroulement des enseignements", d'autant qu'il s'agit-là, selon l'article 7 du règlement, d'une charge financière mise sur le dos de l'université d'accueil. Le même texte prévoit des délais: "Le(s) contrat(s) entre l'université d'accueil et celle d'appartenance du(des) missionnaire(s) doi(ven)t intervenir au plus tard fin septembre de l'année académique précédant celle de la (des) mission(s) projetée(s)". Il faut cependant comprendre que ce délai correspond au délai de transmission du contrat à la Commission de la CEMAC.

2) La validation du contrat par la Commission de la CEMAC

            Les dispositions du Règlement n° 09/03 du 28 août 2003  "ne s'appliquent qu'aux missions d'enseignement (…) pour lesquelles l'université ou l'organisme d'accueil sollicite un appui financier de la CEMAC". Pour appeler la CEMAC au Programme, "L'université d'accueil, qui solliciterait l'appui financier de la CEMAC, transmet au Secrétariat Exécutif une copie de chaque contrat signé par les contractants (…)".  Il faudrait donc recevoir la validation de la Commission, laquelle doit entériner le contrat. Ce contrat est transmis, accompagné d’un "Formulaire de demande de financement de mission d'enseignement dans l'Espace CEMAC"[9] dûment rempli. Il est possible que les parties aient contracté pour plus d'une mission. Dans une telle hypothèse selon le règlement de 2003, " à partir de deux (2) missions projetées, chacune d'elles doit avoir un numéro de priorité". On comprend indirectement que certaines missions pourraient être rejetées, ou à tout le moins reportées. En tout état de cause "Le Secrétariat Exécutif ([la Commission], en liaison avec le Président de la Conférence des Recteurs, lorsque le volume des demandes l'exige, arrête chaque année le nombre de missions d'enseignement qui bénéficieront de l'appui de la Communauté ". Une mission admise à l'appui financier de la CEMAC devra lui être confirmée au moment opportun, afin de bénéficier des droits communautaires attenants.

B- LA CONTRIBUTION FINANCIERE DE LA CEMAC A L'EXECUTION D'UN PROGRAMMECONTRACTUALISE

                               Le Règlement n° 09/03 du 28 août 2003 s'est voulu clair sur la répartition des charges financières entre la CEMAC et l'université d'accueil. Mais on doit indiquer que la charge financière revenant à l'université d'accueil parait rédhibitoire.

1) L'appui financier de la CEMAC

            A la lecture du Règlement n° 09/03 du 28 août 2003, l'appui financier de la CEMAC est de deux ordres: d'abord, la prise en charge financière du transport aller et retour de l'enseignant en mobilité et enfin le paiement d'une indemnité forfaitaire journalière.

            Selon l'article 5 du Règlement de 2003, "La CEMAC participe à la réalisation des missions d'enseignement par le financement, sur le budget du Secrétariat Exécutif, du transport international aller et retour en classe économique, sur les trajets les plus directs ou imposés par les circonstances au moment de cette réalisation".  On note cette réserve qui peut s'avérer compromettante pour le Programme, en effet, l'université d'appartenance du missionnaire peut être appelée à "assure(r) le préfinancement des frais de ce transport que lui rembourse la CEMAC". Les conditions ce remboursement ne s'inscrivent pas dans la simplification administrative. En effet, " Ce remboursement n'est possible qu'au vu de la souche du titre de transport, de la copie de l'ordre de mission visé à l'arrivée et au départ par les services d'immigration aux frontières du pays de l'université d'accueil, ainsi que d'une fiche attestant les enseignements dispensés, signée conjointement par le missionnaire, le responsable de l'établissement directement bénéficiaire des enseignements et celui de l'université d'accueil".

            L'article 7 quant à lui prévoit que "Pour toute mission bénéficiant de l'appui de la Communauté par la prise en charge totale des frais de transport aérien international, la CEMAC verse en sus au missionnaire (…) une indemnité journalière forfaitaire de vingt cinq mille francs CFA (25.000 F CFA) pour un séjour de trente (30) jours au plus au lieu où sont dispensés les enseignements". On note que cette indemnité est la même pour tout enseignant en mobilité quelque soit son grade universitaire, et pour tout type de mission d'enseignement. Voilà de manière exhaustive l'étendue de l'appui financier de la CEMAC telle que prévue par le règlement. On doit donc conclure que l'ensemble des autres charges sont dévolues à l'Université d'accueil.

2) La contribution financière de l'université d'accueil

            Bien entendu, les taux de vacation déjà évoqués doivent être payés par l'université d'accueil, comme, doit-on le penser, toute autre mission de vacation. Et, d'après l'article 7 du 28 août 2003, " L'université d'accueil assure l'hébergement et la restauration du missionnaire au lieu du déroulement des enseignements, selon les modalités à préciser dans le contrat". C'est également le cas des frais du transport local[10].

            On rappelle cependant que l'indemnité forfaitaire journalière de 25 000 FCFA que verse la CEMAC obéit également aux modalités du préfinancement, cette fois par l'université d'accueil. Les conditions de remboursement ont déjà été critiquées comme lourde sur le plan administratif. En réalité, l'appui financier de la CEMAC est considérable, mais l'approche par le préfinancement cet appui pourrait avoir refroidi l'accueil qu'aurait dû mériter une telle contribution.

             CONCLUSION

            Voici présentée une belle opportunité communautaire préfigurant la construction de l'espace CEMAC de l'enseignement supérieur. Le Règlement n° 09/03-UEAC-019-CM-10 du 28 août 2003 portant institution d’un « Programme communautaire d’échanges interuniversitaires » dans la zone CEMAC aurait pu et pourrait encore participer à un partage effectif de compétences en matière de formation et de recherche dans notre Communauté depuis 2003. La CEMAC propose en effet d'apporter un appui financier consistant à la mobilité des enseignants-chercheurs pour des missions d'enseignement. Cependant, le décryptage global de ce texte laisse penser que l'articulation des contributions financières pourrait avoir compromis l'effectivité de cet acquis communautaire.

            En effet, en adossant des obligations de préfinancement tant sur l'université d'accueil que sur l'université d'appartenance du missionnaire, la CEMAC ne semble pas avoir pris en compte les contraintes budgétaires et financières de ces établissements d'enseignement supérieur. Finalement, le règlement n° 09/03du 28 août 2003 ne nécessite plus à cette date une simple réactualisation pour l'adapter à la Déclaration de Libreville, notamment afin de prendre en compte l'orientation de l'intégration par la formation et la recherche depuis l'adoption du Programme économique régional, mais surtout un réajustement de l'articulation de la libération de ce financement.

 

MERCI !!!!

 

 

 



[1] Règlement (UE) N o 1288/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 11 décembre 2013 établissant "Erasmus +": le Programme de l'Union pour l'éducation, la formation, la jeunesse et le sport et abrogeant les décisions n o 1719/2006/CE, n o 1720/2006/CE et n o 1298/2008/CE.

[2] A. JAILLET, La présence des enseignants-chercheurs étrangers dans l’enseignement supérieur. Education et sociétés. 2009/1, n° 23. Pages 264.

[3] La Conférence avait d'ailleurs émis un avis favorable à ce Programme de mobilité universitaire. Cet avis de la Conférence des Recteurs des Universités et des Responsables des Organismes de Recherche d’Afrique Centrale est visé dans la Décision n° 059/06-CEMAC-019-SE portant utilisation du "Formulaire de demande de financement de mission d'enseignement" dans l'Espace CEMAC.

[4] L'article 2.d la Convention du 16 juillet 1996 régissant l’Union Economique de l’Afrique Centrale (UEAC).

[5] Recommandation sur la reconnaissance des études et des titres de l'enseignement supérieur.
13 novembre 1993. http://portal.unesco.org/fr.

[6] Programme économique régional. Phase I. (2011-2015). Plan opérationnel 2011-2015. Axe 4. Développement du capital humain.

[7] Spécialement la convention générale relative à la validité de plein droit des diplômes d’enseignement supérieur a été  signée à Lomé le 26 avril 1972.

[8] Le CAMES dispose en effet d'un Programme Reconnaissance et Equivalence des diplômes.

[9] Ce formulaire et annexe à la Décision N° 059/06-CEMAC-019-SE portant utilisation du "Formulaire de demande de financement de mission d'enseignement" dans l'Espace CEMAC du 21 avril 2006.

[10]  Article 5 alinéa 3 du Règlement n° 09/03-UEAC-019-CM-10 du 28 août 2003 portant institution d’un « Programme communautaire d’échanges interuniversitaires ».

 

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