LA REPRESENTATION DES PARTIES DEVANT LA CJ-CEMAC
La question de la représentation des parties autres que les Etats et institutions communautaires (sujet d’un prochain article sur ce blog) est abordée avec une grande souplesse dans l’article 8 de l’Acte Additionnel portant règles de procédures devant la Chambre judiciaire de la CJ.CEMAC.
« Les Etats, les Institutions et Organes de la Communauté sont représentés devant la Chambre par un agent nommé pour chaque affaire. Ils peuvent constituer avocat soit pour assister l'agent soit pour les représenter. Les agents élisent domicile au siège de la Cour. Les autres parties sont représentées par un Conseil ».
La personnalisation du Conseil réduit les disparités de définition autour de ce mot. Mais on peut s’accorder, suivant une définition contextuelle de ce mot proposée par le CORNU, sur trois éléments essentiels participant à sa compréhension dans le cadre du droit procédural. Ceci permet ainsi d’éclairer sur les missions dévolues à ce représentant.
I- LA REPRESENTATION PAR UN CONSEIL
DEFINITION DU CONSEIL : Selon le dictionnaire le Cornu, le conseil est « une personne qui donne à une autre des avis, des renseignements, des consultations, ou qui l’assiste, soit dans la défense en justice de ses intérêts, soit dans la gestion de ses affaires ». On retrouve dans cette définition les mots clé des missions d’un représentant d’autrui : l’assistance et la défense, ceci dans la cadre d’une action de justice. C’est donc sans surprise que le même dictionnaire cite en premier exemple l’avocat. Mais, s’il était le seul visé, le législateur aurait expressément nommé ce professionnel.
LA QUALITE DE CONSEIL DEVANT LA CJ.CEMAC : L’avocat est le « conseil » par excellence en matière de justice. Cependant, au regard de ses missions dont le monopole est relativement réduit au regard notamment de l’article 3 de la loi n° 90/059 du 19 décembre 1990, des dérogations sont accordées par la loi. Cet article prévoit, non seulement la défense personnelle (alinéa 1), mais une liberté de choix d’un mandataire non avocat pour soit même ou pour les membres de sa famille (alinéa 2). Cette possibilité peut s’étendre aux personnes extérieures à la famille lorsque le nombre d’avocats professant dans le ressort d’une juridiction est inférieur à 4 (alinéa 3). Ceci permet de conclure que les règles en vigueur devant la Cour de justice communautaire, en évitant de créer un monopole de la représentation au bénéfice des avocats, tendent à une harmonie avec celles qui sont appliqués devant les juridictions nationales, dont la première s’inspire dans leurs grandes lignes. Ainsi, les conseillers juridiques ainsi que les juristes d’entreprise pourraient valablement intervenir comme conseil devant la CJ.CEMAC.
La question qui se pose est celle de l’obligation ou non d’une demande de dérogation. L’article 9 permet à ceux qui n’ont pas la qualité d’avocat de demander une dérogation à la cour pour intervenir en cette qualité. Il serait certainement plus prudent d’en solliciter une, pour ne pas voir les actes sanctionnés in fine par le juge communautaire, certainement à l’occasion d’un incident de procédure.
La Cour a eu à sanctionner par la récusation de l’avocat le non respect des règles relatives à la représentation des parties autres que les Etats et institutions communautaires. Dans l’affaire Amity Bank le juge a eu à statuer sur un incident de procédure et prononcer la récusation d’un des avocats, pour conflits d’intérêts soulevé dans le cadre d’un incident de procédure : ARRET N° 010/CJ/CEMAC/CJ/09 DU 13/11/2009 ; Affaire : SIELIENOU Christophe et Autres C/ Décision COBAC N° 2008/52 - Amity Bank Cameroon PLC - Autorité Monétaire du Cameroun). La validité des actes posés par l’avocat récusé fut par la suite contestée, mais le juge ne fit pas droit à ce moyen, selon une lecture particulièrement souple de la Loi camerounaise relative à la profession d’avocat :
« Attendu que l’article 42 de la loi n° 90/059 portant organisation de la profession d’avocat au Cameroun dispose : « l’avocat ne peut ni au cours de l’exécution de sa mission, ni après l’achèvement de celle-ci, représenter, assister ou conseiller dans la même affaire ou une affaire connexe, une personne dont les intérêts sont partiellement contraires à ceux de son client » ;
Que cette disposition légale ne prévoyant pas de sanction et encore moins la nullité, ce moyen est inopérant ».
La constitution d’un « Conseil » dans une procédure devant la CJ.CEMAC doit respect les usages de la profession. Spécialement, copie de la lettre de constitution doit être communiquée à l’autre partie : V. un cas dans lequel la régularité de la constitution d’un conseil était contestée, les avocats de la partie adverses n’ayant pas été informées de cette constitution: ARRÊT n° 02/CJ/CEMAC/CJI06 du 30/11/2006, AFFAIRE MOKAMANEDE JOHN WILFRID C/ L'Ecole Inter-Etats des Douanes de la CEMAC (Recours en annulation de la Décision n° 072/CEMAC/EIED).
II- LES INTERLOCUTEURS DU CONSEIL AU SEIN DE LA CJ.CEMAC
Articles 24 et suivants de l’Acte additionnel portant règles de procédures devant la Chambre judiciaire de la CJ.CEMAC.
LE GREFFIER joue un double rôle administratif et procédural faisant de lui un interlocuteur privilégié du conseil. Il assure la réception et la transmission des actes de procédure (art. 26). Il veille à la signification, à la notification (art. 33) et à la communication des documents, sous l’autorité du juge rapporteur.
LE JUGE RAPPORTEUR : nommé dans chaque par le Président de la Chambre judiciaire, le juge rapporteur est chargé de l’instruction jusqu’à la mise en état des procédures. Il décide des mesures d’instruction, reçoit les demandes d’instruction complémentaires des parties et veille au respect du contradictoire tout au long de la procédure (article 26) échange des mémoires, contre-mémoires, répliques et dupliques et tout autre pièce probatoire, à charge ou à décharge).
III- LES MISSIONS CONCRETES DU CONSEIL
REPRESENTATION : Dans ce cadre, et en vertu des règles de procédures devant la chambre judiciaire de la CJ.CEMAC, le conseil doit, notamment :
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Introduire la requête introductive d’instance et poser tous les actes nécessaires à la validité de cette requête, dans le respect des règles de procédure (13 et suivants : formalisme de la requête, 18 et suivants : élection de domicile) ;
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Participer activement aux mesures d’instruction, pour veiller au contradictoire (art. 32, 40)
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engager toutes les procédures nécessaire à la défense (Référé, demande de sursis à statuer ou requête en désistement (article 54 et suivants), et ultérieurement, exercer les voies de recours (article 94)). Etc.
ASSISTANCE : Le conseil porte la parole de son client. A cette fin, il doit, notamment :
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être présent aux audiences (article 37) ;
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fournir les explications demandées par le juge rapporteur (art. 28) ;
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répondre aux mémoires dans le respect des délais (art. 17).