COMMENTAIRE DU PREMIER ARRET PREJUDICIEL DE LA CJ-CEMAC (2)

Publié le 11/04/2014 Vu 7 690 fois 0
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Si la saisine préjudicielle paraissait inadaptée dans l'affaire DJEUKAM, c'est justement en raison de l'ignorance des recours spécifiques. Le fonctionnaire communautaire dispose soit du recours en annulation, soit du recours en responsabilité, ceci en saisissant le juge de la CEMAC. Il s'agit-là de recours normaux du fonctionnaire de la Communauté. Le juge national est incompétent à se prononcer sur des questions relevant du contentieux de la fonction publique communautaire.

Si la saisine préjudicielle paraissait inadaptée dans l'affaire DJEUKAM, c'est justement en raison de l'igno

COMMENTAIRE DU PREMIER ARRET PREJUDICIEL DE LA CJ-CEMAC (2)

II/ LE CONTENTIEUX DE LA FONCTION PUBLIQUE COMMUNAUTAIRE, UNE COMPETENCE EXCLUSIVE DU JUGE COMMUNAUTAIRE

L’arrêt DJEUKAM n’aurait jamais dû compter au rang des arrêts préjudiciels; en droit, sa phase nationale n’aurait jamais dû avoir lieu. En effet, était en cause dans ce premier arrêt préjudiciel un fonctionnaire communautaire sollicitant sur l’attribution des indemnités suite à sa rétrogradation par l’institution qui l’employait. Toutes les conditions d’une action de fonctionnaire communautaire contre son employeur étaient dès lors réunies (A), donnant lieu à la saisine à titre exclusif du juge communautaire, sur la base de recours spécifiques (B).

A/ LES CONDITIONS DU CONTENTIEUX DE LA FONCTION PUBLIQUE COMMUNAUTAIRE

Le juge communautaire jugea avec une grande sévérité le manque de rigueur des juges de BANGUI : « En réalité il incombait en l'espèce aux juridictions nationales centrafricaines à partir des indications factuelles du litige, de rechercher dans les règles de droit internes de leur Etat, si elles étaient compétentes ratione materiae pour connaître d'un recours dirigé par un fonctionnaire contre une institution spécialisée de la Communauté, en l'occurrence l'Ecole Inter - Etats des Douanes »1. A notre sens, ces manquements caractérisant une saisine mal orientée doivent être partagés avec la défense. En effet, ab initio, le dossier présenté par le client, puis le justiciable DJEUKAM contenait deux éléments d’extranéité orientant vers une consultation au moins sommaire de textes communautaires soit généraux2, soit particuliers3 : la qualité professionnelle du requérant qui appartenait au corps de la fonction publique communautaire et le rattachement communautaire de l’institution défenderesse, l’Ecole inter-Etats des douanes, institution communautaire spécialisée. Ils constituaient déjà les deux conditions imposant dès lors le recours au juge de N’djamena et aucunement à l’un des juges du système juridictionnel centrafricain.

  1. Un fonctionnaire communautaire

L’article 4 de la Convention régissant la CJ.CEMAC est le texte de référence des compétences de la juridiction communautaire, qui ne sont que des compétences d’attribution. Concernant le contentieux de la fonction publique communautaire, l’alinéa dernier de cet article dispose que : « Dans son rôle juridictionnel, la Cour de Justice rend, en dernier ressort, des arrêts sur les cas de violation des Traités de la C.E.M.A.C. et des Conventions. (…). Elle est juge, en premier et dernier ressort, des litiges nés entre la C.E.M.A.C. et les Agents des Institutions de la Communauté, à l’exception de ceux régis par des contrats de droit local »4. Le caractère exclusif de cette compétence de la CJ.CEMAC est clairement exprimé par l’article 21 de la même Convention : « La Chambre Judiciaire connaît en premier et dernier ressort des litiges entre la Communauté et ses agents ».

Le terme « agent » englobe les différences de positions professionnelles que reflète le corps de la fonction publique communautaire5. Cependant, les deux Règlements qui organisent les relations entre la CEMAC et ses agents visent les « fonctionnaires » respectivement du Secrétariat exécutif et de la Communauté6. Les deux premiers règlements visaient le « personnel » de la CEMAC. Ces deux règlement sont appelés à cohabiter, car le dernier, intervenu seulement en 2009 n’abroge que les dispositions antérieures contraires, selon son article 122. On est donc admis à penser que le règlement n° 08 continuer de s’appliquer dans ses dispositions conformes. Comme texte de base des relations entre les agents et la Communauté, les définitions relatives à la qualité de « fonctionnaire » doivent être recherchés dans ces Règlement de statut. L’étude s’en tiendra au seul règlement de 2009 essentiellement pour éviter les réécritures.

Reprenant l’article 1er du Statut des fonctionnaires de 1999, l’article 2 du statut de 2009 donne la définition suivante du fonctionnaire de la CEMAC, somme toute simple : «  Il s’agit de toute personne nommée et titularisée dans l’un des emplois permanents ouverts dans les services d’une Institution, d’un Organe ou d’une Institution de la CEMAC ». Il se distingue ainsi de l’agent contractuel et de l’agent local. Le premier est un fonctionnaire communautaire dont la durée de service est contractuellement limitée et le second, un agent non intégré au corps des fonctionnaires communautaires et dont le statut reste régi pas le droit national.

La position juridique de vacataire, occupée par le Sieur DJEUKAM, a-t-elle pu déterminer le recours plutôt à un juge national, sur la base de ce qu’il serait lié à EIED par un contrat de droit local ? L’hypothèse n’a pas été évoquée dans l’arrêt, et elle semble au demeurant peu plausible, au regard des fonctions de chef de Département qui lui furent ultérieurement confiées. Toutefois, elle s’avère sensible car, dans l’affaire ASSIGA AHANDA, cadre contractuel de la BEAC victime d’une mesure de rétrogradation, l’institution d’émission soulevait à titre liminaire le défaut de qualité du requérant, personnel contractuel, pour contester son droit de saisine de la CJ.CEMAC dans le cadre du contentieux des fonctionnaires communautaires. La réponse du juge, maladroitement motivée à notre sens, tendait à rejeter ce moyen, l’article 13 de l’Acte Additionnel n° 04/O0/CEMAC - 041 - CCE - CJ - 02 portant Règlement de procédure de la Chambre Judiciaire n’ayant pas selon lui spécifié le lien juridique qui devrait exister entre l’institution communautaire et l’agent qui la poursuit7.

  1. Une institution communautaire

Le fonctionnaire communautaire doit saisir la CJ.CEMAC pour tout litige l’opposant à l’institution qui l’emploie, selon les prescriptions claires de l’article 4 de la Convention régissant la CJ.CEMAC. Il convient derechef de citer, pour des raisons de présentation, ledit article 4 en son dernier alinéa: « Dans son rôle juridictionnel, la Cour de Justice rend, en dernier ressort, des arrêts sur les cas de violation des Traités de la C.E.M.A.C. et des Conventions. (…). Elle est juge, en premier et dernier ressort, des litiges nés entre la C.E.M.A.C. et les Agents des Institutions de la Communauté, à l’exception de ceux régis par des contrats de droit local »8.

D’entrée de jeu, on peut constater la généralité de l’usage, dans l’article précité, du terme « institution ». Une telle lecture est d’autant plus indiquée que le législateur a dans un premier temps fusionné la CEMAC et les institutions qui emploient les fonctionnaires ici évoqués. Cette fusion s’avère réaliste : dans la procédure contentieuse, la Commission, qui représente la CEMAC9 devant la Cour, se substitue aux institutions et organes communautaires devant la CJ.CEMAC.

Il existe en effet une logique de définition institutionnelle acquise depuis le Traité de N’djamena, certes critiquée10, qui permet de distinguer, au sens de son article 2 : les Institutions proprement, des organes et des institutions communautaires spécialisées.

Les institutions proprement dites, au nombre de cinq, renvoient aux deux Unions, base de la construction du processus d’intégration, l’Union économique de l’Afrique centrale (UEAC)11, l’Union monétaire de l’Afrique centrale (UMAC)12 et aux deux organes de contrôle : le Parlement communautaire13, la Cour de justice communautaire14. L’éclatement de celle-ci en deux Cours distinctes, la Cour de justice communautaire et la Cour des Comptes communautaires a quelque peu modifié la configuration institutionnelle de la CEMAC du Traité de 200815. Cadre de conception des politiques communautaires, ces institutions proprement dite ne disposent pas de compétences normatives directe, exceptée par voie de décisions, catégorie d’acte communautaire propice aux prescriptions individuelles dont aucune institution ne peut faire l’économie, au moins du fait de la nécessaire gestion de leurs ressources humaines.

Les Organes, eux, disposent d’un véritable pouvoir normatif dans la CEMAC, comme cadre d’élaboration des politiques communautaires. Ils étaient au nombre de 8 selon le traité révisé. Ils sont désormais 7 selon l’article 10 du Traité de N’djamena. La Conférence des Chefs d’Etat16 adopte le Traité, les Conventions et les Actes additionnels au Traité. Le Conseil des Ministres de l’Union Economique de l’Afrique Centrale17 et le Comité Ministériel de l’Union Monétaire de l’Afrique Centrale18, sont habilités à prendre les règlements, les règlements-cadre, les directives. La Commission de la CEMAC19, la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (B.E.A.C.)20, la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale (COBAC)21, l’Institution de Financement du Développement22 adoptent, les règlements d’application. Dans le traité révisé, cet institut a été soustrait de la liste des Organes communautaires, remplacée par la BDEAC23. Seul le Comité inter-Etats, antichambre du Conseil des ministres de l’UEAC, ne disposait d’aucune compétence normative propre. Il ne fait d’ailleurs plus partie de la liste des organes, depuis le Traité de Yaoundé. Aussi, les organes sus identifiés partagent cette compétence normative avec les « premiers responsables » des institutions (ou organismes) spécialisées, aussi diversifiés que le champ de cette intégration est vaste24.

Les institutions spécialisées, cadre par excellence d’exécution des politiques communautaires, sont par conséquent pléthoriques. Elles sont rattachées soit à l’Union économique de l’Afrique centrale (UEAC), soit à l’Union monétaire de l’Afrique Centrale (UMAC). Dans la première Union, la création de nouvelles institutions communautaires spécialisées a rendu obsolète la liste établie par l’Acte Additionnel n° 08/CEMAC-006-CCE-2 du 14 décembre 2000 portant liste des Institutions spécialisées de l’UEAC. En guise d’exemple, la Communauté économique du bétail, de la viande et des ressources halieutiques (CEBEVIRHA)25, Ecole Inter Etats des douanes (EIED)26, sont rattachées à l’UEAC. L’UMAC elle s’attribue notamment la Commission de surveillance des marchés financiers (COSUMAF)27 et le Groupe d'Action contre le Blanchiment d'Argent en Afrique Centrale (GABAC)28.

A côté de ces institutions au sens large, telle que définies par l’article 10 du Traité révisé, on se doit d’inscrire les ramifications issues de la subdivision fonctionnelle des grandes institutions, organes et institutions spécialisées. Elle a abouti à la création d’autorités sectorielles, sorte de bras armés pour ces derniers. On y compte, notamment, l’autorité boursière29 et l’autorité communautaire de la concurrence30, dont les décisions font partie des actes communautaires ici appréhendés, et qui, du fait de leur émanation, fondent la compétence du juge communautaire.

L’avènement d’une Cour de justice dans la CEMAC a heurté la souveraineté juridictionnelle de certaines institutions communautaires. La BEAC spécialement, a audacieusement soutenu devant ce prétoire communautaire qu’elle disposait d’une « immunité de juridiction », le rendant incompétent à connaître des recours engagés à son encontre. Elle s’appuyait sur les dispositions des accords de siège, qui effectivement, prévoient une immunité de juridiction dans chacun des Etats partie31. Mais, la Cour a dû s’imposer : « s'il est constant que l'article 8 de l'accord de siège entre le Cameroun et la Banque des Etats de l'Afrique Centrale (BEAC) confère à celle-ci une immunité de juridiction, il n'en reste pas moins vrai que cet accord ne porte que sur les relations entre le Cameroun et la BEAC; il résulte donc que l'immunité de juridiction qu'il institue se limite aux juridictions camerounaises qui ne peuvent connaître d'un litige contre cette Banque qu'en application des dispositions de l'article 16 dudit accord de siège instituant un tribunal arbitral; Ce point est à rejeter comme mal fondé »32. Par ailleurs, certaines institutions comme la BDEAC ont prévu dans leur statut une clause compromissoire qui impose le recours à l’arbitrage comme moyen de règlement des litiges de travail. Ce statut semble ainsi a priori exclure la compétence juridictionnelle de la CJ.CEMAC. Admettant implicitement la validité d’une telle clause, la Cour a cependant affirmé sa compétence dès lors qu’il apparaît que les parties ont renoncé à la clause compromissoire33. Ainsi, grande ou petite, toute institution communautaire est-elle soumise à la juridiction de la CJ.CEMAC.

Tout acte émanant de ces institutions, organes ou institutions communautaires spécialisées, ou autorité sectorielle rattachée à la Communauté, est par cette filiation naturelle un « acte communautaire ». Il peut relever soit de la catégorie des actes communautaires primaires, soit de celles des actes communautaires dérivés, seuls susceptibles d’une appréciation préjudicielle. C’est un acte appartenant à la cette dernière catégorie qui était en question dans l’affaire DJEUKAM.

B/ LES RECOURS ADMIS DANS LE CADRE DU CONTENTIEUX DE LA FONCTION PUBLIQUE COMMUNAUTAIRE

Le fonctionnaire communautaire offre aujourd’hui la majorité de son contentieux à la Cour de justice de la CEMAC. Monsieur Djeukam disposait, en lieux et places d’un recours en indemnisation devant le Tribunal de travail de Bangui, de deux recours potentiels devant le juge de N’djamena : le recours en annulation et le recours en indemnisation. Une observation de la jurisprudence de la Cour donne à apprécier une utilisation de plus en plus régulière du premier, le second intervenant à titre de demande accessoire.

  1. Le recours en annulation

En tant que recours direct, le recours en annulation apparaît en matière de contentieux de la fonction publique communautaire comme le recours de prédilection, aussi mérite-t-il un rappel du juge de N’djamena dans son arrêt n° 001 du 25 novembre 2010 : « Au surplus, à supposer qu'elle soit illégale, cette décision peut être attaquée également par le biais d'un recours en annulation par le fonctionnaire intéressé ». Le recours préjudiciel permet, dans le cadre d’une procédure nationale, de faire procéder au contrôle de la légalité d’un acte communautaire ; il s’agit d’un recours réservé au juge national; le recours en annulation reste le recours de « droit commun » communautaire dans toutes les hypothèses d’illégalité. Il est posé par l’article 4 de la Convention régissant la Cour de justice de la CEMAC. Aux termes de ce texte, « dans son rôle juridictionnel, la Cour de Justice rend, en dernier ressort, des arrêts sur les cas de violation des Traités de la C.E.M.A.C. et des Conventions subséquentes dont elle est saisie conformément à ses règles de procédure ».

Le bilan actuel du contentieux de la fonction publique communautaire donne à apprécier l’émergence d’une jurisprudence de plus en plus constante sur les conditions d’exercice du recours en annulation. Il impose, aux termes de l’article 113 de l’ancien Statut des fonctionnaires et agents du secrétariat exécutif34 et de l’article 119 du nouveau Statut des fonctionnaires de la Communauté35, deux conditions à peine d’irrecevabilité de la requête en annulation : le respect d’une phase interne de réclamations préalables et le respect des délais de recours.

Au sens de l’article 119 du nouveau statut des fonctionnaires communautaires, la recevabilité des requêtes de fonctionnaires est soumise au respect d’une phase interne composée de deux réclamations préalables, dont l’une est subordonnée au rejet de l’autre. La première, adressée au Comité Consultatif de Discipline36. Un tel Comité doit, le cas échéant, être créé dans chacune des institutions communautaires, au sens large37. La seconde réclamation est adressée à l’« autorité compétente »38, en cas de rejet partiel ou total, implicite ou explicite, de la réclamation adressée au Comité consultatif de discipline. L’article 113 du Statut des fonctionnaires de la Commission impose une procédure identique.

Les deux réclamations sus évoquées, comme la saisine ultérieure du juge communautaire, sont encastrées dans une suite de délais39. Selon l’article 115 du nouveau Statut des fonctionnaires de la Communauté, la saisine du Comité Consultatif de Discipline doit être faite dans un délai de deux mois, à compter :

  • «  1) du jour de publication de la décision, s’il s’agit d’une mesure de caractère général ;

  • 2) du jour de la notification de la décision au destinataire, et en tout cas, au plus tard, du jour où l’intéressé en a eu connaissance, s’il s’agit d’une mesure de caractère individuel ;

  • 3) de la date d’expiration du délai de réponse, lorsque la réclamation porte sur une décision implicite de rejet au sens de l’article 114 ci-dessus40 ».

Ce Comité dispose un délai d’un mois pour émettre un avis (article 117). Son silence vaut avis implicite de rejet. Dès lors, le fonctionnaire dispose peut saisir l’autorité compétente, qui doit se prononcer dans un délai de 2 mois (article 118). S’il juge la réponse de cette autorité négative ou insuffisante, le fonctionnaire doit saisir la Cour, au sens des articles 119 du statut des fonctionnaires et 113 du Statut des fonctionnaires du Secrétariat exécutif, dans un délai de 3 mois à compter de :

  • « de la date de publication de la décision ou ;

  • de la date de sa notification au fonctionnaire ou ;

  • du jour l’intéressé en a eu connaissance ;

  • ou de la date d’expiration du délai de réponse attendue de l’autorité compétence lorsque le recours porte sur une décision implicite de rejet ».

Ce délai de 3 mois est, selon une jurisprudence constante de la Cour, d’ordre public41.

En définitive, le recours en annulation dans le contentieux de la fonction publique communautaire est soumis à une somme importante de conditionnalités procédurales qui auraient pu décourager les principaux concernés. A contrario, on note, comme signe du dynamisme de la CJ.CEMAC, que toutes les différentes formes d’illégalité explorées dans cette étude sont parfaitement illustrées dans la jurisprudence de la CJ.CEMAC, qu’il s’agisse de la légalité interne42 ou de la légalité externe43. Le recours en annulation apparaissait, comme le préconisait le juge de Ndjamena, la voie de recours idoine dans l’affaire DJEUKAM, recours qu’il aurait pu assortir d’une demande en indemnisation.

  1. Le recours en indemnisation

Seul le recours en annulation fut rappelé par le juge communautaire comme recours pour demander l’appréciation de légalité d’un acte communautaire ; il s’agissait ainsi pour cette autorité de faire œuvre pédagogique. Pour parachever cet enseignement, il s’impose de souligner que M. DJEUKAM disposait, en sus de ce premier droit, celui de solliciter la réparation du préjudice qui inévitablement aurait découlé de l’illégalité. Le contentieux de la responsabilité extracontractuelle qui rentre dans le cadre du contentieux de pleine juridiction est en effet fondé sur une voie de recours autonome, expressément prévue par l’article 20 de la Convention régissant la CJ.CEMAC : « La Chambre Judiciaire connaît, en dernier ressort, des litiges relatifs à la réparation des dommages causés par les Organes et Institutions de la Communauté ou par les agents de celle-ci dans l’exercice de leurs fonctions (…) ». Le droit du fonctionnaire de saisir le juge communautaire dans ce cadre présuppose qu’il dispose au préalable d’une qualité à agir ; elle lui est ouverte par l’article 4 al. 4 de la Convention régissant la Cour.

La Chambre judiciaire dispose d’une compétence exclusive à connaître des actions contre les agissements illégaux et dommageables des institutions, agents ou organes de la Communauté. Ces dommages peuvent être portés par un acte causant un grief au plaignant du fait de son caractère illégal44.

Exercé par un fonctionnaire communautaire, les conditions de ce recours sont toutes aussi strictes, car elles imposent, comme le contentieux en annulation, le respect de la phase interne des réclamations préalables45. Relativement à l’institution communautaire poursuivie, le dommage doit avoir été causé par une institution communautaire dans le cadre de la réalisation des missions à elle confiée par la Communauté : c’est tout le sens de la jurisprudence Marcel DOBILL C/ BEAC46.

Relativement aux délais de recours, une contradiction semble avoir été créée par le juge communautaire suite à la jurisprudence DAKAYI KAMGA47. Dans l’arrêt rendu dans cet espèce, le juge invoque, non pas les délais prévus à l’article 113 du Statut du personnel du secrétariat exécutif, mais le délai de 2 mois de l’article 12 des règles de procédure, d’ailleurs pour l’exclure des conditions de recevabilité du recours en indemnisation. Cette contrariété peut avoir été suscitée par le statut du requérant au moment de la saisine. Dernier Secrétaire Général de l’UDEAC, M. DAKAYI KAMGA saisit le juge alors qu’il a perdu ce statut. Il faudrait donc ouvrir ici une réponse assortie d’une alternative. Soit les recours en responsabilité émanant des fonctionnaires communautaires sont seuls assujettis aux délais des articles 119 et 113 sus évoqués, soit comme l’a décidé le juge, ces délais ne concernent que les recours en annulation48. Cette dernière hypothèse laisse intacte la question du délai de recours en indemnisation. Sous réserve des règles spéciales sus citées concernant les fonctionnaires communautaires dont l’application nécessite encore des éclaircissements, cette question peut être considérée comme levée par l’article 38 de la nouvelle Convention régissant la CJ.CEMAC. Il fixe pour l’avenir ce délai à 5 ans à compter de la survenance du fait générateur de responsabilité, comme en droit européen49.

Somme toute, selon les prescriptions claires de l’article 20 de la Convention régissant la CJ.CEMAC. Dans le cadre du contentieux de la responsabilité, « (…). Elle [la Cour] statue en tenant compte des principes généraux de droit qui sont communs aux droits des Etats membres » 50. 5 des 6 Etats membres (à l’exception de la Guinée équatoriale, ex colonie espagnole) ont en commun l’application de la théorie de la responsabilité issue du code civil français transposé dans les systèmes juridiques des anciennes colonies. Elle est usitée tant dans les procédures civiles qu’administratives. Ces principes classiques d’appréciation de la responsabilité, découlant de l’article 1382 du code civil sont connus à savoir : une faute, un dommage et un lien de causalité entre la faute et le dommage, critères cristallisés dans la jurisprudence de la Cour depuis les procédures TASHA51. En somme, la faute s’analyse en une illégalité, le dommage étant constitué du grief qui a été causé au requérant. Le lien de causalité est la démonstration faite par ce dernier de ce que le grief est la résultante de l’illégalité.

Une observation de la jurisprudence de la Cour révèle pour l’heure une admission difficile de la responsabilité communautaire par le juge de N’djamena. Il faut, selon elle, une faute « suffisamment caractérisée »52.  Il est certain que nombre d’actions en réparation sont jugées irrecevables au regard des seules conditions de recevabilité53, signe d’une non maitrise du droit communautaire tant par les fonctionnaires communautaires que par leurs conseils. Dans d’autres, la faute n’est pas constituée, sans que l’on puisse imputer au juge une appréciation stricte54. Cependant, l’affaire MOKAMANEDE, malgré ses péripéties, constitue une jurisprudence positive sur le point de la condamnation effective des institutions communautaires par le juge de N’djamena. Ce fonctionnaire communautaire fut deux fois victime d’un licenciement illicite: la première par son autorité hiérarchique, dans l’irrespect des conditions de forme, la seconde par le Conseil des ministres de l’UEAC, autorité incompétente et par une décision au demeurant non motivée. Il obtint l’annulation de l’une55 comme de l’autre décision56. Mais il ne put obtenir l’indemnisation, demandée conjointement à son recours en annulation dans la première procédure. Tenace, c’est au bout d’une troisième procédure qu’il obtint finalement du juge que la Communauté soit condamnée à lui réparer ses nombreux préjudices successifs, évalués à… 13 millions de CFA, rien que cela.

1 Arrêt N°001/CJ/CEMAC/CJ/10-11 du 25/11/2010, Affaire : Ecole Inter-Etats des Douanes C/ DJEUKAM Michel.


 

2 A tout le moins, eu égard au statut professionnel du Sieur DJEUKAM : Le règlement n° 08/99/UEAC-007 -CM-02 du 18 août 1999 portant Statut des Fonctionnaires du Secrétariat Exécutif ; le règlement n° 03/09-UEAC-007-CM-20 portant statut des fonctionnaires de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale du 11 décembre 2009.


 

3 Suivant l’institution à laquelle appartenait le Sieur DJEUKAM : Statut des Fonctionnaires de l’Ecole Inter-Etats des douanes de la CEMAC, article 108: « La cour de justice de la CEMAC est compétente pour connaître de tout litige opposant le Directeur Général à l’un de ses fonctionnaires, à l’exception de ceux régis par le contrat de droit local ». Cette approche, qui consiste à s’interroger sur une possible compétence de la CJ.CEMAC, dès lors qu’une institution communautaire est impliquée dans une procédure, a d’ailleurs été exploitée par la défense dans l’affaire ANSARI : « Le premier moyen est pris de la violation de l'article 17 de la Convention régissant la Cour de Justice de la CEMAC en ce que la Cour d'Appel de Yaoundé, saisie d'une affaire impliquant la BEAC, n'a pas saisi la Chambre Judiciaire d'un recours préjudiciel avant de statuer ». Arrêt CJ.CEMAC n° 002/CEMAC/CJ/10-11 du 25 novembre 2010. Aff. ANSARI TRADING COMPANY C/ BEAC. Inédit.


 

4 Il est opportunément repris dans les deux Règlements portant Statut de la fonction publique communautaire : 1) Le règlement n° 08/99/UEAC-007 -CM-02 du 18 août 1999 portant Statut du personnel du Secrétariat Exécutif, article 113 : « La Cour de Justice de la CEMAC est compétente pour connaître de tout litige opposant le Secrétariat Exécutif à l'un de ses fonctionnaires, à l'exception de ceux régis par le contrat de droit local ». 2) Le règlement n° 03/09-UEAC-007-CM-20 portant Statut des fonctionnaires de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale du 11 décembre 2009, article 119 : « La Cour de Justice de la CEMAC est compétente pour connaître de tout litige opposant la Communauté à l’un de ses fonctionnaires ».


 

5 La Communauté distingue en effet trois catégories d’agents : les fonctionnaires communautaires : Règlement N° 03/09-UEAC-007-CM-20 portant Statut des fonctionnaires de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) ; les agents contractuels : Règlement N° 04/09-UEAC-007-CM-20 portant Statut des agents contractuels de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) et les agents locaux régis par le droit local.

6 Jusqu’en 2009, il existait un texte unique, limitativement désigné « Statut des Fonctionnaires du Secrétariat Exécutif », qui fut cependant utilisé par nombre d’institutions et organes communautaires pour régir les relations entre leurs agents internationaux et eux. Par ailleurs, certaines institutions communautaires disposent d’un statut propre : Statut du personnel de l'Institut Sous-régional d'Economie Appliquée (ISSEA), le Statut personnel de l'Institut Sous-régional multisectoriel de Technologie Appliquée, de planification et d'évaluation des projets (ISTA), le Statut du personnel de la Banque des Etats de l'Afrique Centrale (BEAC) etc. Le Conseil des ministres de l’UEAC a adopté le 11 décembre 2009 un règlement de modernisation, qui, désormais vise expressis verbis l’ensemble des fonctionnaires de la CEMAC. Il s’agit du règlement n° 03/09-UEAC-007-CM-20 portant Statut des fonctionnaires de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale suscité.

7 Pour introduire sa réponse, le juge a commencé par une citation de l’article 13 de l’Acte Additionnel n°04/O0/CEMAC/ - 041-CCE-CJ- 02 portant règlement de procédure de la Chambre Judiciaire: « la Chambre Judiciaire est saisie, soit par requête d’un Etat membre, du Secrétaire Exécutif, d’une institution, d’un organe de la CEMAC et de toute personne physique ou morale justifiant d’un intérêt certain et légitime, soit par notification d’un compromis, soit par renvoi des juridictions nationales ou des organismes à fonction juridictionnelle. Les personnes physiques ou morales requérantes doivent en outre jouir de la capacité d’ester en justice » ; cet article ne fait pas de distinction entre personne attachée à la Communauté par un contrat spécifique de travail et celle qui ne l’est pas; il s’ensuit que le requérant est bien concerné par l’article 13 précité ». CJ-CEMAC, Arrêt n° 007/CJ/CEMAC/CJ/07 du 31 mai 2007 ; Affaire: ASSIGA AHANDA Jean-Baptiste C / La BEAC. Inédit. Il certain que cette référence à l’article 13 du règlement de procédure de la Cour, dans le cadre du contentieux de la fonction publique communautaire, manque d’orthodoxie. Cet article ne constitue pas le fondement du contentieux en cause. Il aurait fallu se référer aux articles 4 et 21 de la Convention régissant la CJ.CEMAC, pour que la motivation changeât radicalement d’orientation. L’article 4 en effet exclut de ce contentieux une catégorie de contractuels, ceux qui sont régis par un contrat de droit local.


 

8 Il est opportunément repris dans les deux Règlements portant Statut de la fonction publique communautaire : 1) Le règlement n° 08/99/UEAC-007 -CM-02 du 18 août 1999 portant Statut du personnel du Secrétariat Exécutif, article 113 : « La Cour de Justice de la CEMAC est compétente pour connaître de tout litige opposant le Secrétariat Exécutif à l'un de ses fonctionnaires, à l'exception de ceux régis par le contrat de droit local ». 2) Le règlement n° 03/09-UEAC-007-CM-20 portant Statut des fonctionnaires de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale du 11 décembre 2009, article 119 : « La Cour de Justice de la CEMAC est compétente pour connaître de tout litige opposant la Communauté à l’un de ses fonctionnaires ».


 

9 Il existe de nombreuses institutions communautaires disposant de la personnalité juridique. Ceci leur confère la pleine capacité juridique devant la CJ.CEMAC. Mais, selon l’Article 3 traité révisé de la CEMAC : « La Communauté a la Personnalité Juridique. Elle possède dans chaque Etat membre la capacité juridique la plus large reconnue aux personnes morales par la législation nationale. Elle est représentée, à l’égard des tiers et en justice par le Président de la Commission, sans préjudice des dispositions des Conventions et Statuts particuliers ».


 

10 A. Désiré, « Intégration régionale dans la CEMAC : des problèmes institutionnels récurrents », Afrique contemporaine, 2007/2, n° 222, p. 199-221. Egalement publié sur le site : http://www.cairn.info/revue-afrique-contemporaine-2007-2-page-199.htm.


 

11 La Convention révisée régissant l’Union économique. 25 juin 2008.

12 La Convention révisée régissant l’Union monétaire. 25 juin 2008.


 

13 La Convention révisée régissant le Parlement Communautaire. 25 juin 2008.


 

14 La Convention révisée régissant la Cour de justice communautaire. 25 juin 2008.


 

15 La Convention révisée régissant la Cour des comptes Communautaire. 25 juin 2008.


 

16 Chapitre II et III du Traité révisé de la CEMAC. 25 juin 2008.


 

17 Articles 12 à 16, article 40 al. 2, Traité révisé de la CEMAC. 25 juin 2008.


 

18 Articles 17 à 20, article 40 al. 3, Traité révisé de la CEMAC.


 

19 Articles 25 à 39, Traité révisé de la CEMAC.


 

20 Articles 12 à 16, Traité révisé de la CEMAC.


 

21 Convention du 16 octobre 1990 portant création de la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale.


 

22 Cet Institut n’a jamais vu le jour et ne figure plus sur la liste des organes de la Communauté au sens de l’article 10 du Traité révisé de la CEMAC.

23 Accord du 03 décembre 1975 portant création de la Banque de Développement des Etats de l’Afrique Centrale.

24 C’est un fait : sans avoir mis en place une véritable zone de libre échange ni instauré de manière définitive son union douanière, les Etats de la CEMAC ont, avec la ratification du Traité du 16 mars 1994, engagé l’ambitieuse construction d’une Communauté. Comme des experts onusiens ont pu l’écrire dans un état des lieux récent, « les fondamentaux de l’intégration reste à réaliser » : Nations Unies. Commission Economique pour l’Afrique, Rapport sur l’état d’avancement du processus d’intégration en Afrique centrale. Comité intergouvernemental d’experts 2011 « Enjeux et opportunités des politiques industrielles en Afrique centrale ». Yaoundé, Cameroun 11 – 12 mars 2011. http://www.uneca.org/ac/CIE.


 

25 Acte n° 20/87/UDEAC-475 du 18 décembre 1987 portant adoption de l’accord de création de la Communauté économique du bétail, de la viande et des ressources halieutiques. www.cemac.int.

26 Acte n° 8/72-UDEAC-151 du 22 Décembre 1972 portant adoption de l’accord de création de l’Ecole Inter Etats des douanes.


 

27Acte Additionnel n° 03/01-CEMAC-CE du 08 décembre 2001 portant création de la Commission de Surveillance du Marché Financier de l’Afrique Centrale. www.cemac.int.


 

28 Acte Additionnel n° 9/00/CEMAC-086/CCE du 14 décembre 2000 portant création du Groupe d’Action contre le Blanchiment d’Argent en Afrique Centrale (GABAC). www.cemac.int.


 

29 Acte Additionnel n° 03/01-CEMAC-CE du 08 décembre 2001 portant création de la commission de Surveillance du Marché Financier de l’Afrique Centrale, précité. Au sujet de cette autorité lire : D. E. KEUFFI, La régulation des marchés financiers dans la CEMAC. Thèse. 2010. Université de Dschang/Université de Strasbourg.


 

30 Il s’agit de la formation collégiale composée par la Commission de la CEMAC et du Conseil Régional de la Concurrence : le Règlement n° 1//99/UEAC-CM-639 portant réglementation des pratiques commerciales anticoncurrentielles du 25 juin 1999, le Règlement n° 4//99/UEAC-CM-639 portant réglementation des pratiques étatiques affectant le commerce entre Etats membres du 18 Août 1999 et le du règlement n° 12/05-UEAC-639 du 27 juin 2005 portant modification du règlement n°1//99/UEAC-CM-639 portant réglementation des pratiques commerciales anticoncurrentielles du 25 juin 1999. V. sur la compétence de la Cour, l’article 25 de ce dernier texte.


 

31 LA BEAC entendait alors étendre au niveau communautaire son immunité de juridiction prévue dans les accords de siège conclus entre chaque Etat membre et elle : « La BEAC affirme qu'il résulte de ces dispositions [accord de siège] que son immunité est opposable à toutes les juridictions, nationales et communautaires ; Qu’elle ne peut être levée pour un litige d'ordre privé comme en l'espèce et qu'en l'absence d'une renonciation expresse, la BEAC ne peut être justiciable devant aucune juridiction, Qu’en vertu de l'adage « specialia derogant generalileus », l'article 21 de la Convention régissant la Cour de Justice de la CEMAC qui donne compétence à la Chambre Judiciaire de connaître en premier et dernier ressort des litiges entre la Communauté et ses agents ne peut lui être appliqué, Alors surtout que la BEAC est une personne morale distincte de la Communauté » Arrêt n° 007/CJ/CEMAC/CJ/ 07 du 31/05/2007 ; Affaire : ASSIGA AHANDA Jean-Baptiste C/ LA BEAC, inédit.


 

32 Arrêt n° 007/CJ/CEMAC/CJ/ 07 du 31 mai 2007 ; Affaire ASSIGA AHANDA Jean-Baptiste C/ LA BEAC.


 

33 Arrêt n° 003/CJ.CEMAC/CJ/09 du 25 juin 2009, Affaire GUEREZEBANGA Gabriel Gaétan CI/ LA BDEAC (Recours contre la Décision n° C - 401 DRA/54 du 20/06/2006 du Président de la BDEAC). Inédit.


 

34 Le règlement n° 08/99/UEAC-007-CM-02 du 18 août 1999 portant Statut des Fonctionnaires du Secrétariat Exécutif. www.cemac.int.


 

35 Le règlement n° 03/09-UEAC-007-CM-20 portant Statut des fonctionnaires de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale du 11 décembre 2009. www.cemac.int.


 

36 La réclamation préalable adressée au Comité consultatif de discipline a été jugée par la CJ.CEMAC comme présentant un caractère d’ordre public : Arrêt n° 001/CJ.CEMAC/CJ/04 du 18 mars 2004 ; Affaire: GALBERT A. ETOUA C/ CEMAC : Défaut de saisine préalable du Comité consultatif de discipline : requête en annulation déclarée irrecevable.


 

37 Article 77 du Statut des fonctionnaires de 2009.


 

38 Cette autorité compétente doit être recherchée dans le statut de chaque institution au sens large. Dans nombre de statuts, c’est l’autorité hiérarchique qui est visée. Comme la réclamation préalable adressée au Comité consultatif de discipline, celle qui est adressée à l’autorité compétente de l’institution revêt un caractère d’ordre public : Arrêt n° 009/CJ.CEMAC/CJ/07 du 14 juin 2007, Affaire Madame Jeanne Lucie LACOT C/ L’EIED : Saisine du juge communautaire sans réclamation préalable de l’autorité hiérarchique, requête en annulation jugée irrecevable. Cependant, cette autorité doit donner au fonctionnaire la possibilité d’exercer son recours hiérarchique : V. Arrêt n° 003/CJ.CEMAC/CJ/08 du 20 novembre 2008, Affaire: MOKAMANEDE John Wilfrid C/ Commission CEMAC : Recours gracieux impossible du fait même de l’autorité hiérarchique, requête en annulation jugée recevable. 


 

39 A notre connaissance, aucune jurisprudence de la Cour ne permet pour l’heure d’en dire le caractère d’ordre public ou non. Le respect de ces délais doit cependant être considéré comme d’ordre public, à tout le moins pour donner sens au verbe « devoir » que tant les articles 115 et 118 que 119 emploient, et aussi pour s’aligner sur la jurisprudence de la Cour concernant le respect du délai de saisine du juge qui est de 3 mois à peine d’irrecevabilité de la requête. (V. infra).


 

40 Ce dernier alinéa fait référence au recours conféré à un fonctionnaire pour inviter l’autorité compétente à prendre une décision à son égard. Le délai de réponse est de 3 mois (article 114 alinéa 3).


 

41 Arrêt n° 004/CJ.CEMAC/CJ/07 du 22 mars 2007 AFF. DIEUDONNE NANG EKO ET AUTRES C/ Institut sous Régional multisectoriel de Technologie Appliquée, de Planification et d’Evaluation des Projets (ISTA). Recours en annulation des Statuts révisés de l’ISTA, jugé irrecevable pour non observation du délai de 3 mois de l’article 113 du Statut des fonctionnaires du Secrétariat exécutif). Il convient également de noter que ce délai de 3 mois est propre au contentieux de la fonction publique communautaire. En principe, le délai pour saisir le juge communautaire dans les procédures ordinaires en annulation d’un acte communautaire est de 2 mois, comme le prévoit l’article 12 de l’Acte Additionnel portant règles de procédure de la chambre judiciaire. 


 

42 Arrêt n° 006/0/CEMAC/0/10 du 10 mars 2011. Affaire NZEPA SERGE C/ BDEAC. Inédit. Dans cette affaire, le requérant sollicitait le sursis à exécution d’une décision tant sur le fondement de la violation de la légalité interne que la légalité interne de l’acte. La légalité interne était constituée notamment par «  une disproportion manifeste existant entre la sanction et les faits » et par «  un détournement de pouvoir ». La demande en annulation est encore pendante ; le sursis ne fut pas accordé parce que l’urgence n’était pas justifiée en l’espèce.

43 Arrêt n° 02/CJ/CEMAC/CJ/06 du 30 novembre 2006, Affaire MOKAMANEDE JOHN WILFRID C/ L'ECOLE INTER-ETATS DES DOUANES DE LA CEMAC. Recours en annulation de la décision n° 072/CEMAC/EIED : annulation d’une décision de licenciement pour faute lourde prononcée par le Directeur d’une institution communautaire spécialisée en défiance totale de la règle conférant au Conseil d’administration compétence exclusive pour prononcer toutes les sanctions majeures; Arrêt N° 003/CJ/CEMAC/CJ/08 du 20 novembre 2008, Affaire: MOKAMANEDE JOHN WILFRID C/ COMMISSION CEMAC. Requête aux fins d'annulation de la Décision n° O1/07 - UEAC - CM -15 du 19 mars 2007 : annulation d’une décision de licenciement prise par une autorité incompétente.


 

44 P. KAMTOH, Recours en responsabilité extra contractuelle devant la Cour de justice de la CEMAC. Exposé présenté au séminaire de sensibilisation au droit communautaire et à l'intégration dans la zone CEMAC tenu à Libreville au Gabon du 02 au 06 novembre 2004. Ed. GIRAF. AIF. 2005.


 

45 C’est ce qui ressort de l’arrêt n° 001/CJ/CEMAC/CJ/04 du 18 mars 2004 ; Affaire GALBERT A. ETOUA C/ CEMAC. Inédit. Le requérant soutenait que la phase interne des réclamations préalables de l’article 113 du Statut du personnel du Secrétariat exécutif était réservée au contentieux disciplinaire. Cet argument fut rejeté par le juge communautaire : «  Considérant que cette disposition qui est sans ambiguïté impose au requérant à peine d'irrecevabilité, d'adresser préalablement sa réclamation au Comité Consultatif de discipline et de justifier ensuite d'un refus de la part du Secrétaire Exécutif à sa requête, pour saisir valablement la Cour de Justice communautaire; Considérant qu'en l'espèce ces exigences ne sont pas remplies par le requérant ; Qu'il ya lieu en conséquence de déclarer irrecevable son recours ».


 

46 Arrêt N° 008/CJ/CEMAC/CJ/10-11 du 10 mars 2011 ; Affaire: Marcel DOBILL C/ BEAC : « Considérant qu'aux termes de l'article 20 précité, « la Chambre Judiciaire connaît en dernier ressort, des litiges relatifs à la réparation des dommages causés par les organes et institutions de la Communauté ou par les agents de celle - ci dans l'exercice de leurs fonctions » ; Considérant que l'analyse de ce texte laisse apparaître que les actes pouvant entrainer la responsabilité pour faute de ces organes ou institutions doivent être pris dans l'exercice des compétences qui leur sont dévolues par le droit communautaire CEMAC; Or la Cour observe que les ordonnances du juge de l'exécution de la Cour
d'Appel du, littoral dans le litige opposant Marcel DOBILL à la BEAC ont été prises dans le cadre de la saisie - attribution de créances dont les incidents relèvent du seul juge interne de l'OHADA ; Qu'à l'évidence, le refus de la BEAC de se libérer des sommes saisies attribuées ne peut être considéré au regard de l'article 20 comme la violation de l'une des missions qui lui sont dévolues par le Traité et destinées à la réalisation des objectifs de la Communauté; Qu'au vu de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens d'irrecevabilité, la Cour se déclare incompétente ».


 

47 Arrêt n° 004/CJ/CEMAC/CJ/03 du 17 juillet 2003. Affaire Thomas DAKAYI KAMGA C/ CEMAC, p. 4.


 

48 Ibid.


 

49 Article 46 des règles de procédure de la CJUE.


 

50 L’article 20 de la Convention régissant la CJ.CEMAC  s’inspire ainsi des articles 235 et 288 AL. 2 du Traité CE, qui posent le principe de la responsabilité des institutions européennes. Cette responsabilité doit être jugée « conformément aux principes généraux communs aux droits des Etats ». Pour une application jurisprudentielle de ces articles : CJCE, 15 décembre 1994, FINSIDER C/ COMMISSION, C-320/92 P, Rec. p. I-5697.


 

51 Arrêt n°001/CJ/CEMAC/CJ/05 du 07 avril 2005. Recours en indemnisation par TASHA LOWEH Lawrence contre CEMAC. In fine. Inédit.


 

52 Ibid.


 

53 Arrêt n° 001/CJ/CEMAC/CJ/04 du 18 mars 2004 ; Affaire GALBERT A. ETOUA C/ CEMAC, précité, note 83.


 

54 Arrêt n° 004/CJ/CEMAC/CJ/03 du 17 juillet 2003. Affaire Thomas DAKAYI KAMGA C/ CEMAC. Le requérant avait demandé réparation par la Communauté du préjudice matériel et moral subi du fait qu’il n’a pas été confirmé au poste de Secrétaire exécutif de la CEMAC, selon une décision du Conseil des chefs d’Etat de l’UDEAC et la promesse à lui faite par le gouvernement du Cameroun de le proposer à ce poste. La Cour a rejeté la demande, au motif que la Conférence des chefs d’Etats de la CEMAC n’était pas liée par un acte du défunt Conseil des chefs d’Etats de l’UDEAC, et que par conséquent, cette Conférence n’avait commis aucune faute en nommant une autre personnalité à ce poste, au demeurant proposée par le gouvernement du Cameroun ; Arrêt n° 002/CJ/CEMAC/CJ/09 du 27 mars 2009, AFFAIRE ENOCH DERANT LAKOUE C/ BEAC. Inédit. Fonctionnaire communautaire demandant la condamnation de la BEAC pour une mise en retraite, qu’il considère comme une révocation déguisée. Rejet de la demande indemnisation, car ce fonctionnaire a effectivement atteint l’âge de la retraite, motif autonome de fin de contrat de travail.


 

55 Arrêt N° 02/CJ.CEMAC/CJ/06 du 30 novembre 2006, AFFAIRE MOKAMANEDE JOHN WILFRID C/ L'Ecole Inter-Etats des Douanes de la CEMAC. Inédit.


 

56 Arrêt N° 003/CJ.CEMAC/CJ/08 du 20 novembre 2008, Affaire: MOKAMANEDE John
Wilfrid C/ Commission CEMAC.
Inédit.

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