La visite faite sur les pages Facebook de mes amis m’interpelle : la vie privée, que tous textes fondamentaux internes et internationaux s’attèlent à protéger contre l’intrusion de tiers, est largement exposée sur la toile.
Je ne saurais faire l’économie d’une mise en garde : vous, vous disposez de la capacité physiologique d’oublier, mais, Internet est fait pour conserver en mémoire. Rien ne se perd sur le net, et rien ne s’oublie.
Gardez-vous de publier les photos, les vôtres comme ceux de vos ayant-droits, de vos amis, et surtout pas de vos ennemis sur la toile. Préservez les premiers et méfiez-vous des procédures que les derniers sont endroit d’engager contre vous.
A nos étudiants de licence I en droit au Cameroun, on enseigne la jurisprudence YOMBA MADELEINE. C’est l’affaire d’une Camerounaise qui avait été filmée lors d’un défilé du 1er janvier 1960 et qui avait retrouvée quinze ans après, à la faveur d’un séjour en France, son image utilisée en 1974 pour une campagne promotionnelle véhiculée par des calendriers pour le compte l’entreprise LES BRASSERIES du Cameroun. Aujourd’hui, les emplois indus des images d’autrui se sont multipliés, modernisés et mondialisés.
Les internautes doivent savoir que les images qu’ils diffusent allègrement et de bonne volonté sur la toile sont ou seront utilisées.
Leurs images seront utilisées par les usurpateurs d’identité qui pullulent sur les réseaux sociaux.
Ils doivent savoir que leurs photos sont conservées à leur insu dans des bases de données informatiques, et seront utilisées par les chasseurs d’images, avec quelques retouches et vendues pour les publicités de faible ou grande envergure. Cette cyber activité est un emploi à temps plein pour certains. Ils aident ainsi à dévoiler certains aspects de la vie des personnes qu’un client veut mettre en difficulté.
Ils doivent savoir qu’avec de savants montages, leurs photos sont ou seront associées à des circonstances de fait peu honorables et qu’ils auront du mal à convaincre leurs amis de leur ignorance totale de ces faits, si jamais on leur donne l’occasion de s’en expliquer. Vous vous souvenez que le Président du Cameroun qui n’a jamais assisté à des funérailles de militaire s’est vu en « photo » s’inclinant devant un cercueil au tournant d’un montage qui avait couté de nombreux discours à son Ministre de la communication l’année dernière.
Les internautes doivent savoir que les images de leurs enfants, spécialement les beaux spécimens africains que l’on sait par ailleurs pauvres en moyens juridictionnels, seront utilisés par des pédophiles de toutes sortes de manières. Celles-ci vont du simple voyeurisme à un usage de montages photographiques pour camoufler les visages de vrais enfants victimes de pédopornographie.
Les internautes doivent savent qu’ils prennent un risque à y diffuser les images des autres, y compris celles de membres de leur famille, et spécialement celles des personnes mineures de 21 ans. Ils encourent des condamnations à la fois civile et pénale.
Les internautes doivent protéger leurs secrets, leurs activités, jusqu’au bout: on en voit qui ne disent à aucun proche qu’ils vont à l’étranger (même pas parfois à leur hiérarchie), et sitôt arrivés, ils postent leurs photos prises au pied de la Tour Eiffel ou du Statut de la liberté.
Les internautes doivent visualiser FB ou tout tout autre réseau social comme l’un des nombreux balcons des maisons cybernétiques : que fait-on sur un balcon ? S’y expose-t-on soi-même, et ceci tous les jours, et dans toute tenue ? Y expose-t-on son fils ou celui du voisin pour le faire voir des passants ? Même si on y sèche du linge, ne camouffle -t-on pas astucieusement certains ?
Ne mettons pas à mal nos droits. Le droit à l’image est un droit de la personnalité protégé comme un élément de notre vie privée. De dures années de militantisme vont être mises en difficulté par notre fait même : nous nous rendons difficiles voire impossibles à protéger. Si un magasine ou un journal affiche en gros titre votre photo partagée sur la page FB d’un « ami », « aimé » par tant de personnes, pensez-vous pouvoir l’assigner en justice ? Et, si nous sommes jeunes aujourd’hui, dans quelques années, nous auront pris de l’âge, de la responsabilité… mais les photos diffusées aujourd’hui n’auront pris aucune ride et auront surtout précieusement conservé leur contexte. Selon les cas, nous aurons des explications à fournir, à nos nouveaux amis, conjoints, enfants, collègues, électeurs etc. Ceci dit, à mon constat, les plus suicidaires de leurs droits sur FB, ce ne sont pas les plus jeunes d’entre nous…
Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Pour gérer ces passés tumultueux sur Internet, en Europe, la Cour de Justice de l’Union Européenne a dû, par une jurisprudence de principe, ouvrir la voie à « un droit à l’oubli ». Dans sa décision du 13 mai 2014, elle a encadré la procédure de demande de retrait de suppression de liens internet contenant des données personnelles.
Nous sommes encore loin d’obtenir réparation de préjudices de coupures intempestives d’électricité alors que des textes idoines existent. Ne nous exposons pas à des actuels et futurs préjudices sur les réseaux sociaux que le Chef de notre Assemblée Nationale est encore loin d’accepter comme un mode de communication comme un autre. Ce n’est pas demain la veille que des lois viendront obliger Internet à nous oublier…