La loi n° 2016/006 du 18 avril 2016 régissant l’activité touristique et de loisirs au Cameroun se termine sur un avant-dernier article 54 précisant que : « sont abrogées toutes les dispositions antérieures contraires, notamment la loi n° 98/006 du 14 avril 1998 relative à l’activité touristique ». Cette précision induit qu’il s’agit d’une réforme et non d’une abrogation de la première Loi Tourisme du Cameroun. Seulement, il semble bien qu’une révolution soit intervenue le 18 avril 2016 dans le secteur des services offerts aux touristes dans notre pays. En effet, la loi du 18 avril 2016 est venue séparer deux catégories d’activités autrefois fusionné en une, en distinguant l’activité de tourisme proprement dite des activités de loisirs. En effet, Pour l’image, la première loi avait fondu dans un même statut, celui des établissements de tourisme, l’entreprise offrant des services de dancing et celle offrant des services d’hébergement. Cette orientation était l’objet de la définition offerte par l’article 3 des définitions de la loi du 14 avril 1998. En son alinéa 4, on pouvait lire : « Etablissement de tourisme : un établissement créé par une personne physique ou morale en vue de fournir au public des prestations d’hébergement, de restauration, de loisirs ou de détente ».
Désormais, l’article 3, dont la fonction n’a pas changé, donne deux définitions distinctes de ces entreprises. Honneur à la nouveauté, « l’établissement de loisirs » est défini en premier comme une « structure commerciale offrant au public des prestations de loisirs, notamment de la musique, des attractions et des activités récréatives diverses. Il peut y être procédé à la vente de repas légers et de boissons. Il est soit autonome, soit intégré dans un hôtel ou dans un complexe de loisirs ». En second, arrive la définition de « l’établissement de tourisme », présenté comme une « entreprise de services créée par une personne physique ou morale en vue de fournir au public des prestations d’hébergement, de restauration ». Il est clair aujourd’hui dans l’image ci-haut sollicitée, que l’hôtellerie relève de l’entreprise de tourisme et le dancing de l’entreprise de loisirs.
Il est difficile de qualifier autrement une telle réforme, qui découle en réalité des grands pas accomplis par le tourisme ces derniers siècles.
Le dictionnaire le Littré dans sa version parue en 1863, donne une définition particulièrement disante quant à la perception des touristes au 19ème siècle. Ils y sont présentés comme des « voyageurs qui ne parcourent les pays étrangers que par curiosité et par désœuvrement, qui font une espèce de tournée dans les pays habituellement visités par leurs compatriotes». Cette vision s’est finalement avérée peu juste, au regard de l’éclosion du tourisme au tournant du 20ème siècle, grandement favorisé par la révolution du transport de masse. Le 20ème siècle voit s’imposer cette nouvelle vision du tourisme, qui s’enrichit doublement.
D’abord, le tourisme est reconnu par l'ONU, qui lui attribue une instance, l’Organisation mondiale du tourisme. Au sein de cette instance, un droit au tourisme est consacré par le Code mondial d’éthique. En son article 7, on note : « 1- La possibilité d'accéder, directement et personnellement, à la découverte des richesses de la planète constitue un droit également ouvert à tous les habitants du monde; la participation toujours plus étendue au tourisme national et international doit être considérée comme l'une des meilleures expressions possibles de la croissance continue du temps libre, et ne pas se voir opposer d’obstacles (…) ». La curiosité reprochée au touriste du 19ème siècle est désormais encensée comme un facteur de « découverte des richesses de la planète » et protégée afin que le touriste du 20ème en tire le plus grand profit pendant son « temps libre ». Ensuite le tourisme génère une économie à la fois intrinsèque et parallèle. Intrinsèquement, pour accueillir les touristes, les établissements d’hébergement et de restauration se diversifient qualitativement et quantitativement. Dans le même temps, il s’impose d’aménager les lieux touristiques en vue d’un accès aisé. Parallèlement, il y a dans le tourisme une quête indéniable de divertissement. La question du loisir s’invite ainsi dans cette économie. En offrant des activités de loisirs aux touristes, le glissement n’a pu que s’imposer entre le tourisme et le loisir, au point de faire du tourisme une activité de loisir pure et simple.
Au Cameroun, la prise en compte du tourisme comme levier de l’économie est assez récente. L’urgence d’une règlementation des activités hôtelières et des agences de tourisme avait conduit le législateur camerounais à adopter par voie règlementaire deux textes : le Décret n° 90 /1467 du 09 novembre 1990 fixant les conditions et modalités de construction des établissements de tourisme et le Décret n° 90/1468 du 09 novembre 1990 fixant les conditions et les modalités d’ouverture d’une agence de tourisme. Cependant la loi n° 98/006 du 14 avril 1998 relative à l’activité touristique constitue aujourd’hui le texte de base du droit du tourisme au Cameroun. Trois Décrets ont été signés en vue de son application. Il s’agit du :
- Décret n° 99/443 /PM DU 25 mars 1999 fixant les modalités d’applications de la loi n° 98 /006 du 14 avril 1998 relative à l’activité touristique :
- Décret n° 99 / 112 du 27 mai 1999 portant Organisation et fonctionnement du Conseil National du Tourisme ;
- Décret n° 2005 /176 du 27 mai 2005 modifiant et complétant certaines dispositions du Décret n° 99/112 du 27 mai 1999 portant Organisation et fonctionnement du Conseil National du Tourisme.
La loi camerounaise du 14 avril 1998 avait opté, déjà sur le plan terminologique, à une fusion entre les activités de tourisme intrinsèques (activité de tourisme) et les activités de tourisme parallèles (activités de loisirs proposées aux touristes). Il faut rappeler son article 3 qui, à partir de la définition de l’établissement du tourisme, permet une telle conclusion. Il indique qu’il s’agit d’« un établissement créé par une personne physique ou morale en vue de fournir au public des prestations d’hébergement, de restauration, de loisirs ou de détente ». Donc, un établissement proposant des prestations de loisirs est un établissement de tourisme. Il convient cependant de relever que ces loisirs étaient nommément limités par le Décret n° 99/443 /PM du 25 mars 1999 fixant les modalités d’applications de la loi n° 98 /006 du 14 avril 1998 relative à l’activité touristique au Cameroun. Il s’agit, selon l’article 69 du Décret du cabaret, de la boîte de nuit ou du dancing.
La réforme est désormais acquise car, l’article 3 de la loi du 18 avril 2016 invite à considérer comme établissement de loisirs toute « « structure commerciale offrant au public des prestations de loisirs, notamment de la musique, des attractions et des activités récréatives diverses. Il peut y être procédé à la vente de repas légers et de boissons. Il est soit autonome, soit intégré dans un hôtel ou dans un complexe de loisirs ». L’activité de loisirs vient ainsi d’amorcer son autonomie de celle du tourisme. C’est là le cœur de la révolution portée par la loi du 18 avril 2016. Il convient d’y voir une évolution réaliste, notamment au regard du poids de l’industrie du loisir aujourd’hui.