POUR UNE PARTICIPATION PROACTIVE DES ENTREPRISES A LA PROTECTION DES CONSOMMATEURS AU CAMEROUN

Publié le Modifié le 13/04/2014 Vu 2 513 fois 4
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

L'entreprise proactive au Cameroun. Question: comment s'assurer de faire de belles et longues affaires? Réponse:en protégeant le consommateur. Voici comment!

L'entreprise proactive au Cameroun. Question: comment s'assurer de faire de belles et longues affaires? Répon

POUR UNE PARTICIPATION PROACTIVE DES ENTREPRISES A LA PROTECTION DES CONSOMMATEURS AU CAMEROUN


 


 

Il est de coutume d’opposer le consommateur à l’entreprise. Cette opposition est tendancieuse à notre sens dans la mesure où elle suscite une relation négative entre ces deux partenaires nécessaires. Par conséquent, elle doit être combattue, tant elle est à contre-courant de la réalité économique. Une telle vision est entretenue par une approche favoritiste de leur législation. Pendant longtemps, seule l’entreprise, acteur économique de premier plan, a fait l’objet d’une manifestation d’intérêt à tout échelon. Après l’ancien code de commerce datant de 1808, tout le droit OHADA y concourt depuis bientôt deux décennie. La question de la protection du consommateur a souvent été reléguée, limitée aux seules prescriptions élémentaires du code civil. L’approche militante qu’impose la lutte contre le déséquilibre indéniable qui existe entre l’entreprise et le consommateur a conduit à admettre la relativité des prescriptions du code civil, imposant pour une meilleure protection des consommateurs, l’adoption de normes idoines. Cette législation spécifique est à l’origine d’un droit spécial de protection des consommateurs étudié sous la bannière du droit de la consommation. Le législateur vient, en effet, de doter le consommateur camerounais d’un statut, porté par la loi-cadre n° 2011/012 du 6 mai 2011 portant protection du consommateur au Cameroun, qui vient pallier le déficit posé par la réglementation consumériste parcellaire du titre IV de la loi n° 90/031 du 10 août 1990 régissant l’activité commerciale au Cameroun. Elle vient ainsi s’ajouter aux prescriptions d’ordre consumériste contenues dans les réglementations sectorielles, en exemple les articles 15, 16 et 17 du Règlement du service de distribution publique d’électricité (AES SONEL) ou les articles 86 et suivants du Décret n° 99/443 /PM du 25 mars 1999 fixant les modalités d’application de la loi n° 98 /006 du 14 avril 1998 relative à l’activité touristique.

Cette émergence du droit de la consommation invite à repenser la philosophie générale de la relation entre l’entreprise et le consommateur. Le droit du marché, expression permettant de réunir dans un même champ thématique le droit de la concurrence, le droit de la consommation et le droit de la distribution, plus théorisé et pratiqué dans les traditions juridiques avancées, est aujourd’hui en pleine émergence en Afrique. Si, auparavant, le droit positif pouvait être considéré comme un droit en faveur des entreprises au regard du nombre d’instruments législatifs, le nouveau statut du consommateur camerounais tend à rétablir un certain équilibre, le niveau de protection exigé étant particulièrement élevé. En effet, il s’inspire de règles prônées par les Principes Directeurs des Nations Unies pour la protecteur des consommateurs (CNUCED, 1999) : le principe de protection ou principe de sécurité, le principe de satisfaction, le principe d’équité ou principe de réparation des dommages subis, et enfin le principe de participation ou principe de regroupement sur une base associative en vue de constituer une force de protection et de défense des droits des consommateurs.

Ces prescriptions en faveur des consommateurs créent, quoique indirectement, des obligations juridiques particulièrement coercitives à la charge des entreprises : ainsi, nombreuses sont celles qui doivent revoir leurs conditions générales pour y soustraire les clauses abusives au sens de la nouvelle loi. Cette réglementation pourrait, si une approche positive n’était pas prônée et adoptée, crisper les relations entreprise/consommateur. Seulement, une telle issue, éloignée de toute fatalité, pourrait être combattue par une réelle connaissance des mérites économiques d’une participation proactive de l’entreprise à la protection des consommateurs. Ces deux acteurs du marché sont naturellement liés dans une symbiose économique que seul le jeu de la concurrence devrait contrôler. Mais, si l’Etat est institutionnellement le protecteur de l’intérêt général, des études menées par les plus grands spécialistes dénotent d’une influence positive de la participation proactive de l’entreprise à la protection des consommateurs de ses produits1. L’Histoire consumériste en France révèle d’ailleurs que les entreprises sont au cœur du déclenchement de cette action. Au cœur de cette histoire se trouve un groupe de viticulteurs outrés, victimes de fraudes, dont l’action fut à l’origine de la première loi réprimant la fraude, la loi du 1er août 1905 sur les fraudes et falsifications. Individuellement ou dans le cadre des groupements de professionnels, les moyens de cette participation proactive, constituant finalement un avantage concurrentiel et plus globalement économique indéniable, peuvent être présentés en cinq points :

- La mise en conformité des contrats et conditions générales aux textes en vigueur ;

- la gestion du droit de la consommation par l’entreprise ;

- l’institution d’un interlocuteur du consommateur au sein de l’entreprise ;

- la participation des groupements d’entreprises à l’éducation des consommateurs;

- la participation des entreprises à la gestion des conflits de consommation.

Le fait pour une entreprise d’agir de manière proactive en faveur de la protection du consommateur du seul fait de la peur du gendarme dénaturerait la quintessence de ce plaidoyer ; il s’impose cependant de les édifier sur les nouveaux risques encourus au regard des droits importants confiés aux associations de consommateurs par le législateur camerounais.

La mise en conformité des contrats et conditions générales aux textes en vigueur : Certes, le respect des lois en vigueur ne constitue aucunement une option, cependant, à notre sens, la première caractéristique d’une entreprise qui protège ses consommateurs est sa conformité aux textes consuméristes en vigueur. La nouvelle loi-cadre du 6 mai 2011 appelle de nombreuses exigences nouvelles qu’une entreprise devrait promouvoir pour démontrer sa bonne foi vis-à-vis des consommateurs. Cette « promotion » passe par la révision de ses contrats-cadre ou ses conditions générales de vente pour y soustraire les clauses illégales et les clauses abusives au sens de la nouvelle loi. Les plus récurrentes que l’on peut indexer, notamment dans les contrats de transports routiers de personnes, sont les clauses attributives de juridiction et les clauses limitatives de responsabilité. De même, mettre en œuvre l’obligation d’information en français et en anglais, comme l’impose les articles 13 et 18 de la nouvelle loi, permettrait de limiter voire de suspendre au Cameroun la circulation de produits dont les modes d’emploi sont rédigés dans des langues étrangères, notamment en Chinois et en Indien, certains étant des produits dits médicinaux. Déjà, le niveau intellectuel du consommateur camerounais semble relatif, la confrontation à ces langues étrangères crée en sus une source d’insécurité que l’entreprise peut, par une simple politique d’entreprise, supprimer.

La gestion du droit de la consommation par l’entreprise : Le droit de la consommation est un droit tentaculaire. Chaque produit ou service dispose d’une législation spécifique, touchant à la qualité et à la sécurité attendues par le consommateur. Elles sont désormais imposées par l’article 17 de la loi-cadre : « Les normes relatives aux produits alimentaires, pharmaceutiques et aux médicaments doivent être obligatoires et conformes à celles fixées par les organisations internationales compétentes et couvrir la sécurité chimique et biologique ». Aussi, l’entreprise doit-elle avoir la maîtrise des règles relatives à la normalisation et à la conformité de ses produits et services. L’actualité camerounaise de l’année 2010 a été marquée par l’effondrement des immeubles encore en construction, question ayant conduit à s’interroger sur la conformité des matériaux de construction. Cette question de normalisation est actuellement (2014) posée à propos du whisky en sachet. La protection du consommateur impose une interaction entre les entreprises et les institutions de recherche scientifique et technologique, la nouvelle agence nationale des normes pouvant faciliter cette interaction. Cet aspect tentaculaire du droit de la consommation exige de l’entreprise un outil de gestion efficace, qui peut prendre la figure d’une structure de veille juridique et scientifique. Le groupe disposant de plus de moyens que l’entité, cette structure peut être constituée par le groupement professionnel dans l’intérêt de tous ses membres, qui proposerait des produits et ses services respectueux de la norme et de la qualité.

L’institution d’un interlocuteur du consommateur au sein de l’entreprise : le consommateur reste la visée première de l’entreprise : pour certaines, il est la composante principale sinon unique de la clientèle or tout fonds de commerce est créé dans le but d’attirer et de retenir celle-ci. De nombreuses actions sont mises en œuvre pour fidéliser cette clientèle, mais peu d’actions concourent au suivi de la relation contractuelle. Le législateur camerounais a curieusement limité le service-après-vente (SAV) au commerce de « biens durables » (article 10 de la loi du 6 mai 2011). Cependant, toute entreprise gagnerait à développer et à promouvoir ce type de service particulièrement utile pour le consommateur dans un contexte d’importation forte, de culture consumériste peu développée, à l’image du pouvoir d’achat du consommateur camerounais. Ceci contribuerait à une forme de sécurisation de la relation contractuelle, participant certainement à la fidélisation du consommateur.

La participation des groupements d’entreprises à l’éducation des consommateurs : la culture consumériste étant encore en émergence en Afrique, le terrain de l’éducation à la consommation reste en friche. L’éducation à la consommation est une éducation au choix éclairé et responsable. Dans les systèmes avancés, cette éducation est menée dans le cadre de l’enseignement primaire et secondaire, certes par une structure d’Etat, à l’exemple de l’Institut National de la Consommation en France, qui a publié en octobre 2007 un « Manuel d’éducation des jeunes consommateurs pour les professeurs des écoles, des collèges et des lycées ». Ce travail devrait être effectué par le gouvernement du Cameroun, comme l’y invite le point 35 des Principes directeurs des Nations-Unies pour la protection des consommateurs ; le législateur camerounais l’a mise à la charge des associations de consommateurs (article 21 de la loi-cadre). Mais l’entreprise camerounaise proactive promue ici devrait se saisir du texte onusien, comme l’y convie le point 39 des Principes directeurs des Nations-Unies pour la protection des consommateurs. Une illustration permet de démontrer les conséquences de ce déficit chez nous, et partant, l’urgence de cette éducation : les Camerounais disposent en moyenne de deux téléphones, correspondant aux deux opérateurs téléphoniques dominant le marché de la téléphonie mobile au Cameroun : il s’agirait de contrer les déséquilibres de prix de l’interopérabilité entre ces deux entreprises. Pourtant, sur le long terme, aucune étude, à notre connaissance, ne démontre l’effectivité des économies qui en découlent. Et si un troisième opérateur était agréé ? Le but de la concurrence est justement de multiplier les possibilités de choix et non d’aboutir à une absence de choix.

La participation des entreprises à la gestion des conflits de consommation : le règlement des litiges de consommation relève pour l’heure du droit commun. Le consommateur reste donc tributaire des défauts connus de notre système judiciaire : lenteur, corruption, manque de fiabilité et difficultés de la mise en œuvre de l’aide juridictionnelle, sans compter le manque de confiance généralisé sans le système judiciaire. Aussi peut-on voir dans l’instauration des « Comités de recours » par arrondissement une réelle avancée (article 30 de la loi du 6 mai 2011). Ces Comités, présentés comme le « service public d’arbitrage des différends relatifs à la protection des consommateurs », constituent la phase embryonnaire du règlement rapide des litiges de consommation au Cameroun. Il est important que les entreprises, comme le sont déjà les associations de consommateurs, s’impliquent dans la rédaction du texte réglementaire destiné à encadrer cette toute nouvelle institution. Elles pourraient en l’occurrence proposer d’assortir ce texte réglementaire de modes intermédiaires et/ou alternatifs de règlement des conflits de consommation, l’arbitrage, comme la justice judiciaire, présentant un coût. Aussi, l’apport des entreprises à cette réglementation consisterait à y préconiser la conciliation et la médiation, alternativement aux autres modes de règlement des conflits. Cette proposition serait d’autant plus pertinente que les entreprises se doteraient en interne ou dans le cadre du groupement professionnel, d’un service-client réellement personnalisé et domicilié, et non simplement d’une boîte vocale. Les entreprises doivent faire un réel effort d’adaptation, ce jusqu’à l’usage d’un langage vernaculaire, de leurs outils de gestion des droits de leurs consommateurs ; l’entreprise plus consciencieuse encore devrait, dans sa communication, viser expressément les plus petits litiges de consommation, corrélativement au pouvoir d’achat du consommateur camerounais moyen.

Les nouveaux risques pesant sur l’entreprise et ses dirigeants au regard de la loi-cadre du 6 mai 2011 : il n’est pas anodin que ce nouveau texte soit publié sur le site internet du GICAM. On peut illustrer par deux prescriptions de la loi du 6 mai 2011 les formes nouvelles de risques planant désormais sur l’entreprise au Cameroun : Primo, l’institution des actions de groupe. Les associations de consommateurs et les organisations non gouvernementales œuvrant dans ce domaine disposent désormais du droit d’agir en justice pour obtenir réparation des dommages causés à un groupe de consommateurs (article 26 et 27 alinéa 4). Dénommées class actions, de telles actions conduisent théoriquement à la réparation des dommages identiques ou similaires causés à un grand nombre de consommateurs par une entreprise, ce par le biais d’une seule procédure en justice. Elles aboutissent à une décision dont peut se prévaloir tout consommateur victime, partie ou non au procès (article 29 de la loi-cadre du 6 mai 2011). Secundo, la pénalisation de certaines infractions de consommation. Globalement, elles concernent le fait de fournir des informations erronées au consommateur. Les articles 32 et suivants de la 6 mai 2011 prévoient en l’occurrence des peines d’emprisonnement (six (6) mois à deux (2) ans) et/ou d’amendes (deux cent (200) mille à un million de francs) touchant tant l’entreprise que ses dirigeants. Par ailleurs, la réparation des dommages causés aux consommateurs du fait de la violation de ces règles est basée sur un mécanisme de réparation dérogatoire au droit commun : en effet, l’article 1382 du code civil prévoit le principe de la réparation intégrale, alors que l’article 34 de la loi du 6 mai 2011 prévoit une réparation « doublé(e), majoré(e) des intérêts de droit (…)».

Mais cela a été dit, ceci ne s’adresse pas à l’entreprise qui s’exécutera parce qu’elle redoute le gendarme, mais à celle qui veut faire de belles affaires, entendues ici comme celles dans lesquelles chaque partie trouve son compte et longtemps. Cette entreprise, en participant à la protection du consommateur, gagne sa fidélité et d’ailleurs, il fera pour elle la meilleure publicité qui soit… du client au futur client.

1 H. TEMPLE, Le droit de la consommation est-il contre l’entreprise ? MARKET MANAGEMENT/ MARKETING ET COMMUNICATION. Vol. 1. N° 2, novembre 2005, p. 29. L’auteur, longtemps Directeur du Centre du Droit de la Consommation et du Marché de l’université Montpellier I, y démontre que le droit de la consommation est une composante indispensable de l’environnement économique de l’entreprise et à la fois un objet et un moyen de gestion d’entreprise.

Vous avez une question ?

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

1 Publié par Visiteur
27/07/2015 10:27

bjr j'aimerai connaitre les origines et l'évolution de la protection du consommeteur dans le contexte camerounais. Merci

2 Publié par Visiteur
27/07/2015 10:27

bjr j'aimerai connaitre les origines et l'évolution de la protection du consommeteur dans le contexte camerounais. Merci

3 Publié par Visiteur
29/10/2016 14:14

le consommateur au cameroun est t'il réellement protégé contre la contrefaçon? si oui, quel sont les mécanismes de cette protection?

4 Publié par Dr KAMWE
04/11/2016 11:03

Bonjour

Concernant la protection du consommateur contre la contrefaçon, vous lirez avec interet mon billet publié sur ce blog EN PERSPECTIVE POUR LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR AU CAMEROUN.
Bonne journée!

Publier un commentaire
Votre commentaire :
Inscription express :

Le présent formulaire d’inscription vous permet de vous inscrire sur le site. La base légale de ce traitement est l’exécution d’une relation contractuelle (article 6.1.b du RGPD). Les destinataires des données sont le responsable de traitement, le service client et le service technique en charge de l’administration du service, le sous-traitant Scalingo gérant le serveur web, ainsi que toute personne légalement autorisée. Le formulaire d’inscription est hébergé sur un serveur hébergé par Scalingo, basé en France et offrant des clauses de protection conformes au RGPD. Les données collectées sont conservées jusqu’à ce que l’Internaute en sollicite la suppression, étant entendu que vous pouvez demander la suppression de vos données et retirer votre consentement à tout moment. Vous disposez également d’un droit d’accès, de rectification ou de limitation du traitement relatif à vos données à caractère personnel, ainsi que d’un droit à la portabilité de vos données. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de LÉGAVOX qui exerce au siège social de LÉGAVOX et est joignable à l’adresse mail suivante : donneespersonnelles@legavox.fr. Le responsable de traitement est la société LÉGAVOX, sis 9 rue Léopold Sédar Senghor, joignable à l’adresse mail : responsabledetraitement@legavox.fr. Vous avez également le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.