LE RENVOI PREJUDICIEL DEVANT LA COUR DE JUSTICE DE LA CEMAC (1)

Publié le 14/03/2014 Vu 15 966 fois 0
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Le recours préjudiciel se définit comme un instrument de coopération juridictionnelle entre le juge national et le juge communautaire. Dans la CEMAC comme dans l’Union Européenne, cadre d’initiation du droit communautaire général, le législateur distingue le recours en interprétation du recours en appréciation de légalité. Son objectif est de concourir à l’harmonisation de la jurisprudence communautaire, afin d’instituer véritablement un « droit commun » entre les six Etats membres.

Le recours préjudiciel se définit comme un instrument de coopération juridictionnelle entre le juge nationa

LE RENVOI PREJUDICIEL DEVANT LA COUR DE JUSTICE DE LA CEMAC (1)

Le contentieux préjudiciel est un des phénomènes les plus insolites

de notre droit judiciaire ; s’en remettre à autrui pour décider est

un péché mortel pour le juge : il ne peut en aucun cas déléguer

sa juridiction (…) et cette interdiction est d’ordre public (…) »

Paul MARTENS1

1. Le renvoi préjudiciel est aujourd’hui présenté comme le recours le plus usité en droit communautaire européen2. A ce sujet, l’arrêt VAN GEND EN LOOS3 rendu le 5 février 1963 est inscrit dans le patrimoine jurisprudentiel de l’Union européenne comme un archétype : il s’agit en effet du premier arrêt préjudiciel rendu par la Cour de Justice des Communautés Européennes. Expérience inédite à cette date-là, le renvoi préjudiciel en droit communautaire européen4 est aujourd’hui le fondement d’une authentique école prétorienne.

Le recours préjudiciel se définit comme un mécanisme de coopération entre les juridictions nationales et une juridiction communautaire par lequel le juge national, au cours d’un contentieux, sursoit à statuer, pour poser au juge communautaire une question d’interprétation ou d’appréciation de validité relativement à une disposition communautaire dont l’applicabilité est invoquée5. Pour dire toute la rationalité de cette institution procédurale, le Professeur PERTEK établit avec la pratique médicinale la corrélation suivante: «  Dans cette coopération directe entre juges dont le mécanisme préjudiciel est l'instrument, on peut comparer le rapport qui s'établit entre les deux catégories de juges à celui qui existe, dans le domaine de la santé, entre un généraliste et un spécialiste. Le juge généraliste qu'est le juge national est celui auquel on s'adresse normalement et en premier lieu ; le juge spécialiste qu'est la Cour de justice est celui qui est appelé à intervenir dans certains cas et par l'entremise du généraliste »6.

2. Le renvoi préjudiciel se caractérise effectivement par son pragmatisme. L’énoncé des principes généraux du droit communautaire, ainsi que leurs conséquences pour les praticiens et les justiciables, ont été le fait de réponses préjudicielles portées par des arrêts aujourd’hui incontournables en droit communautaire européen7. Confortés par cette expérience positive inédite, les nouveaux systèmes d’intégration, postulant l’institution d’une « Communauté de droit »8, se sont inscrits à cette école prétorienne. En Afrique Subsaharienne spécialement, l’Union Economique et Monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA)9 et la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC)10 font figure d’exemple, démontrant l’attractivité du renvoi préjudiciel, et partant, l’intérêt doctrinal pour cet unique mécanisme de coopération juridictionnelle communautaire11. Dans la CEMAC particulièrement, cadre de la présente étude, ledit recours devant la Cour de justice Communautaire12 prend racine dans le droit primaire.

3. Le mécanisme du renvoi préjudiciel est institué par l’article 17 de la Convention régissant la Cour de justice de la CEMAC. Ce texte dispose que : « La Chambre Judiciaire statue à titre préjudiciel sur l’interprétation du Traité de la CEMAC et des Textes subséquents, sur la légalité et l’interprétation des Statuts et des Actes des Organes de la CEMAC, quand une juridiction nationale ou un organisme à fonction juridictionnelle est appelé à en connaître à l’occasion d’un litige ». Cette compétence est rappelée à l’article 48 du Statut de la Cour de justice communautaire. Par essence donc, ce recours crée un lien naturel entre le juge national et le juge communautaire.

4. Les attentes placées dans le renvoi préjudiciel s’inscrivent dans un dessein juridique précis. Selon le Traité de N’djamena créant la CEMAC, il s’agit d’un instrument juridictionnel d’uniformisation de la jurisprudence communautaire dans tous les Etats membres. Comme « spécialiste » du droit communautaire, la Cour ne statue, dans le cadre du renvoi préjudiciel, qu'en droit. Ainsi, la coopération du juge national est sollicitée pour atteindre cet objectif nécessaire à l’uniformisation du droit communautaire dans son application juridictionnelle. Par souci de cohérence et d’uniformisation de ce droit, le juge national, face à des arguments de défense tirés de textes communautaires dont l’application est sujette à discussion, doit adopter cette attitude proactive et constructive qui implique pour lui de surseoir à statuer, afin d’interroger la Cour de justice communautaire. Elle seule est habilitée à donner des textes communautaires une interprétation ou une appréciation de validité authentiques.

5. La quête d’uniformisation et d’authenticité dans l’application des textes communautaires est telle que le législateur communautaire a reconnu, à l’ensemble des institutions communautaires et à toute personne physique ou morale, un droit de recours direct devant la Cour lorsque « l’inobservation des règles de procédure du renvoi préjudiciel donne lieu à des interprétations erronées des Traités de la CEMAC et des Conventions subséquentes, des statuts des Organes de la Communauté ou d’autres textes pertinents, elle rend un arrêt donnant les interprétations exactes »13. Il importe cependant de dissocier fondamentalement cette autre voie de recours du renvoi préjudiciel, prérogative des seuls juges nationaux et assimilés. Les textes régissant les systèmes juridictionnels communautaires donnent par conséquent une visibilité nette à cette voie de recours14.

6. L’objectif du présent propos est de contribuer à une lecture du renvoi préjudiciel, comme mécanisme de coopération entre le juge national et le juge communautaire dans la création souhaitée d’une Communauté de droit en Afrique centrale. En l’état encore embryonnaire tant de la législation que de la jurisprudence de la CEMAC, il est difficile de faire une telle lecture sans recourir à sa source d’inspiration originelle, le droit communautaire européen. Pourtant l’existence de ce recours nécessite d’être largement diffusé comme source de prospérité de notre droit communautaire. Ce droit en effet, du fait d’un principe-clé défini dans l’Union Européenne par le canal d’une réponse préjudicielle15, fait du juge national selon une formule consacrée, « le juge communautaire de droit commun »16 en vertu spécialement du principe de son effet direct. Selon ce principe, le droit communautaire s’intègre immédiatement dans l’ordre juridique national, et est créateur de droits et d’obligations à l’égard de tous. Sa force est telle que le juge national est appelé à appliquer le droit communautaire, « même en laissant inappliquée toute disposition de droit national contraire »17. il revient, selon le Traité, à la Cour de justice communautaire d’œuvrer à l’assise de l’unité du droit en question en offrant au juge national une matière juridique conforme au droit en question.

7. Au cours d’un contentieux, tout moyen tiré du droit communautaire doit recevoir une réponse, sauf pour le juge national à courir le risque d’un déni de justice. Le renvoi préjudiciel arrive fort à propos pour lui donner l’opportunité d’interroger le « spécialiste » quant au moyen de droit communautaire invoqué. « Généraliste » du droit communautaire, le juge national dans la CEMAC doit pouvoir donner sa pleine efficience au renvoi préjudiciel dans l’intérêt individuel des parties, mais aussi dans l’intérêt collectif de la jurisprudence communautaire. Dans le contexte du jeune droit de l’Afrique Centrale, il peut d’autant tant plus recourir à cet instrument de coopération juridictionnelle qu’il est édifié quant à son domaine (I) et maîtrise la procédure (II) qui lui permet en posant une question préjudicielle, d’obtenir une réponse à même d’uniformiser la jurisprudence communautaire.

I – LE DOMAINE DU RENVOI PREJUDICIEL

8. L’objectif d’uniformisation émane de celui d’intégration, qui est également juridique : le droit doit être identiquement appliqué dans tous les Etats membres18. Par ses deux branches complémentaires, l'interprétation et l'appréciation de validité (ou de légalité), le mécanisme préjudiciel y aboutit. La question préjudicielle en interprétation permet au juge national de solliciter du juge communautaire la détermination exacte du sens d’un acte communautaire. Dans une question préjudicielle en appréciation de validité, le juge national interroge le juge communautaire sur la conformité au droit communautaire d'une règle de droit nationale ou communautaire, ou d’une pratique administrative existant dans la Communauté.

Ainsi, aucun texte communautaire n’échappe-t-il à l’emprise d’une appréciation préjudicielle, qu’il relève du droit communautaire primaire (A) ou du droit communautaire dérivé (B). Cette extension du domaine de la coopération préjudicielle a une justification intrinsèque ; celle-ci réside dans le souci d’application d’un droit « commun » aux Etats membres intégrés d’un Communauté à l’instar de la CEMAC (C).

A/ LES TEXTES DE DROIT COMMUNAUTAIRE PRIMAIRE

9. Le droit communautaire primaire s’entend du droit issu des textes fondamentaux de la Communauté19. Selon le premier pan de l’article 17 de la Convention régissant la Cour de justice de la CEMAC, « la Chambre judiciaire statue à titre préjudiciel sur l’interprétation des traités et des textes subséquents (…) ». Il en ressort que les textes relevant du droit primaire ne peuvent faire l’objet que d’un renvoi préjudiciel en interprétation. Il faudrait les identifier. En explorant l’ensemble de ces textes dits fondateurs, on distingue par ordre hiérarchique les textes suivants, faisant partie intégrante du Traité :

- Le Traité lui-même, signé le 16 mars 1994;

- l’Additif au Traité relatif au système institutionnel et juridique de la Communauté, du 5 juillet 1996 ;

- les différentes Conventions visées à l’article 3 du Traité qui précise qu’elles sont « à annexer au présent Traité et dont elles feront intégralement partie ». Signées également le 5 juillet 1996, elles régissent les quatre institutions communautaires ;

- Les Actes additionnels : qui sont eux aussi « annexés au Traité de la CEMAC (…)». (Article 21 de l’Additif relatif au système institutionnel et juridique de la Communauté). Au nombre de 4, qui datent du 10 décembre 2000.

Les quatre groupes de textes ci-dessus répertoriés20 constituent donc, au sens de l’article 17 de la Convention régissant la Cour de justice de la CEMAC les textes dont seule l’interprétation peut être demandée par le biais d’une question préjudicielle. Comme l’écrit le juge KAMTOH de la Cour de la justice de la CEMAC, les interprétations que cette Cour « donne sont réputées exactes et s’imposent dans tous les cas à toutes les autorités administratives et juridictionnelles dans l’ensemble des Etats membres. Ces interprétations font corps avec les actes interprétés, et leur caractère objectif et abstrait permet qu’elles s’incorporent aux textes concernés qui doivent désormais être appliqués dans le sens et la portée incluse qu’il en résulte »21.

10. L’objectif principal de la seule possibilité d’interprétation des textes fondateurs est de s’assurer que les textes fondamentaux de la Communauté ne soient l’objet d’une remise en question par le juge dans le cadre d’une appréciation de validité. En effet, cette dernière aboutirait au retrait d’un texte communautaire ou national non-conforme, ce en vue de leur modification (V. infra). Or, il est certain que le législateur a voulu conférer une immunité juridictionnelle aux textes de droit primaire22, socle législatif de la Communauté. La modification du Traité de la CEMAC, de son Additif et des Conventions relève de la compétence exclusive de la Conférence des Chefs d’Etat, sur saisine exclusive des Etats membres, et ne peut être adoptée qu’à l’unanimité de ceux-ci. D’ailleurs, ces modifications n’entreront en vigueur qu’après ratification par tous les Etats membres23.

11. Il convient de préciser que l’immunité juridictionnelle des textes communautaires fondateurs n’induit pas une immunité totale. Ils peuvent être remis en cause par les Etats membres. Leur modification sera alors demandée par la voie politique prévue à l’article 50 de l’Additif relatif au Système institutionnel. Cependant, le recours à cette procédure exceptionnelle ne vise que le Traité et deux Conventions susceptibles d’être modifiées : la Convention de l’UEAC et celle de l’UMAC. Des quatre Conventions intégrées au Traité, Deux se trouvent de lege oubliées ou exclues dans cette énumération : les Conventions régissant la Cour de justice communautaire et la Convention régissant le Parlement communautaire. Il y a lieu cependant de relativiser la limitation faite dans l’énumération de l’article 50. En effet, l’actualité législative de la CEMAC, centrée sur les réformes institutionnelles24, donne à apprécier un exemple de mise en œuvre de l’article 50 du Traité. Les réformes en cours touchent l’ensemble de la législation primaire communautaire, y compris les deux Conventions relatives l’une à la Cour et l’autre au Parlement Communautaire.

12. Finalement, l’uniformisation du droit primaire par le seul recours en interprétation permet d’assurer la stabilité du droit fondateur de la Communauté. Le droit dérivé appelle la même stabilité, mais, il est de nature à admettre une modification lorsqu’une illégalité vis-à-vis du droit primaire est avérée.

B/ LES TEXTES DE DROIT COMMUNAUTAIRE DERIVE

13. Le droit communautaire dérivé peut être défini comme l’ensemble des textes communautaires pris en application du droit communautaire primaire. Selon l’article 17 de la Convention régissant la Cour de la Justice Communautaire, la Chambre judiciaire statue à titre préjudiciel « (…) sur la légalité et l’interprétation des Statuts et des Actes des organes de la CEMAC ». Ce texte entend soumettre l’ensemble du droit dérivé à l’appréciation préjudicielle du juge communautaire, qu’il s’agisse de l’interprétation ou de l’appréciation de validité. Cependant, il ne semble concerner que le droit dérivé régissant les situations internes (1) ; le sort des textes issus des relations internationales de la CEMAC (2) reste en question.

1° Les textes de droit dérivé interne à la CEMAC

14. Adoptés en vue de la mise en œuvre du droit primaire, les textes du droit dérivé foisonnent, tant au regard de leur origine, de leur nature et de leur contenu. Seulement, la formulation de l’article 17 ci-dessus cité semble couvrir un groupe d’actes qui s’étendrait, à l’analyse, à quelques autres actes déjà intégrés à la législation primaire et par conséquent susceptibles du seul recours en interprétation. Aussi, des observations s’imposent-elles au regard de la référence tant aux « Statuts » qu’aux « Actes des organes » de la CEMAC.

15. Les Statuts visés sont, de manière générique, ceux des institutions, des organes et institutions spécialisées, concrétisant l’action de la Communauté. Cependant, lesdits Statuts sont généralement adoptés par Acte Additionnel. L’exemple le plus disant est offert par les deux Actes Additionnels portant l’un Statut de la Chambre judiciaire, et l’autre Statut de la Chambre des comptes25. Or les Actes Additionnels sont expressément intégrés au Traité26 et ne sauraient faire l’objet d’une appréciation de validité selon la limitation faite dans le premier paragraphe de l’article 17 de la Convention régissant la Cour de justice Communautaire. Comment comprendre un tel enchevêtrement des prescriptions ? On peut rechercher dans le contenu même des Actes additionnels des réponses à cette question. Ceux précédemment cités présentent une nature normative. Cependant, il existe des actes additionnels assimilables à des décisions27 dans la mesure où ils visent des destinataires individuels28. Il faudrait par conséquent admettre une compréhension restrictive de l’article 21 du Traité. Seuls en feraient partie intégrante, suivant une telle analyse, les Actes Additionnels normatifs, lesquels « complètent [le Traité] sans le modifier »29. A ce titre, ils pourraient faire l’objet exclusivement d’un renvoi préjudiciel en interprétation comme acte de droit primaire. Les autres actes additionnels, relevant du droit dérivé, pourraient subir à la fois une interprétation et une appréciation de validité.

16. La référence faite aux « actes des organes de la CEMAC » appelle pour sa part deux séries d’observations quant à la rigueur terminologique. L’une concerne les « actes » et l’autre les « organes » en question. Une bonne compréhension des critiques commande cependant d’analyser ceux-ci en premier :

Sur la référence aux « organes » : la terminologie propre au système institutionnel communautaire invite à distinguer les institutions, les organes et les institutions spécialisées. Ceci découle des prescriptions claires de l’article 1er de l’Additif relatif au système institutionnel. Deux analyses sont possibles.

D’une part, on peut avancer que l’article 17 impose une compréhension rigoureuse du terme « organe », auquel cas les actes des institutions et ceux des institutions spécialisées seraient exclus du champ des actes susceptibles d’une appréciation de validité. Seulement, une telle analyse ne serait pas en phase avec l’article 11 de la Convention régissant la Cour de justice Communautaire : « la Chambre judiciaire est chargée du contrôle juridictionnel des activités des Institutions et organes de la CEMAC, autres que le Parlement Communautaire et la Cour de Justice ». Ainsi, l’ensemble des institutions et organes communautaires voient leurs activités soumises à la censure de la Cour, à l’exclusion claire et précise du Parlement et de la Cour elle-même.

D’autre part, on se doit d’envisager qu’une compréhension terminologique rigoureuse ne soit pas de mise dans la lecture de l’article 17 de la Convention régissant la Cour de justice communautaire. En usant du terme « organe », le législateur en exploite plutôt le sens générique, entendant englober toutes les articulations du système institutionnel. Il ne s’astreint à la rigueur terminologique que lorsque des exclusions sont envisagées, en exemple l’article 11 de cette même Convention qui cite nommément les institutions communautaires dont les activités sont exclues du champ de compétence de la Cour. Toutes les conséquences de cette dernière appréhension de l’usage du terme « organes » doivent être tirées dans son association au terme « Acte ».

17. Sur l’usage du terme « acte » : le Chapitre II de l’Additif relatif au système institutionnel de la CEMAC éclaire sur les « actes juridiques (…) » sanctionnant l’activité des différents maillons du système institutionnel communautaire. Dans un souci pédagogique manifeste, l’article 20 affecte à chaque institution ou organe une catégorie d’actes nominativement distingués d’autres :

- La Conférence des chefs d’Etats adopte des Actes additionnels au Traité ;

- Le Conseil des ministres et le Comité ministériel adoptent des règlements, des directives, prennent des décisions et formulent des recommandations ou des avis ;

- Le Président de la Commission (ex-secrétaire exécutif) et le Gouverneur de la BEAC arrêtent des règlements d’application, prennent des décisions et formulent des recommandations ou des avis.

Une lecture finaliste de l’article 17 de la Convention régissant la Cour impose d’admettre que l’ensemble de ces actes puisse être soumis à l’appréciation préjudicielle du juge communautaire tant en ce qui concerne l’interprétation que l’appréciation de validité. Cependant, on ne saurait ignorer le statut particulier de l’Acte additionnel, déjà évoqué. Il est en effet précisé à l’article 21 de l’Additif qu’il « est annexé au Traité ». A ce titre en effet, il fait inexorablement partie de la législation primaire et ne pourrait admettre qu’une interprétation du juge et jamais une appréciation de validité. Il faudrait donc comprendre que les actes visés à l’article 17 n’incluent pas a priori les Actes additionnels comme susceptibles d’une appréciation de validité.

18. En définitive, sous réserve des actes additionnels, les textes de droit dérivé interne se prêtent aussi bien à l’interprétation qu’à l’appréciation de validité. Relativement au destin préjudiciel des textes issus des relations internationales de la CEMAC, seules des analyses déductives peuvent être faites, face au silence des textes.

2° Les textes issus des relations internationales de la CEMAC

19. « Les conventions internationales constituent les sources du droit interne (…) leur violation peut être invoquée à l’appui d’un recours » devant le juge30. Ainsi, il s’impose de s’interroger sur le destin préjudiciel des actes générés par les relations internationales de la Communauté. Ces actes devraient se diversifier dans la CEMAC. En effet, « la Communauté établit toutes coopérations utiles avec les organisations régionales ou sous régionales existantes. (…) Des accords de coopération et d’assistance peuvent être signés avec les Etats tiers ou les organisations internationales »31. Devant un juge national, la possibilité d’une demande en interprétation de tels accords est a priori incontestable, mais quid de l’appréciation de validité ? Cette question achoppe sur celle de la hiérarchie des normes communautaires32 ou à tout le moins sur le classement - en droit primaire ou en droit dérivé - de ces accords. En effet, un accord international classé dans la première catégorie ne saurait faire l’objet d’une appréciation préjudicielle en appréciation de validité. Aussi faudrait-il savoir où situer les accords internationaux conclus par la Communauté. Selon la doctrine européenne, la primauté du Traité sur ces accords doit être constatée, tandis qu’ils seront à leur tour placés au-dessus des textes de droit dérivé33.

A notre sens, la réponse sera orientée par les modalités de conclusion des accords en question. Ils présenteront souvent une force juridique variable, notamment en considération des organes qui les auront conclus, élément qui augure déjà de leur portée. Ceux qui modifient les actes fondateurs, à l’instar des actes d’adhésion de nouveaux membres34 qui relèvent de la Conférence des Chefs d’Etat, devraient s’approprier de toutes les prérogatives émanant de la force juridique de ces actes. Notamment, il serait juridiquement illogique d’en demander l’appréciation de validité. Par contre, les accords n’entraînant pas une modification du Traité devraient pouvoir faire l’objet d’une telle appréciation. Dans ce sens, nombreux sont les accords autorisés par le Conseil des ministres et conclus par la Commission de la CEMAC35. Il serait cohérent, en considération du pouvoir législatif de ces institutions, limité au droit dérivé, que ces accords ne puissent revêtir que les prérogatives attachées aux actes de cette catégorie. Il devrait par conséquent être possible d’en demander à la fois l’interprétation et l’appréciation de validité.

20. L’évocation du droit international de la CEMAC ne saurait s’achever sans une précision relative aux limites du domaine d’intervention du juge communautaire en matière préjudicielle. Il ne se saurait en effet se prononcer à titre préjudiciel sur des actes émanant d’autres systèmes d’intégration36 ou d’autres Etats. Qu’il s’agisse d’une question préjudicielle en interprétation ou en appréciation de validité, il ne saurait se prononcer directement ou incidemment sur l’opportunité des actes nationaux ou internationaux ayant justifié l’invocation du droit communautaire. De même, le juge communautaire ne saurait prononcer l’annulation de l’acte ou de la pratique nationale ou internationale invalidée.

21. Par l’interprétation et/ou l’appréciation de validité des actes communautaires, le juge œuvre à l’harmonisation de la jurisprudence communautaire. De la multiplicité des litiges portés devant les juridictions nationales, présentant une grande diversité de fond, résultent nécessairement des différences voire des divergences dans l'application des éléments de droit communautaire invoqués, aussi bien entre les juridictions d'un même Etat membre qu'entre celles des divers Etats membres. La possibilité ainsi donnée aux juridictions nationales de s’instruire auprès de la juridiction communautaire permet, lorsque l’instrument du renvoi préjudiciel est usité, de s’éloigner de la contingence des réponses qui pourrait prévaloir si une direction précise n’était indiquée par cette dernière juridiction.

22. Le droit ainsi ouvert à toutes les juridictions des Etats membres de la CEMAC de coopérer avec la Cour s’avère être une solution à la fois rationnelle et pragmatique, dont on n’arrive pas à expliquer qu’elle soit ignorée des juges nationaux37. Pourtant, la création d’une Communauté, par l’application d’un « droit commun » aux 6 états membres s’impose tant au juge national qu’au juge communautaire, et commande, pour une bonne administration de la justice, l’application de solutions identiques aux hypothèses correspondantes, chaque fois que l’argument de droit porte sur un acquis communautaire.

C/ L’APPLICATION D’UN « DROIT COMMUN » AU 6 ETATS MEMBRES, JUSTIFICATION DU DOMAINE DE LA COOPERATION PREJUDICIELLE

23. « A défaut d’être commune, elle [la norme communautaire] cesse d’exister et il n’y a plus de Communauté »38. L’instauration d’une Communauté fondée sur le droit est intrinsèque à l’idée même d’intégration : « la norme communautaire doit prévaloir sous peine de cesser d’être commune (…) ». Le domaine de la coopération préjudicielle, en couvrant tant le droit communautaire primaire que le droit communautaire dérivé, permet de prendre en compte, dans l’objectif d’uniformisation, l’ensemble du droit communautaire en vigueur. Ce droit fait partie intégrante de l’ordre juridique national, et est créateur de droits et d’obligations pour l’ensemble des personnes physiques et morales de cet espace. Il convient ici de rappeler que deux principes centraux expliquent fondamentalement que tout texte de droit communautaire puisse être invoqué devant le juge national, afin d’assurer l’effectivité d’un droit « commun » issu de la CEMAC : le principe de l’effet direct et le principe de primauté du droit communautaire.

24. Le principe de l’effet direct39 et celui de la primauté du droit communautaire40 tels qu’ils ont été définis par le juge communautaire européen sont devenus des principes cardinaux d’application du droit communautaire général. Par la force de l’effet direct, l’ensemble législatif communautaire devient partie intégrante de l’ordre juridique national. Tout citoyen ou toute personne morale de chacun des 6 Etats membres est désormais titulaire des droits issus de la CEMAC. Ils en sont également redevables. Le principe de l’effet direct est donc le fondement juridique de l’invocabilité immédiate des droits et obligations créés à l’endroit des sujets de droits communautaires.

La primauté du droit communautaire est quant à elle la conditio sine qua none d’une invocation utile du principe de l’effet direct. La Cour de justice de la CEMAC s’impose de réaffirmer la centralisation de l’effectivité de la Communauté de droits autour de ce principe41. L’Avocat général ELENGA-NGAPORO en exprime la manifestation concrète de la manière suivante : « La primauté du droit communautaire sur la loi nationale implique que le droit communautaire prévaut sur le droit national, de sorte qu’en cas de conflit, c’est le droit communautaire qui s’applique ; le droit national devant alors s’effacer au profit de la norme communautaire »42. Ce principe place le droit communautaire au dessus du droit national, instaurant ainsi un ordre hiérarchiquement supérieur du premier sur le second. Comme conséquence directe, une disposition du droit national ne saurait contrevenir à aucun des textes de l’ensemble législatif communautaire. Aussi, l’invocation d’un texte de droit communautaire primera sur le texte de droit national, a fortiori si ce dernier lui est contraire. Le recours préjudiciel s’offre pour le juge national un moyen de s’instruire auprès du juge communautaire le cas échéant.

25. Pour sa part, le juge communautaire consolidera la préséance du droit communautaire en œuvrant, selon la mission qui lui est assignée, notamment part la voie des réponses préjudicielles, à l’uniformisation de la jurisprudence communautaire. Pour obtenir ces réponses, une procédure type existe, quoique encore en chantier dans la CEMAC.

1 P. MARTENS. Juge à la Cour Constitutionnelle française. Préface de l’ouvrage Le renvoi préjudiciel en droit européen. Guide pratique. C. NAOME. Collection JLMB. Larcier. 2007. p. 7.

2 J. PERTREK, Renvoi préjudiciel. Document Internet. fdv-univ-lyon3mini_site/renvoi_prejud.pdf. La doctrine rapporte ainsi qu’ « en 2008, sur 592 affaires introduites devant la Cour de justice, 288, soit près de la moitié, l’ont été sur renvoi préjudiciel. Sur 494 arrêts rendus la même année, 238 l’ont été sur renvoi ». V. J. MOLINIER et J. LOTARSKI, Droit du contentieux européen. 2ème éd. Collection SYSTEME Droit. L.G.D.J. Lextenso éditions. 2009. P. 100.

3 C.J.C.E., 5 février 1963, VAN GEND EN LOOS. Aff. 26/62.

4 Ce recours est institué principalement par l’article 234 du Traité CE, devenu article 267 du Traité de Lisbonne.

5 Une définition jurisprudentielle, plus fonctionnelle, existe. Le recours préjudiciel serait ainsi « une coopération judiciaire par laquelle juridiction nationale et Cour de justice, dans l’ordre de leurs compétences propres, sont appelés à contribuer au directement et réciproquement à l’élaboration d’une décision en vue d’assurer l’application uniforme du droit communautaire dans l’ensemble des Etats membres ». C.J.C.E., 1er décembre 1965, SCHAWRZE, aff. N° 16/65. Rec. P. 1081.

6 J. PERTREK, Renvoi préjudiciel, op. cit. , p. 1.

7 Il s’agit spécialement des principes de la primauté du droit communautaire (C.J.C.E., 15 juillet 1964. FLAMINIO COSTA c/ E.N.E.L. Aff. 6/64. Rec. P. 01141) et de son effet direct (arrêt VAN GEND EN LOOS, précité ; C.J.C.E., 9 mars 1978, SIMMENTHAL, aff. 106/77, rec. p. 629). V. J. MOLINIER et J. LOTARSKI, Op. cit. P. 100.

8 Cette expression a fait son entrée dans le droit communautaire général avec une jurisprudence dite LES VERTS : C.J.C.E., 23 avril 1986, LES VERTS c/ CONTRE PARLEMENT. Aff. 294/93. Rec. p. 1357. Point 23 in limine. L’Avocat Général DARMON écrira à bon escient : « Dès lors qu’elle est constituée d’Etats de droit, la Communauté Européenne est nécessairement une Communauté de droit » : Conclusions sous CJCE, 15 mai 1986, JHONSTON Aff. 222/84. 1651. V. G. ISAAC et M BLANQUET, Droit communautaire général, 8ème éd. ARMAND COLIN, p. 202. et sv. ; J.-M. FAVRET, L’essentiel du contentieux communautaire. Les Carrés. Gualino Editeur, 2001, p. 9.

9 Au sujet de l’UEMOA, lire : ATTEYNE (A.), Une intégration économique africaine à l'image de l'intégration économique européenne: le cas de l'U.E.M.O.A. Revue burkinabé de droit. p. 83 et sv. ; BURGOGNE-LARSEN (L.), Prendre les droits communautaires au sérieux ou la force d'attraction de l'expérience européenne en Afrique de l'Ouest et ne Amérique latine. In les dynamiques du droit européen en début de siècle. Etudes en l'honneur de Jean-Claude GAUTRON. Ed. A. PEDONE, 2004, p. 563 et sv.

10 Au sujet de la CEMAC, lire : D. AVOM, Le Traité de la CEMAC : nouveau départ pour le processus d’intégration économique en Afrique centrale ? RJPIC, 2ème semestre. 1998. p. 158 et sv. ; J. MOUANGUE KOBILA et L. DONFACK SOKENG, La CEMAC : à la recherche d’une dynamique d’intégration économique en Afrique Centrale. Annuaire Africain de Droit international. Vol. 6, 1998, 65-105. Il s‘impose cependant de préciser qu’une importante réforme institutionnelle est en cours au sein de la CEMAC au moment de la rédaction du présent article. L’étude s’appuie sur la législation communautaire en vigueur, le processus de ratification des textes issus de la réforme n’étant pas achevé. En tout état de cause, après vérification des textes en cours de ratification, le contenu des articles cités dans cette étude n’est pas en substance modifié. Concernant la Cour de Justice de la CEMAC, il faut retenir que le principe de l’éclatement de celle-ci est acquis. La CEMAC disposera donc, à l’issue de la réforme, de deux Cours : une Cour de justice et une Cour des comptes. Les articles pertinents portant sur le recours préjudiciel restent inchangés quant au fond (articles 26 et 27 de la Convention régissant la Cour de Justice Communautaire en cours de ratification), sauf en ce qui concerne la sanction de l’inobservation des interprétations données par la Cour. L’action en manquement devrait désormais être engagée selon l’article 26 susmentionné, remplaçant ainsi l’action en appréciation de validité, seule possibilité ouverte par l’article 18 de la Convention régissant la Cour de Justice de la CEMAC encore en vigueur au moment de ces lignes.

11 A titre de droit comparé, on notera que l’OHADA, pour réaliser l’uniformisation de la jurisprudence de la Cour commune de justice et d’arbitrage, a opté pour le mécanisme du recours en cassation (article 15 de son traité). A ce sujet, lire, entre autres, B. BOUMAKANI,  Le juge interne et le " droit OHADA", Penant, n° 839, 2002, pp.133-152.

12 La Cour de Justice Communautaire (CJC) est instituée par l’article 5 du Traité de N’djamena. Elle est régie par un bloc de 5 textes. Il s’agit de : la Convention régissant la Cour de justice de la C.E.M.A.C du 5 juillet 1996, l’Acte Additionnel N° 06/00/CCE-041-CCE-CJ-02 portant Statut de la Chambre judiciaire ; l’Acte Additionnel N° 07/00/CCE-041-CCE-CJ-02 portant Statut de la Chambre des comptes ; l’Acte Additionnel N° 04/00/CCE-041-CCE-CJ-02 portant Règles de procédure de la Chambre judiciaire ; l’Acte Additionnel N° 05/00/CCE-041-CCE-CJ-02 portant Règles de procédure de la Chambre des comptes. Ces Actes Additionnels datent du 10 décembre 2000. Ils restent en vigueur jusqu’à la fin du processus de ratification des nouveaux textes issus de la réforme institutionnelle de la CEMAC, processus lancé en juin 2008.

13 Article 19 de la Convention régissant la Cour de justice de la CEMAC

14 Dans l’Union européenne, le renvoi préjudiciel est fondé aujourd’hui sur l’article 267 du Traité de Lisbonne. Dans l’U.E.M.O.A., c’est l’article 12 al. 2 du Protocole Additionnel n° 1 du relatif aux organes de contrôle qui constitue la base juridique de ce recours.

15 C.J.C.E., 15 juillet 1964. FLAMINIO COSTA c/ E.N.E.L. Aff. 6/64. Rec. p. 01141.

16 Cette formule devenue commune a été utilisée pour la première fois par le juge communautaire dans l’arrêt : TPICE, 10 juil. 1990, Tetra Pak c/ Commission, aff. T-51/89, Rec. II, p. 309, pt 42). V. G. CANIVET, Le droit communautaire et l’office du juge national. Rev. Droit et Société 20/21. 1992. p. 144. B. CHEVALIER, Les rapports du droit communautaire avec le droit interne des Etats membres et la mise en œuvre du droit communautaire par le juge national. Exposé. Stage de formation organisé par la Cour de justice de l’Union européenne pour les membres de la délégation de la Cour de justice de l’UEMOA, de la Cour de justice de la CEMAC, et de la Cour de Justice de la CEDEAO. 24 Avril 2010. Documentation de la Cour de justice de la CEMAC. Inédit.

17 C.J.C.E., 9 mars 1978, SIMMENTHAL, aff. 106/77, rec. p. 629, Point 21.

18 J.-M. FAVRET, L’essentiel du contentieux communautaire, précité, p. 32. V. aussi : S. P. LEVOA AWONA, Les compétences juridictionnelles dans l’espace OHADA et l’espace CEMAC. Thèse, Université de Yaoundé II. 2009, p. 16 et sv.

19 R. NJEUFACK TEMGWA, Le renouveau du cadre institutionnel-décisionnel au sein de la C.E.MA.C. : vers une Communauté plus dynamique ? Annales de la faculté des sciences juridiques et politiques. Université de Dschang (Cameroun), Tome 8, 2004, p. 158 et sv.

20 Ces textes fondent le système institutionnel communautaire. Pour en savoir plus : J. N. ATEMENGUE, « Le droit matériel de l’intégration dans la communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale. Une lecture des textes fondamentaux », Juridis Périodique n°46, 2001, p. 110.

21 P. KAMTOH, Président de la Chambre judiciaire de la Cour de Justice de la CEMAC : « Cour de justice de la CEMAC : Compétence et procédure de la Chambre judiciaire. Document de vulgarisation sur la Cour de justice Communautaire. 2008. Documentation de la Cour. Inédit. P. 9.

22 J. RIDEAU, Droit institutionnel de l’Union et des Communautés européennes. Op. cit. p. 804.

23 Article 50 de l’Additif relatif au système institutionnel et juridique de la Communauté.

24 CEMAC. Présidence du programme de réformes institutionnelles de la CEMAC. Comité de pilotage. Rapport d’étape du Comité de pilotage au Président dédié. Bata 22 fév. 2007.

25 L’Acte additionnel n° 6/00/CEMAC-041-CCE-CJ-02 du 14 décembre 2000 portant Statut de la Chambre judiciaire et l’Acte additionnel n° 7/00/CEMAC-041-CCE-CJ-02 du 14 décembre 2000 portant Statut de la Chambre des comptes.

26 Article 21 de l’Additif relatif au système institutionnel et juridique de la Communauté : « Les actes additionnels sont annexés au Traité de la CEMAC et complètent celui-ci sans le modifier. Leur respect s’impose aux Institutions de la Communauté ainsi qu’aux autorités des Etats membres ».

27 Selon l’alinéa 4 de l’article 21 de l’Additif relatif au système institutionnel et juridique de la Communauté : « les décisions sont obligatoires dans tous leurs éléments pour les destinataires qu’ils désignent ».

28 En exemple : Les juges de la Cour de justice Communautaire sont nommés par Actes additionnels : Voir, pour les pionniers : l’Acte Additionnel n° 1/2000/CEMAC/CJ/CE portant nomination des membres de la Cour de Justice de la CEMAC. 10 fév. 2000.

29 Article 21 de l’Additif relatif au système institutionnel et juridique de la Communauté.

30 Arrêt n°163/A/CFJ/CAY du 8 juin 1971, Compagnie Commerciale et Immobilière africaine des chargeurs réunis c/ Etat du Cameroun oriental. Voir également l’arrêt n°171/A/CFJ/CAY, Société Davum c./ Etat du Cameroun Oriental. Cité par J. KENFACK, Les actes juridiques des Communautés et Organisations internationales d’intégration en Afrique Centrale et Occidentale. Thèse. 2003, note 539.

31 Article 36 de l’Additif au Traité relatif au système institutionnel de la CEMAC. Voir aussi les actes prévus à l’article 39 de l’Additif au Traité « Tout Etat africain peut être associé à une ou plusieurs politiques de la Communauté. Les Conditions d’une telle association font l’objet d’un accord entre l’Etat demandeur et la Communauté ». Notons également ceux conclus en vertu de l’article 20 de la Convention de l’Union économique : « Si des accords doivent être conclus avec des pays tiers dans le cadre de la politique commerciale commune, le Secrétariat exécutif présente des recommandations au Conseil des ministres qui l’autorise (…). Les accords mentionnés (…) sont conclus par le Conseil des Ministres, statuant à la majorité qualifiée de ses membres ».

32 J. RIDEAU, Droit institutionnel de l’Union et des Communautés européennes. Op. cit. p. 221 et sv.

33 Ibidem.

34 La possibilité d’adhésion d’un nouvel Etat membre est prévue à l’article 6 du Traité de la CEMAC. Elle est faite à l’unanimité des membres fondateurs, tandis que les adhésions ultérieures feront l’objet d’un accord unanime des membres de la Communauté.

35 Exemples : Décision n° 6/00-UEAC-063 – CM – 04 autorisant le Secrétariat Exécutif [devenu Commission en 2008] à signer un protocole d’accord de coopération technique avec la CNUCED ; Décision n° 5 /00/CEMAC – 057 – CM – 04 donnant mandat au Secrétariat Exécutif pour signer l’accord de coopération avec l’OIPC – INTERPOL, Toutes décisions du 21 juillet 2000.

36 G. TATY, Le Règlement du contentieux communautaire par la méthode du recours préjudiciel dans l’espace CEMAC, op. cit., p. 3.

37 Ainsi, le Premier Président de la Cour de justice Communautaire de la CEMAC lors de la cérémonie de rentrée solennelle de la Cour de justice le 17 mars 2010, a relevé pour le déplorer, au titre du bilan des activités de la Chambre judiciaire, que « la procédure de recours préjudiciel pouvant provenir des juridictions nationales de six Etats n’a jamais figuré dans le rôle des affaires de la Chambre ». Allocution du Premier Président de la Cour de justice de la CEMAC à l’occasion de la rentrée judiciaire 2009-2010. Documentation de la Cour. Inédit. On rappelle que la Cour fonctionne déjà depuis 10 ans.

38 Ces principes fondamentaux du droit communautaire tels qu’ils se sont développés au fil de la jurisprudence communautaire, font l’objet, à juste titre, d’une véritable théorie générale. V, dans ce sens : J. RIDEAU, Droit institutionnel de l’Union et des Communautés européennes. Op. cit. p. 101. B. CHEVALIER, La primauté et l’effet direct du droit communautaire, les développements de la jurisprudence récente. Visite des Magistrats de la Cour de cassation. 27 juin 2005. Bulletin d'information n° 624 du 01/08/2005. Lire aussi : J. BIPELE KEMFOUEDIO, Droit communautaire d’Afrique centrale et Constitutions des Etats membres : la querelle de la primauté, Annales de la faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’Université de Dschang. Tome 13, 2009, p. 109 et sv.

39 En plus d’être le premier recours préjudiciel de la C.J.C.E comme cela a été dit, l’arrêt VAN GEND AN LOOS du 5 février 1963 entré dans le patrimoine jurisprudentiel de la Communauté européenne en posant pour la première fois le principe de l’effet direct des règles communautaires, qu’une jurisprudence évolutive a par la suite encadré. Ainsi, c’est dans l’arrêt SIMMENTHAL rendu en 1978 que le juge donne une réelle latitude à ce principe : « «l’applicabilité directe (...) signifie que les règles du droit communautaire doivent déployer la plénitude de leurs effets, d’une manière uniforme dans tous les Etats membres, à partir de leur entrée en vigueur et pendant toute la durée de leur validité» et «ces dispositions sont une source immédiate de droits et d’obligations pour tous ceux qu’elles concernent, qu’il s’agisse des Etats membres ou de particuliers qui sont parties à des rapports juridiques relevant du droit communautaire». C.J.C.E., 9 mars 1978, SIMMENTHAL, aff. 106/77, rec. p. 629.

40 Inexistant dans les traités originels de la Communauté européenne, le principe de primauté a été défini par le juge communautaire dans son célèbre arrêt COSTA c/ ENEL du 15 juillet 1964 en ces termes : «  Attendu qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments, qu’issu d’une source autonome, le droit né du traité ne pourrait donc en raison de sa nature spécifique originale, se voir judiciairement opposer un texte interne quel qu’il soit, sans perdre son caractère communautaire et sans que soit mise en cause la base juridique de la Communauté elle-même ; Que le transfert opéré par les Etats, de leur ordre juridique interne au profit de l’ordre juridique communautaire, des droits et obligations correspondant aux dispositions du traité entraîne donc une limitation définitive de leurs droits souverains contre laquelle ne saurait se prévaloir un acte unilatéral ultérieur incompatible avec la notion de Communauté (…) ». Points 36 et 37. Ce principe fait l’objet d’une déclaration intégrée dans le nouveau Traité de Lisbonne. Versions consolidées du Traité sur l'Union européenne et du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. JOUE, 2008/C 115/01, p. 344.

41 P. KAMTOH, La mise en œuvre du droit communautaire dans les Etats membres de la CEMAC. Exposé. IDEF. Site internet IDEF. Selon ce juge, suivant en cela de nombreux analystes de l’expérience européenne, « la primauté est « une condition existentielle » du droit communautaire ». Une doctrine spécialisée écrira à ce propos que « nier son primat signifie nier son existence », J. DUTHEIL DE LA ROCHERE, « La jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes et la souveraineté des États», in La Constitution et l’Europe, Montchrestien, 1992, p. 234.

42 CEMAC. Cour de justice Communautaire. Réquisitions de Madame Julienne ELENGA-NGAPORO, juge à la Chambre Judiciaire, commise l’Avocat général à l’audience solennelle de rentrée judiciaire 2009-2010 de la Cour de Justice de la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC). Documentation de la Cour de justice de la CEMAC. Inédit. Lire aussi : S. P. LEVOA AWONA, Les compétences juridictionnelles dans l’espace OHADA et l’espace CEMAC. Thèse précitée, p. 41 et sv.

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