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Les déboires d’une ménagère ou mon message le plus naïf à l’occasion de la prochaine Journée Internationale des droits du Consommateur…
Excellence, Monsieur le Ministre Camerounais du commerce, Ministre du consommateur,
Selon votre mandat ministériel, vous êtes à la fois Ministre des commerçants et Ministre des consommateurs. La ménagère camerounaise que je suis s’adresse à ce dernier.
Monsieur le Ministre, je voudrais vous dire, qu’il y a quelques jours, à 20h30, un opérateur téléphonique m’a envoyé un message publicitaire m’informant que je pouvais désormais jouer au PMUC à partir de son service de transfert d’argent… Je ne veux pas m’attarder sur toutes les fois ces opérateurs m’ont envoyé des messages expressément trompeurs, m’annonçant que j’avais gagné quelques centaines de milliers de nos francs à un jeu auquel je n’avais jamais joué. Vous savez que derrière ce mensonge, se cache un sms surfacturé que je dois lui retourner, soit disant pour recevoir mon gain. A ce moment-là, c’est l’opérateur qui gagnera, d’abord sur le prix normal du SMS, et ensuite, sur la surfacturation.
Ces mêmes opérateurs, comme les autres d’ailleurs, vantent leur taux de couverture national. Mais, j’ai été convié à des funérailles dans nombre de village à l’Ouest du Cameroun où il n’était pas possible ni de téléphoner, ni d’être joint. Mais, le crédit de communication est décompté pendant tout le temps où vous pensez pouvoir entendre une voix au bout du fil : il y a bien connexion à un certain réseau, mais pas de communication possible car l’un n’entend pas l’autre. Le service n’est pas au point, le réseau est faible, officiellement, mais moi, comme les résidents du coin, payons pour des « Allô ! Allô ! », sans retour. Au moins, lorsqu’on prend le train de Yaoundé pour Ngaoundéré, les téléphones étant tout simplement hors réseau jusqu’à la prochaine gare, on conserve le bénéfice d’un meilleur usage de son crédit de communication.
Monsieur le Ministre, ces mêmes opérateurs m’offrent des services d’accès à l’Internet. Il faut, bien entendu, payer avant être servi. Mais, comme pour le service téléphonique, payer ne garantit pas toujours le service. Souvent, se connecter est un vrai défi lancé aux ondes ; lorsque ce n’est pas tout simplement impossible. Mais le décompte du montant de la connexion est sagement effectué par l’opérateur. Le temps de connexion n’est pas vraiment un temps de connexion : c’est un temps de face à face avec un ordinateur, souris à la main, accompagné d’une bonne dose d’espoir de connexion. Désabusée, je suis passée d’opérateur en opérateur : celui qui me fournit actuellement internet, ne nous prévient pas des défaillances présent ou à venir sur le réseau : mais malgré ces défaillances, il est toujours possible de cliquer jusqu’à ce que les frais de connexion soient défalqués de mon compte principal, par un système magnifiquement informatisé de l’opérateur, mais après, plus rien. La connexion Internet, le service pour lequel j’ai été défalqué, devient impossible. Après un déplacement à l’agence, un commercial vous explique calmement « qu’il y a des perturbations sur le réseau ». « Serons-nous remboursés ? ou dédommagé ? « Non, je ne crois pas », répond-il, toujours aussi souriant. Un sms, même de nuit, aurait suffi, pour me prévenir, mais rien de ceci n’est effectué avant la perturbation, ni même pendant. Mais, il leur arrive de m’annoncer par SMS la fin des perturbations ! Imagine-t-on un boulanger arriver à vendre du pain sans mie ? Les opérateurs de téléphonie mobile et d’accès internet y arrivent, eux, à commercialiser des services qui ne servent pas. Nous payons souvent pour un service impossible. La seule réponse : « le réseau est mauvais » ou « il n’y a pas de réseau ». Qui est responsable de la qualité du réseau ? A-t-on sans le savoir, ouvert la voie à une nouvelle forme d’escroquerie qui ne dit pas son nom ?
Monsieur le Ministre, quand j’arrivais dans la ville de Ngaoundéré, la qualité de l’eau de cette ville faisait envie à mes visiteurs venant de Douala. Aujourd’hui, mon robinet me sert une eau orangée, au mieux de couleur grise ou beige. L’eau n’est plus potable, mais elle coute toujours le même prix, si ce n’est plus. On pense souvent qu’une baisse de qualité doit entrainer une baisse de coût. Non, pas toujours. Pire, nous avons dû investir dans un filtre à eau. Pour les autres travaux domestiques, il faut laisser l’eau du robinet reposer plusieurs heures avant usage sinon, tant pis pour le linge blanc. Je suis désormais logée à la même enseigne que mes amis de Douala. Mais, contraire à ces derniers, je n’ai que rarement de coupure d’eau, sauf, bien entendu, lorsque l’opérateur d’électricité décide d’interrompre son service. Ici chez nous, le service de l’eau dépend souvent du service de l’électricité.
Monsieur le Ministre, je voudrais vous dire que mon fournisseur audiovisuel sélectionne une deuxième fois les chaînes de télévision qu’ils ont choisies unilatéralement avant notre convention. Au départ, j’ai droit, me dit-on, à tel bouquet précis, comprenant tant de chaines de télévision et de radio, tout ceci correspondant à tant par mois. Je paye le montant convenu, chaque mois, mais au jour le jour, je ne sais jamais vraiment quel canal je pourrai effectivement visionner. Hier dimanche, je n’ai pas pu, comme dimanche dernier, profiter de ma chaîne préféré KTO ; ni regarder les mariages sur TF1 toute la semaine. Un message remplaçait les images que j’espérais. L’opérateur m’invitait sur l’écran à contacter mon distributeur. Quand j’ai été au guichet de ce dernier, une jeune fille bien maquillée, et ma foi, très souriante aussi, m’a répondu que « le problème c’est depuis Douala, mais ça va bientôt s’arranger ». Je vous rappelle que je réside à Ngaoundéré. Personne ne me propose un dédommagement, sous quelque forme que ce soit. Je suis appelée à être une consommatrice patiente, et surtout pas exigeante.
Je voudrais vous dire, Excellence Monsieur le Ministre des consommateurs, qu’après avoir affronté ces premiers opérateurs que le progrès des technologies de l’information et de communication ont introduit dans mon domicile, je dois sortir vers d’autres services tout aussi modernes. Commençant par la banque, je dois vous dire qu’il n’est pas souvent possible d’obtenir le double original des conventions d’ouverture de compte. En tout cas, mon banquier a opposé un refus total à cette demande. Si je n’étais pas juriste, peut-être que ce refus ne serait pas un problème. Mais, comment comprendre qu’on vous refuse un double du contrat que vous venez de signer ? Même au supermarché, je reviens avec une facture, preuve que je viens de contracter en achetant divers produits. Comment expliquer ce revers chez le banquier ? Et encore, je ne vous dis pas que j’ai dû résister à leur offre d’assurance, que le commercial voulait absolument m’imposer, concomitamment à la convention de compte courant. Et encore, je ne vous parle pas des sommes dont je suis souvent ponctionnée, comme ça, sans explication... je vous invite à regarder de prêt vos relevés de compte, vous, consommateur inter pares, serez grandement surpris…
Monsieur le Ministre, après avoir passé du temps à banque, face à un distributeur qui, soit, n’a plus de billet, soit n’a pas plus ce ticket récapitulatif qui m’informe sur l’état de mon compte, je dois me rendre au marché. Comme je ne suis pas très riche, je ne permets pas toujours le supermarché. Je vais dans les marchés de vivres et les boutiques environnantes et là :
- Je constate que les emballages plastiques officiellement hors commerce sont toujours d’usage. Ce n’est pas pour me plaindre - encore que, désormais vendu sous le manteau, ces emballages non biodégradables frappés d’interdiction de vente ont pris de la valeur et quelle valeur ! - mais je voudrais vous dire qu’en tant que consommatrice, la loi-cadre du 6 mai 2011 qui me protège, m’invite dans ce sens, à participer à la protection de l’environnement.
- Je constate qu’il est difficile de trouver des cure-dents qui curent sans se briser entre les dents, remplaçant ainsi des déchets mastiqués par un autre quasi solide ; Et vous savez que lorsqu’un cure-dent se brise en cours d’usage, il faut le remplacer par un autre cure-dent ; la boite se vide plus vite et on retourne au marché, à la plus grande satisfaction de tous les professionnels de la chaîne, du fabricant au revendeur ;
- Je découvre qu’il existe du piment qui ne pique pas. On peut en mettre dans la sauce un tout plein de sachet de plastique transparent, personne ne s’en rendra compte ;
- Je rentre à la maison avec un paquet d’allumettes. Une allumette sur deux craque, s’allume et s’éteint aussitôt, avant d’atteindre le bruloir de la gazinière; j’en prends une deuxième bien sûr, car il faut bien faire chauffer la marmite. Pendant ce temps, le grattoir blanchit avant que les buchettes ne soient épuisées : il faut une autre boite d’allumettes pour achever la première ; les sociétés sur laquelle nous comptons pour avoir des allumettes qui allument font des économies sur l’un ou l’autre, le phosphore et le souffre dont on enduit le bâtonnet de l’allumette et le grattoir de sa boîte. Le bois même est souvent de médiocre qualité, vue leur facilité à se rompre alors qu’on essaie plutôt d’avoir de la flamme…
- Vais-je m’attarder sur le variable pain de Ngaoundéré ? sa quantité ? Sa qualité ? Sur ces biscuits indiens dont la qualité et la quantité en sucre font réfléchir sur l’avenir des dents des consommateurs ?
Excellence je ne vous ai parlé que de mes déboires personnels, et encore, j’ai dû les sélectionner, pour qu’ils rejoignent ceux qui font l’objet de commentaires réguliers dans nos tontines de bonnes ménagères. Vers qui pourrions-nous crier ? A regarder de près, vous êtes le premier ministre de la ménagère. Mais nous nous méfions un peu de vous, vous parlez un peu trop rarement des droits des consommateurs, dans le sens de les protéger. C’est vrai que le pays est pauvre et très endetté, que vous avez un grand besoin d’entreprises commerciales mais de grâce : pourquoi a-t-on fait de vous le Ministre à la fois des commerçants et des consommateurs ? Comment allez-vous vous en sortir, sans vexer personne, tout en vous préservant de la schizophrénie ? Comment allez-vous procéder pour empêcher les commerçants au sens le plus large de porter atteinte aux droits les plus naturels du consommateur, à savoir ne prendre de l’argent que contre un service effectif ? Dire aux fournisseurs d’accès internet qu’on ne peut pas impunément modifier les clauses d’un contrat de manière unilatérale ?
La Journée internationale du Consommateur arrive, le 15 mars prochain, dites-nous, Excellence ce que nous devons faire…
Ne nous dites surtout pas d’aller saisir le juge : avant il faut faire venir l’huissier, qu’il constate que le réseau s’est interrompu pendant qu’on était sur internet, qu’il constate que je n’ai plus KTO, qu’il constate la couleur de notre eau nationale, qu’il etc… Et puis, mes déboires proviennent d’une accumulation d’insatisfactions, souvent représentés par des montants que l’on peut considérer comme faibles, mais qui, pris globalement, constituent un véritable appauvrissement programmé de la ménagère que je suis…
Dernièrement, vous nous avez autorisés à solliciter les Sous-préfets pour le règlement de certains litiges de consommation: Quelles mesures avez-vous prises pour en informer à la fois le consommateur et le Sous-Préfet ?
Non, il n’y a que vous seul qui puissiez agir… AGISSEZ ! Si vous avez besoin d’idées fortes, sommes toutes légales, sollicitez les ménagères, comme moi, elles vous inspireront ! Par exemple, commencez par me répondre, à moi la pauvre consommatrice désabusée qui ose vous écrire.
Dans l’attente de vous lire, Excellence.
Mme KENGNE MARIE-COLETTE, ménagère.