Selon une pensée commune, le Client est Roi. Il s'agit de tout client, y compris donc, le consommateur. Ce slogan marketing est généralement appréhendé du seul côté du traitement privilégié qu'on prétend apporter à tout client. Cependant, on doit également le décrypter sous un autre angle pour comprendre pourquoi il n'est pas encore possible, lorsqu'il s'agit du Consommateur Camerounais, de pouvoir évoquer à bon escient même marketing ce slogan. Le vrai Roi dispose des apparats qui, ensuite seulement, appellent à son égard un certain traitement. Donc, le consommateur doit d'abord avoir les apparats d'un Roi, avant d'attendre voire d'exiger le traitement que ce statut entraine quasi automatiquement. Pour qu'on vous traite comme une femme, il faut, soit être une femme, soit à tout le moins ressembler à une femme.
Voici, globalement, les apparats du Consommateur Roi, auquel chaque Camerounais peut ou non s'identifier. Pour une logique dans l'analyse, il faut immédiatement attacher à chaque apparat ses lacunes camerounaises permettant de relever avec emphase, pourquoi, en l'état actuel de notre époque commerciale, le consommateur n'est pas vu comme Roi par qui que ce soit, et d'abord par lui-même.
LE ROI EST UN HOMME DE CONNAISSANCE: A l'époque médiévale - et encore actuellement - le futur Roi était placé entre les mains de savants et d'érudits de tout bord. On lui administrait une formation ardue allant des arts de la guerre aux différentes sciences en passant par les Humanités, où il étudiait la sociologie et les langues vivantes. Louis XVI, par exemple aurait eu de " sérieuses connaissances (...) en droit, en histoire, en géographie, en langues vivantes, en sciences physiques et techniques, en art militaire, en marine" (L´éducation d´un roi. Louis XVI. Pierrette GIRAULT DE COURSAC. 1998). Cette instruction lui servait concrètement à régner. Quel est le niveau d'instruction du Consommateur Camerounais? Le Consommateur Camerounais n'est pas toujours instruit, et même ceux dont on pense qu'ils le sont ne font pas valoir leur connaissance. Par exemple, très peu d'intellectuels sont à même, au Cameroun, de dire avec exactitude ce que le banquier leur prélève chaque mois et beaucoup continuent aujourd'hui encore de payer des frais d'établissement d'un Relevé d'identité bancaire malgré un Arrêté MINFI de 2011 donnant la liste des services bancaires gratuits.
Le professionnel au Cameroun "voit" qu'il a en face de lui un consommateur qui n'a pas les réflexes ni même l'allure extérieur d'une personne nantie de connaissances, et même pour ceux dont il sait qu'ils en disposent, le professionnel "sait" qu'il ne les utilisera pas. La raison de ce type de lacune est amorcée ci dessous. Avant d'y arriver, il faut rappeler que globalement, l'éducation est une mission régalienne de l'Etat et selon les Nations unies " L’éducation du consommateur devrait, selon que de besoin, faire partie intégrante du programme d’études, de préférence dans le cadre de matières déjà enseignées" (Résolution 70/186. Protection du consommateur. 22 décembre 2015). Dire que le besoin chez nous est réel sur ce point relève de la lapalissade. Mais, dans le contexte du Cameroun, le législateur, sous l'œil "vigilant" des associations de consommateurs consultées alors, a opté de placer cette éducation des consommateurs entre les mains …des Associations et ONG de défense de consommateurs (article 23 et 24 de la loi cadre du 6 mai 2011). Avec quels moyens? En conséquence, on attend encore leur programme de formation promis par l'article 24. Entre-temps, le poisson pourri se vend allègrement, les produits médicaux et paramédicaux se vendent dans les transports, les crédits et carte de téléphone sont offerts à la vente même dans les zones hors couverture réseau. Un Roi peut-il appeler la moindre considération si son ignorance est avérée? Et surtout si cette ignorance s'étend jusqu'au droit qui le protège? Même le plus volontaire des professionnels ne pourrait qu'en profiter et croyez-moi, il voit en nous tout, sauf un Roi: un Roi achèterait-il du poisson pourri? Peut-être ce qui suit peut tout expliquer ceci.
LE ROI EST UN MONARQUE PUISSANT: le Roi est puissant, voire tout puissant. Il a l'art de la guerre et la richesse financière. Certains avaient même le droit de vie ou de mort sur leurs sujets.
L'art de la guerre en droit de la consommation, c'est l'action militante. Elle peut être individuelle ou collective. Dans aucun pays pro consumériste la protection du consommateur a été gentiment offerte; elle a toujours été gagnée de haute lutte. Pour militer, il faut des outils, le premier étant la connaissance des termes du combat. L'ignorance du consommateur camerounais a déjà été relevée et justifiée. Le combat militant en matière de consommation au Cameroun est à l'image du combat politique lorsqu'il s'agit d'évoquer le comportement de la masse des citoyens: 1) il semble concerner tout le monde, sauf le consommateur; 2) chaque consommateur attend les victoires des autres sans jamais envisager de combattre lui aussi et enfin, le pire du pire, parfois le consommateur pactise ... avec l'ennemi... au point d'en devenir le défenseur ou le subordonné. Comment comprendre que quarante consommateurs s'alignent devant les guichets pour payer un service, devant les guichets chronophages d'entreprises publiques, parapubliques et même privées? Comment comprendre que cinquante salariés partis de MEIGANGA, de TIBATI peuvent venir chaque mois, entretenir une file d'attente de 3 heures de temps, calmement, paisiblement et parfois même suppliants, devant les banques d'agence unique de la ville de N'gaoundéré? Le Roi attend-il, sans ordonner d'être servi hic et num? Selon vous, le banquier, qui parfois fait fermer le 2ème guichet sous les yeux plaintifs des hommes et femmes de la file d'attente considère-t-il qu'il s'agit-là d'une file d'attente composée de Rois et de Reines?
La puissance est aussi de richesse. Le consommateur camerounais est globalement pauvre et s'il ne s'agit pas là de sa plus grande faiblesse, c'est tout de même une tare qui leste tout ce qu'on peut faire pour lui et qui facilite tout ce qu'on peut faire contre lui. Connaissez-vous des Rois pauvres? Le Roi doit être au moins aussi riche que le dernier de ses valets, sinon, sa puissance s'arrête où commence la fortune de ce valet.
Enfin, la puissance de certains Rois allait jusqu'à la possession d'un pouvoir de décision sur la vie et donc sur la mort sur ses sujets. Le consommateur Roi peut effectivement décider de la vie ou de la mort d'une entreprise, d'abord par ses choix, ensuite par cette arme de mise en faillite rapide du professionnel appelé Boycott et enfin, de manière indirecte, par l'action de groupe que les articles 26 et 29 de la loi du 6 mai 2011 permettent de déclencher. Alors, peu militant et pauvre, le consommateur camerounais, même regroupé dans une association de Rois, n'est pas en voie de combattre significativement les actes de maltraitance nombreux, variés et recrudescents, dont il fait l'objet. Les professionnels sont au courant de cette pauvreté - il s'agit des citoyens d'un PPTE - et de cette carence en matière militante. Ils savent qu'ils ne courent qu'un risque extrêmement limitée à s'attaquer au consommateur, surtout que la garde même rapprochée de ce ROI est elle-même difficile est soit occulte, soit non opérationnelle.